* Dans le texte les accords de genre sont parfois volontairement incorrects. Cela me permet d'exprimer le stress auquel je suis confronté face à l'impossibilité d'être parfaitement moi-même au boulot.
C'est quoi ce blog ?
Un travailleur social est formé à comprendre l’environnement institutionnel, géographique et politique dans lequel il évolue. C’est une étape nécessaire pour adapter ses pratiques auprès du public, trouver sa façon de fonctionner en prenant en compte le prescrit de son employeur, et le réel des situations auxquelles il est confronté.
Il y a quelques semaines je trouvais un emploi stable, à la mesure de mes compétences, qui me permettait d’avoir un rôle d'encadrement auprès de jeunes animateurs, d’animer directement auprès d’enfants de maternelle. On m’a choisi pour un référentiel de valeurs, une approche pédagogique, et aussi, peut-être surtout, dans l’urgence d’un recrutement communal dans un secteur en tension avec beaucoup de turn-over. De nature discrète, je me renseigne, je découvre, je discute, histoire de percevoir le climat politique au sens des politiques publiques éducatives. L’ambiance semble agréable, tournée vers la mission du service public de l’animation, garantir la sécurité psychosociale du public, et l’aider à découvrir le monde.
Les jours passent, encadré par des animatrices et des responsables déterminées, je me familiarise avec le fonctionnement du service, mes missions, tout se passe pour le mieux, les équipes travaillent bien, les collègues sont gentils, impliqués. Formé politiquement, je m’intéresse à la structure à laquelle je loue ma force de travail. Au sens de l’institution cette fois, plus large. L'École.
Vectrice de normes par excellence, elle pose un ensemble de questions au jeune homme que je suis, qui aspire a vivre queer et militant. Evidemment, je reste caché au quotidien, entre l’obligation de neutralité, et la possibilité permanente d’être victime de LGBTQIAphobie de la part de parents. J’ai la chance de pouvoir dissocier, de pouvoir passer pour un garçon straight, introvertie. J’en profite, même si je pleure parfois en rentrant chez moi le soir.
Aussi, vient l’envie d’écrire, de partager un peu au monde mes questionnements individuels, mes lectures politiques, mes coups de cœur ciné, et surtout de réfléchir au croisement des philosophies que je fréquente, l’éducation populaire, l’engagement dans les mondes queers, avec la matérialité des lieux dans lesquels je travaillerais.
Dans ce blog je témoignerais de mon expérience, cachée, ou visible dans ce monde cloisonné, symboliquement violent, qui cherche et réussit à imposer une structure normée, genrée, économiquement hiérarchisée, aux élèves comme aux agents. Entre un peu de lumière sur un métier que j’aime mais que l’on doit déconstruire, et des ténèbres sur les institutions qui structurent ma pratique, ma vie, et les vies du public avec lequel je m’efforce d’être le meilleure, je vous proposerais ce blog. Visions politiques et politisées de l’éducation, du travail au quotidien et tentative de compréhension de ce que les divisions genrées font au champ du travail social et de la pédagogie.
Exercice cathartique, certes, outil pour questionner les normes de genre dans le secteur aussi. Je perçois ce blog comme un appel à contributions, pour discuter, interroger le monde qui nous entoure, améliorer nos pratiques pour ne plus exclure, mais aussi pour ne plus se sentir exclu. Comprendre, construire et déconstruire un champ qui côtoie chaque jour la frontière entre inclusion et discrimination. Penser notre rôle normatif en tant que figure éducative, et apporter une pierre, aussi infime soit-elle, à un monde meilleur.