Rama Yade a publié un "Plaidoyer pour une instruction publique" pour l'écriture duquel elle a fait de larges "emprunts" à un philosophe, Jean-Michel Muglioni, qui publie ses réflexions sur le blog de Catherine Kintzler (ici). C'est l'occasion de revenir sur l'opposition entre les "Républicains" et les "Pédagogues, qui hante le débat scolaire et que les politiques voudraient bien dépasser...
Jean-Michel Muglioni est le fils de Jacques Muglioni, ancien doyen de l'inspection générale de philosophie. Celui-ci prononce en 1980 un discours, "La Fin de l'école", dans lequel il pose les fondements de la pensée "républicaine" et "anti-pédagogique". L'ensemble peut se résumer à trois principes :
a) l'enfant devient un élève lorsqu'il entre dans un établissement scolaire.
b) le savoir est une construction disciplinaire dont seuls les enseignants connaissent l'architecture, et les fondations, ce dont le "B A ba" est l'illustration.
c) c'est l'école qui est le fondement de la société, elle ne saurait donc dépendre des aléas démocratiques,
De ces trois principes, on peut penser ce que l'on veut, mais ils sont cohérents, ils visent à mettre l'Ecole hors de portée des parents, des politiques, et à lui assurer une forme d' "extra-territorialité".
Jacques Muglioni les élabore de discours en conférences dans les années 80. Il faut ajouter qu'en 1983, Jean-Claude Milner a dit tout le mal qu'il pensait de la démocratisation de la culture et qu'en 1987, Alain Finkielkraut a dénoncé la raison sociologique. S'y ajoutent aussi les discours sur la "baisse du niveau", auxquels Nathalie Bulle s'efforce de donner une consistance. A part ça, de pamphlets en essais, de Brighelli à Pena-Ruiz et à Muglioni le fils, nous assistons à la répétition du même, sous des formes diverses, dont l'épisode "Rama Yade" est l'avatar caricatural.
Les "Pédagogues" partent de la réalité des élèves, inscrivent l'école dans son environnement, mais comme les "Républicains" (et sans doute, la plupart des lecteurs de Médiapart), considèrent que le savoir est émancipateur par nature.
Certains, comme François Dubet, estiment que ce débat est "théologique". Il oublie que les hommes sont nourris de théologie, que depuis des siècles, des millénaires mêmes, ils se battent pour savoir s'il faut partir du réel, faire du cas par cas, ou s'il faut se donner d'abord des principes. Ils se battent aussi sur les principes. Rama Yade a au moins un mérite, elle nous oblige à penser que cette querelle est toujours d'actualité.