Par Oleksandra Matviichuk
Alors que les dirigeants européens discutent de potentielles négociations de paix, l’Ukraine subit un barrage incessant d’attaques de drones et de roquettes de la part de la Russie.
Nous avons tous entendu le président Trump parler des milliers de personnes tuées dans la guerre ; je l’exhorte, ainsi que les autres dirigeants, à évoquer également les milliers de femmes et d’hommes ukrainiens torturés dans les prisons russes et les 20 000 enfants ukrainiens enlevés et déportés en Russie. Les négociations de paix doivent permettre la libération des victimes de la guerre et la punition des criminels de guerre. Nous devons garantir la protection de la démocratie ukrainienne.
Je veux rappeler aux négociateurs que la paix, c’est la liberté de vivre sans peur de la violence et d’avoir une perspective à long terme. Nous devons garder à l’esprit que la guerre avec la Russie n’est pas seulement un conflit entre deux États. C’est une guerre entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie. Chacun de ces systèmes repose sur ses propres valeurs et attitudes.
Les régimes autoritaires ont souvent des attitudes culturelles spécifiques, notamment dans leur traitement des femmes. C’est la raison pour laquelle, par exemple, en Iran, les femmes sont persécutées pour leur « tenue inappropriée » ; en Afghanistan, elles sont interdites d’école et d’université ; et en Russie, les violences domestiques ont été dépénalisées. Ce traitement est toujours le reflet de ce que le gouvernement inflige à sa propre population. Ainsi, lorsque nous discutons d’un accord de paix, nous devons nous assurer que le combat des Ukrainiens pour la liberté et la démocratie ne soit pas compromis.
Après tout, un accord qui concède trop pave simplement la voie à de futures souffrances et à de nouveaux conflits, aux mains d’une Russie déterminée à poursuivre ses ambitions impérialistes.
L’Ukraine a besoin de garanties de sécurité qui la protègent contre de nouvelles attaques et empêchent la guerre de s’étendre à d’autres pays. La garantie la plus forte serait l’adhésion à l’OTAN. Le principe de défense collective de l’OTAN assurerait la souveraineté de l’Ukraine et la sécurité de l’Europe. En attendant, l’Ukraine doit être protégée par des accords de sécurité complets et des mesures de dissuasion.
Le passé de la Russie rend ces garanties indispensables. Les accords de Minsk ont été signés en 2014-2015 après l’invasion illégale et l’occupation de la Crimée et de l’est de l’Ukraine par la Russie. Pourtant, quand cela a arrangé Poutine, il a déclaré qu’ils « n’existaient pas ».
Ainsi, il ne peut y avoir de paix durable sans justice. Nous devons également nous rappeler que cette guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine est le résultat de l’impunité dont la Russie a bénéficié pendant des décennies. Les troupes russes ont commis des crimes de guerre en Tchétchénie, en Géorgie, en Syrie et en Libye. Et elles n’ont jamais été punies. La Russie a cru qu’elle pouvait agir en toute impunité.
Cette brutalité se manifeste aussi dans l’usage de la terreur par la Russie dans les territoires occupés. L’armée russe enlève, emprisonne, torture et tue des civils, en violation du principe de traitement humain des prisonniers de guerre. Selon la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur l’Ukraine, les personnes en captivité subissent des passages à tabac, des chocs électriques, des suffocations, des violences sexuelles, l’arrachage des ongles et des dents, ainsi que la privation d’eau, de nourriture, de sommeil et de soins médicaux.
Le processus de paix doit inclure la libération immédiate de tous les civils ukrainiens déportés et détenus illégalement, ainsi que l’échange des prisonniers de guerre. Comme condition préalable, la Russie doit accorder un accès total aux organisations internationales, humanitaires et religieuses afin d’améliorer immédiatement les conditions de détention et de traitement.
L’ONU, le Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) doivent être autorisés à accéder librement aux territoires occupés. Actuellement, des millions d’Ukrainiens pris au piège dans ces territoires subissent de graves abus de la part d’un État russe cherchant à éliminer la culture ukrainienne et à briser son peuple.
Une application rigoureuse de la Convention de Genève garantirait aux civils la liberté de quitter les territoires occupés pour se rendre en Ukraine libre. Elle assurerait le droit à la vie et à l’intégrité personnelle, la préservation de l’identité ukrainienne et la liberté d’accès à Internet et aux médias.
Parmi les Ukrainiens détenus par la Russie, on compte au moins 20 000 enfants. La Russie efface systématiquement leur identité à travers des camps de rééducation brutale et des adoptions forcées par des familles russes. Chaque enfant ukrainien enlevé illégalement doit être retrouvé et rendu immédiatement à sa famille. Leur retour en toute sécurité doit être surveillé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Comité international de la Croix-Rouge.
L’agression de la Russie contre l’Ukraine n’est possible que grâce aux ressources financières dont elle dispose. Poutine parle de se préparer à une lutte mondiale et a restructuré l’économie russe pour répondre aux besoins militaires. Il est essentiel de restreindre la capacité de l’économie russe à financer ses plans militaires en Ukraine et ailleurs dans le monde.
Des sanctions sévères doivent rester en place jusqu’à ce que la Russie évacue tous les territoires ukrainiens occupés. Les avoirs russes gelés doivent être saisis et utilisés pour la défense de l’Ukraine, l’indemnisation des victimes et la reconstruction de l’économie et des infrastructures ukrainiennes, y compris les écoles, les hôpitaux et les installations énergétiques détruites par l’armée de Poutine.
Les Ukrainiens veulent mettre fin à la mort et à la destruction. Cependant, un accord de paix qui ne garantit pas la sécurité du pays, qui ne protège pas les hommes, les femmes et les enfants ukrainiens qui souffrent de manière inimaginable, et qui ne coupe pas les ressources financières de la Russie, ne fera que retarder, et non empêcher, sa capacité à poursuivre ses objectifs destructeurs. Et alors, elle continuera son règne de terreur au-delà de nos frontières. En tant qu’Ukrainiens, nous continuons à nous battre pour nos vies, et cette lutte pour un accord de paix qui nous protège à long terme est l’une des batailles les plus urgentes et les plus cruciales de toutes.