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Billet de blog 8 octobre 2014

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C'est parti !

Depuis trop longtemps m'est venu l'envie de me lancer dans un blog de réflexion, éventuellement porteur d'idées et d'actions, sur la relation entre décroissance, finance et innovation. Donc je me lance, voilà c'est fait.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis trop longtemps m'est venu l'envie de me lancer dans un blog de réflexion, éventuellement porteur d'idées et d'actions, sur la relation entre décroissance, finance et innovation. Donc je me lance, voilà c'est fait.

Pourquoi un tel sujet ?

La nécessité d'une société décroissante, ou plutôt a-croissante (comme dirait Serge Latouche, il ne s'agit pas de décroître systématiquement, mais de sortir de l'idéologie de la croissance, se sevrer de la dynamique d'expansion économique ; on peut faire le parallèle avec l'a-théisme) gagne en crédibilité et en popularité, mais n'est pas toujours suivie des questions et cadres de réflexions qui devraient en découler logiquement. Quelle économie, quel système de production, de consommation, de répartition de la richesse, devrait découler d'une société de décroissance ? Plus populaire dans les milieux déjà acquis à la gauche, la décroissance pose des questions nouvelles que ne se posaient pas les pensées marxistes et keynésiennes. Les libertaires, peut être. Elle est plus populaire dans la gauche radicale peut être parce qu'elle pose en des nouveaux termes la question de la légitimation du capitalisme : Si l'objectif n'est pas de croître plus, est-il nécessaire d'investir toujours plus ? Mais alors à quoi peut bien servir le bénéfice, s'il n'est pas souhaitable qu'il soit réinvesti ? Il sert juste à s'engraisser et cultiver les images traditionnelles de la gauche , celle du patron gras comme un cochon et roulant dans une belle voiture, celle du pur rentier ?

On le voit, la critique de la croissance est l'assaut du dernier rempart idéologique du capitalisme. La dynamique d'accumulation ne peut en dernier recours se justifier qu'avec le présupposé que la croissance est souhaitable, car c'est ce qui lui permet de prétendre à l'utilité sociale : certes, le capitalisme crée des inégalités, mais il crée de la richesse et donc du bien être, le profit n'est réinvesti que s'il est profitable à celui qui s'y risque, donc il crée une inégalité mais dont tous bénéficient plus ou moins car c'est la condition de la création de richesse, dont la croissance est a priori souhaitable. Si cet a priori saute, le reste peut s'écrouler.

La décroissance, ou dans une société accroc à la croissance, ce qu'on appelera alors la récession, n'est donc pas dangereuse pour le capitalisme seulement en raison des inégalités qu'elle engendre (comme l'explique Piketty, et ce qui est facteur d'instabilité politique et économique) ou de la baisse de la profitabilité des capitaux déjà investis. Elle lui est dangereuse parce qu'elle révèle le caractère parasitaire du capital : si le capitalisme est "sans projet", comme s'en inquiétaient déjà de nombreux journaux et économistes avant même la crise de 2008, alors à quoi sert le proft qu'il ponctionne ?

On le voit, la décroissance ne saurait se passer d'une remise à plat des questions tournant autour du capitalisme, de la finance et du régime de propriété. Il y a certes, peut être aussi un autre rempart  idéologique, celui du "progrès" technique. Avec une lecture schumpéterienne de l'entrepreneuriat (l'innovation simulée par l'espoir du "surprofit"des détenteurs de brevets et monopoles du savoir-faire) ; avec également une vision purement environnementaliste de la décroissance (dans laquelle la décroissance doit toucher l'économie "physique" et ses émissions de GES, la croissance peut continuer sur des innovations low carbon avec des applications pour smarthone, des TIC, la marchandisation de tous les trucs qui ne polluent pas et autres gadgets) on peut concevoir le maintien légitime d'une propriété privée des moyens de productions. Mais c'est une façon de voir qui prête à débat. Rappelons ici que les arguments déjà anciens de l"écologie politique (Jacques Ellul, Ivan Illich, André Gorz notamment) démontent ce discours et révèle les monstruosités anthropologiques qu'il suppose : des gènes privatisables, des relations humaines transformées en contrats de locations ou ventes de biens et services ( la politesse en option ? le mariage comme location d'un corps au conjoint et de quelques sourires ? La définition des sphères d'amitiés par des algorithmes d'affinité ?). Si ces derniers délires sont environnementalement neutres, voire souhaitables, les arguments de l'écologie politique nous autorisent à confondre ces bousouflures de délires  techniciens et marchands avec celles du capitalisme "old shool", celui qui pollue et siphone les ressources naturelles. Elles procèdent en effet de la même logique, celle de l'expansion sans égards à ce que cela détruit ou dévoie.

Mais on ne saurait reprocher au système en place ces nombreuses tares et conséquences néfastes sans faire l'effort de lui proposer des alternatives. Comment financer ce qui est souhaitable, par quels leviers ? Comment assurer une transition écologique réussie, construire des modèles réfléchis, coopératifs et vertueux de services de TIC, comment construire la démocratie dans les choix économiques ? On le voit, les premiers aspects abordés soulèvent de nombreuses questions. Ici, je l'annonce déjà parce que cela me semble évident, il sera probablement aussi question de démocratie délibérative et de concertation, des modèles de l'économie sociale et solidaire, du dépassement du concept de propriété et de biens communs, numériques, naturels, du changement climatique et du libre-échange, de l'imposture des emballements autour de "l'économie collaborative". On en parlera car ces questions sont liées les unes aux autres.

Afin de savoir vaguement à quoi s'attendre ici, parlont des inspirations. Les inspirations qui me meuvent et ne manqueront peut être pas d'être évoquées sont, entre autres, ceux déjà cités (l'écologie politique, Serge Latouche, Schumpeter, le marxisme, Keynes, mais aussi quelques blogs d'intérêts (Internetactu et petroleman sur Le Monde, d'autres de Médiapart), Piketty (son fameux best seller),  Ostrom (vs. Hardin et la soi disant tragédie des communs), David Harvey, le travail d'ATTAC et de ses membres, notamment Geneviève Azam et Thomas Coutrot) Lafargue, Arendt et Dominique Méda sur le travail, les grands classiques de l'économie politique (Smith, Ricardo, John Stuart Mill), Frédéric Lordon, Jacques Sapir.

Ce blog vise un public d'une ampleur indéfinie et certainement humble. Je serai peut être mon seul public ou presque, mais il n'est pas motivant de n'écrire que pour soi même, même quand cela permet déjà sur le long terme une maturation de la réflexion. La réflexion ici posée est donc publiée, publique puisque vous la lisez. Elle se veut ainsi, et a vocation à sa petite échelle à susciter l'échange, la critique, la vigilance, et à évoluer avec vos apports ; il s'agit en effet de co-construire des cadres de pensée pertinents, de contribuer modestement à la raison et la réflexion sur les sujets précédemment évoqués. Un blog de politique, d'écologie et d'économie, quoi. N'hésitez donc pas à commenter, critiquer, nuancer.

Bonne lecture et bonne contribution.

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