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Billet de blog 12 octobre 2009

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Franco, le Sorcier de la guitare

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Impossible en ce 12 octobre de passer sous silence le vingtième anniversaire de la mort de l'un des plus grands musiciens africains : Franco Luambo Makiadi. A la tête de l'OK JAZZ pendant plus de trente ans, il continue à être une référence pour plusieurs générations de musiciens congolais et de tout le continent tant il a contribué à affirmer l'hégémonie de la rumba zaïroise dans les charts de la musique africaine.

Né en 1938, dans la province du Bas Congo, François Luambo Makiadi rejoint très vite avec ses parents Léopoldville, alors capitale de la colonie du Congo belge. Faisant preuve d'un talent précoce à la guitare, il est intégré dès l'âge de 12 ans dans un de ces nombreux orchestres qui commencent à inonder la ville du son de la rumba congolaise. Il enregistre son premier disque à 15 ans, prend le nom de Franco et fonde en 1956 son orchestre l'OK JAZZ (qui deviendra plus tard le TP OK JAZZ).

Très vite le groupe concurrence les musiciens les plus en vue et domine la scène musicale congolaise pendant plus de trente ans avec une oeuvre prolifique. On dénombre plus de 80 albums où se succèdent les plus grands noms de la musique congolaise qui viennent là faire leurs classes avant de se lancer à leur tour dans l'aventure.

Le "Sorcier de la guitare" est un band-leader hors pair doué d'un réel talent pour ménager l'expression de la singularité des artistes qui participent à son orchestre tout en donnant une couleur musicale immédiatement reconnaissable. L'OK JAZZ a compté jusqu'à 30 artistes : chanteurs, guitaristes, section de cuivre, percussions,... Dans un délicieux noir&blanc vintage de la TV Zaïre qui remonte à 1975, la vidéo présentée ci-dessus en apporte un exemple évident : Franco ne se met pas en avant ; il reste à l'arrière du groupe de chanteurs, jouant son rôle de chef d'orchestre tandis que Sam Mangwana, le chanteur à l'extrémité droit de l'écran, joue le rôle de vedette ou d'animateur comme on appelle dans la musique congolaise ceux qui sont en charge de nouer un contact plus étroit avec le public. Mais Franco reste maître du jeu et relance la chanson sur un mode quasiment parlé. A mitant de la chanson il déploie une sebene, une sorte de lien purement instrumental entre deux parties chantées, pendant laquelle la guitare leader développe une improvisation soutenue par la section rythmique qui répète de courtes phrases.

Toyeba Yo ( Nous te connaissons en Lingala la langue la plus couramment parlée à Kinshasa) dénonce les extorsions dont est victime la population de la part des fonctionnaires et de la police. Car Franco, même s'il a été proche du pouvoir du Maréchal Mobutu, n'a pas hésité à se faire le porte-parole des problèmes sociaux et politiques des Zaïrois ; ce qui a renforcé son prestige. En 1987, atteint par la maladie, il n'hésitera pas à chanter pour avertir du danger du Sida, laissant planer le doute sur l'origine de son mal. Il s'éloigne du Zaïre et meurt en 1989 ; on prétend que son enterrement a été suivi par plus d'un millions d'habitants de Kinshasa.

Pour terminer voici deux chansons qui marquent les extrèmes de son parcours musical :

un très émouvant boléro composé juste avant l'indépendance, à la toute fin des années 1950, et qui raconte bien sûr une histoire d'amour brisée

et de son dernier concert (22 septembre), la chanson au titre prémonitoire "Chacun pour soi".

et le bel hommage que lui a consacré récemment Mose Fan Fan, l'un de ses guitaristes

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