"Afrique, terre de contrastes", comme pourrait le titrer une conférence "Connaissance du Monde" : ce continent allie paradoxalement la plus faible espérance de vie et des records de longévité pour ses dirigeants.
A part Cuba et Fidel, l'Afrique s'avère être un véritable conservatoire de dirigeants des années 1960-1970 : Omar Bongo (1967), feux Houphouët Boigny ( 1960-1993) et Gnassingbe Eyadema (1967-2005) , Denis Sassou Nguesso (1979 avec une interruption entre 1992 et 1997), Teodoro Obiang (1979). Les années 1980 ne sont pas en reste : Hosni Moubarak (1981), Paul Biya (1982), Omar El Bechir (1986), Robert Mugabe (1987, après avoir été premier ministre entre 1980 et 1987), Blaise Compaoré (1987).
Cela dit, pas de "jeunisme" dans mes propos ; "la valeur n'attend pas le nombre des années" en la matière. Samuel Doe accède à la présidence du Liberia en 1980 à l'âge de 31 ans. Il fait exécuter en public l'ensemble du gouvernement sortant et institue un régime de terreur avec de nombreux assassinats. A son tour, il meurt assassiné dans des circonstances particulièrement horribles en 1990 à l'occasion d'un coup d'état qui plongera le pays dans une décennie de chaos total.
Il reste que la musique est devenue une chambre d'écho pour une partie de la jeunesse qui exprime sa frustration face à ce qu'elle considère une monopolisation de la vie politique, économique et sociale par les "vieux". Valsero - rappeur camerounais - est de ceux-là. Son titre volontairement polémique "Ce pays tue les jeunes" , mis en exergue de ce billet, met en évidence une jeunesse qui reste au chômage malgré les diplômes, et des "vieux qui ne lâchent pas prise". Valsero dénonce le trafic d'influence, la corruption et la soumission qui attend les jeunes qui frappent à la porte de la vie active : "soit tu baisses ton froc ou la chance passe devant ta porte". Le rappeur dresse un paysage très sombre avec, en arrière plan du clip, force d'images choc empruntées aux actualités comme passées en boucle sur les chaînes d'information permanente. De celles dont les télévisions occidentales se repaissent pour illustrer un continent à la dérive. Drogue, braquage, assassinat,vol sont-ils les seuls exutoires possibles à cette situation, chante avec désespoir Valsero.
La vision urbaine de Valsero rompt très brutalement avec l'imagerie traditionnelle d'une Afrique à l'écoute des anciens. Elle met en évidence le déséquilibre à l'oeuvre dans des pays où le taux de progression de l'urbanisation est très rapide, et qui fait basculer, en moins d'une génération, une société jusque là rurale dans un nouveau système de références encore à la recherche de ses marques. Une reconstruction à laquelle, malgré la violence des propos dans les chansons, aspire la jeunesse, pourvu qu'elle soit réellement partagée et organisée entre générations. La preuve en est que Valsero et le groupe Idole Kpu ont produit en 2007 un single "Va voter" en vue des élections, où ils reprennent en refrain :
« va voter… sinon cousin tu n’existe pas. va voter… fonce aux urnes fait valoir tes droits. Va voter… si tu veut que ça change ici. C’est ça le truc pour faire vivre la démocratie… va voter»
Merci à Yannick pour avoir guidé mon oreille et à Cormac Mac Carthy pour m'avoir permis de paraphraser le titre d'un de ses beaux romans.