Il serait ironique que la zone euro accélère malgré elle la sortie de la Grèce. C'est pourtant vraisemblable si l'opinion et le gouvernement grecs considèrent le cas chypriote. Et si eux-mêmes font l'expérience d'un contrôle des capitaux, pour parer la crise de liquidité qui se profile.
Rappelez-vous, ce n'est pas si vieux que ça, les dépôts chypriotes ont été taxé de façon assez maladroite par l'UE, et pour ce faire, des contrôles drastiques des changes et des capitaux ont été faits pour éviter que cette assiette taxable se fasse la malle.
Rien de très surprenant dans l'absolu, en cas de crise de la dette, on taxe là où c'est possible, rapidement et de façon assez peu concertée. C'est que ce genre d'action échappe un peu beaucoup à toute sorte de considération de cet ordre. On est dans la realopolitik toute crue. On ne discute pas pendant d'interminables semaines dans un parlement l'opportunité d'empêcher le capital de fuir le pays au moment même où il se barre. Le temps de le mettre à l'ordre du jour d'une session, il s'est déjà volatilisé, pas con le pognon. Ce qui implique qu'une politique visant à supprimer les contrôles de changes (d'une monnaie contre une autre) ou de capital est déjà elle même anti-démocratique, dans la mesure ou elle est irréversible sauf à revenir desuss de manière rapide et très directive. Elle est déjà une atteinte à la possibilité de débattre tranquillement l'opportunité de revenir en arrière, donc une atteinte à la souveraineté du corps éléctoral concerné. Enfin ça se discute mais c'est pas très fair play Ca devient juste nécessaire.
Il n'empêche que ça a marché. Le contrôle de capital a été imposé, et à quelques (très gros) délits d'initiés qui ont permis des fuites tant qu'il en était encore temps, le capital chypriote n'est pas sorti et a été taxé. Ce qui est quand même très ironique, c'est que ce sont les insititutions de la zone Euro qui ont réalisé cela. Ce sont ces mêmes autorités qui suivaient jusqu'à 2008 un dogme très stricte, l'ordo-libéralisme bien comme il faut, c'est à dire des règles instituant le libéralisme économique et l'interdiction de politiques visant à en sortir. Dans le même style, on rappellera qu'il n'y a jamais eu dans le Pacte de Stabilité instituant l'Euro de voie prévue de sortie de la monnaie unique, comme si elle était irréversible également. Comme si c'était la fin de l'histoire, encore une fois. Donc, au nom de ce même dogme de libre circulation des capitaux au sein de son Excellence l'Archi-Sublime Marché Européen, pour préserver la monnaie censée résoudre tant de problème, on contrôle les capitaux avec la vitesse d'un agent secret soviétique ou la brutalité d'un capot nord-coréen, vous apprécierez le sens de l'humour par l'absurde de certains.
Le fait est que malgré tout ce qu'on dit sur le shadow-banking, les valises de billets qui prendraient l'avion, maintenant les monnaies électroniques comme le bitcoin, les autorités de la zone euro sont parvenues à isoler la finance Chypriote pendant quelques jours. C'était certes pas totalement étanche, mais la leçon demeure que malgré le dogme du laisser-faire, si l'on veut, on peut contrôler les flux de capitaux.
Et ça tombe bien parce que c'est justement ce dont pourrait avoir beosin l'Etat grec. Le capital grec, on le sait n'a pas envie de se faire raccourcir par la guillotine d'une banque centrale éventuellement revenue sous le giron du gouvernement Syriza, qui dévaluerait ou laisserait se dépprécier la monnaie redevenue nationale en même temps qu'elle répudierait la dette. Donc, pas bêtes les pépettes, elles émigrent comme un aristocrate. C'est bien pour cela que la crise de liquidité guette la Grèce. Sauf que l'UE elle-même a montré qu'il est possible de maintenir dans le pays ce capital, et ce alors même que Tsipras et Varoufakis pourraient être tenté de faire cela.
Dans la possibilité d'une sortie de la zone euro, on peut craindre qu'une fois une première dévaluation réalisée, l'inflation importée combinée à la destruction de larges pans de l'économie du pays risquent d'entrainer une de nouvelles vagues de fuites de capitaux et de déppréciations. On risque ainsi de tendre vers un cercle vicieux difficilement maîtrisable (dégradation des comptes / dévaluation / infation importée, tout dépend de la "courbe en J" de la balance des transactions courantes, si l'effet volume de la compétitivité retrouvée compense rapidement l'effet prix des importaitons renchéries). C'est sans doute ce que craignent intuitivement les grecs jusque là massivement opposés à la sortie de la zone. Et l'on ne pourra pas leur donner vraiment tort tant on nagerait alors dans l'inconnu. Sauf si l'on parvient à contrôler et éviter ces fuites, qui pourrait bien faciliter une stabilisation et un redressement.
Et alors même que les négociations sur le mémorandum et la dette grecque s'enlisent, au moment ou la Troïka (pardon, "les institutions", j'aime bien Tsipras, mais là, quel hypocrite) montre ses muscles et dit "no way, tu vas cracher notre pognon qu'on t'a prêté avant qu'on ne continue à prêter, forcément on se pose des questions. Pendant ce temps l'argent quitte le pays, accroissant la pression. Bras de fer ? Coup de bluff au poker jusqu'à ce que l'autre se couche ? Victoire par K. O. sur le ring ? Toutes les métaphores sont bonnes mais l'issue semble incertaine.
Mais là ce n'est plus de la boxe, c'est du catch, du free fight, que sais-je, en tout cas un match ou les spectateurs ne se contentent pas de regarder. Le capital a fait des paris. Il cogite, il ne veut pas perdre, se lève, par derrière il saisit Varoufakis par un bras, Tsipras par les jambes (oui, il a beaucoup membres et il a le bras long le capital, ce qui ne le rend pas gracieux). Sur le ring, Mario Draghi, après deux coups droits, arrache à ce dernier un Emergency Liquidity Assistance. Sans protection, le chef de gouvernement ne parvient pas à parer le coup de surin de Mackie le banquier de la City, qui vient d'arriver sur le ring. Tous les marchés financiers sont dans la salle en furie. Persuadé de la victoire, l'un écrit sur sa bière "Prophétie auto-réalisatrice ! In your face market-fucker !" et la balance à la tête de Varoufakis, qui chancelle sous le choc. Les autres trouvent ça drôle et bien vu, font un pari sur qui sera le dernier à avoir une bière en main en balançant tous leur boque. Un déluge de verre et de canette tombe sur le ring, Mario Draghi ne peut l'éviter lui même sans reculer, impuissant. Les citoyens grecs sont au poulailler, dans les tribunes du fonds, ils n'avaient pas l'argent pour acheter les meilleures places ni même des boissons. Accablés, ils assistent à la chute de leur champion des finances sous la mitraille. "Varoufakis debout" "Varou !" "Tsipras !" "Allez y, montrez leur de quel bois on se chauffe".
Varoufakis a enseigné l'économie et fait des recherches aux Etats-Unis. Sans être toujours fan, il connait donc le cinéma hollywoodien, et ce moment où tout semble perdu, où le héros repense à un souvenir d'enfance, une promesse faite, ou éventuellement à un truc encore plus cul-cul la praline, qui lui fait puiser dans le fin fond de ces tripes l'énergie requises pour faire l'impossible. Il se redresse sur ses genoux, se retourne, voit à côté de lui Alexis. Par terre. Est-il assomé ? Ou même mort ? Du sang coule du crane. "Tant que ça pisse le sang, c'est qu'il y en a encore", lui revient l'expression du grand père. Mais c'est tout de même une sérieuse crise de liquidité, songe-t-il. L'arbitre, qui n'est autre que le chef de l'eurogroupe Jeroen Dijsselbloem, dont personne ne parvient à prononcer le nom, le constate lui aussi, il va falloir faire quelque chose, mettre un bandage, pour éviter de tâcher le ring, ça ne fait pas très propre quand même, "ah, oui, non c'est vrai j'avais oublié, c'est interdit par le réglement" se dit-il à peine après avoir sorti sa trousse de secours. Un arbitre qui oublie les règles, ça fait tâche aussi, sur le ring, il fait semblant de ne pas avoir sorti son kit de soin, la cache comme il peut dans son dos, sous son maillot moulant.
Mais Varoufakis l'a vu. Sur sa gauche, Alexis ne va pas mieux. Il se retourne, et voit au fond ses supporters en ébulition. "Des mesures !" "Des mesures !", "Sauve Alexis !", "Sauve-nous !". Le ministre des finances se sent soudainement trembler, est secoué de spasmes, d'une force qu'il ne maîtrise pas encore. On sent bien que le moment cul-cul la praline du film hollywoodien est passé, que l'on passe au choses sérieuses, et que Varoufakis ne se rend pas compte de tout cela puisqu'il prend la forme d'un de ses héros préféré.
Son sang se dilate, ses veines proches de l'éclate, sur ses muscles saillant, enflé comme Schwarzy sous stéroïde anabolisant. Son derme jaunissant, puis même verdit. Il est aussi rallongé, de moitié plus qu'à l'accoutumée. Il a sereinement pété une pile, ne se fait plus de bile. Il ne pense qu'à une chose. Les pansements, et plus de prose. La fin du harcèlement, la fin de l'austérité. Son arme on l'a déjà essayé. Contre son peuple, à Chypre, de façon précipité. La lutte sera âpre, mais c'en est trop, il les lui faut. le liquide qui s'échappe, le reste il s'en tape. Quand on ne peut plus gagner du temps, il faut gagner seulement.
Il regarde en face Merkel, Draghi, et l' "arbitre" qui l'a inspiré, dont il veut la malette, quitte à lui arracher souverainemnt le mailot, Il regardent aussi tous leurs supporters dans les proches tribunes qui déjà s'inquiètent. Qui commencent à se piètiner, dans leur grégaire recherche de la sortie. Il est prêt.
La suite pourrait ressembler à ça .
Cela pourrait aussi se passer autrement. Le gouvernement grec pourrait manquer de courage, ce qui serait terrible, pour les grecs comme pour nous tous. Mais, après avoir montré qu'un contrôle musclé des capitaux n'est pas qu'une frivolité tropicale populiste ou de la tyrannique Cathay, et après avoir mis la grèce au pied du mur financier, il est possible que le reste de la zone euro ne lui laisse pas le choix.