J'arrive après la bataille : finalement Hadopi est passé. Le débat a été rude : riposte graduée, licence globale, etc... toutes les alternatives semblent avoir été étudiées par le legislateur, les différents groupes politiques et le milieu culturel.
Toutes? Ce n'est pas si sûr que cela. Didier, un ami de Bruxelles m'envoyait il y a quelques semaines, un article sur le phénomène "mabanga" qui touche la République Démocratique du Congo. Mais c'est bien sûr, me suis-je écrié, voilà la véritable alternative à Hadopi : mabanga!
Dans notre plus que relatif aveuglement vis-à-vis des pays dits moins avancés, nous n'avons pas voulu voir que des problèmes que nous rencontrons avec le développement d'Internet, comme l'acquisition gratuite de musique, sont depuis au moins deux décennies monnaie courante en Afrique. L'apparition de la cassette a tué l'industrie du disque qui commençait pourtant à émerger dans tout le continent. La duplication incontrôlée des albums en a été extrêmement facilitée ; ce qui a permis aux petits colporteurs de rues, les bana-bana comme on les appelle au Mali, de vendre les derniers tubes à la mode, sans que l'artiste puisse toucher des droits d'auteur. Les artistes Maliens ont été parmi les premiers à se mobiliser contre ce phénomène de piratage et nombreux parmi les musiciens les plus prestigieux, d'Ali Farka Touré à Salif Keita, ont mené campagne contre ce "pillage".
Les musiciens congolais ont choisi une autre voie. Puisqu'ils ne pouvaient plus compter sur les droits d'auteur, il a fallu trouver d'autres modes de financement. Ils ont massivement choisi le prélèvement à la source en faisant payer des dédicaces qu'ils incrustaient dans leurs chansons : des mabanga comme ils les appellent en Lingala ; littéralement des pierres qui sont déposées parmi le flot de bluettes d'amour.
Koffi Olomide est l'un des "libangistes" les plus prolifiques ; mais il est talonné par les générations montantes qu'incarne le beau gosse de la chanson congolaise de la fin des années 2000 : Fally Ipupa. Ce sont ces deux là que vous voyez dans la vidéo à la mise en scène surréaliste que j'ai choisie pour illustrer cet article. Ecoutez la voix profonde de Koffi, ce Barry White tropical, posant ses "Alain Barracuda", "Simon Mongo", "le Groupe Christian Peugeot Investissement", et autres "Nissan Japan actionnaires" sur la complainte d'un Fally encagé.
Mais le Congo est un pays où la musique est une affaire aussi importante que la politique... en fait la musique y est une affaire politique. Et le débat sur la pertinence de ce modèle des mabanga fait rage. L'excellent Congo Blog, Ba leki (www.congoblog.net) , un site créé par un jeune et talentueux journaliste Cédric Kalonji, a publié au début du mois de mai un article sur ce phénomène. Les lecteurs du site y ont déposé plusieurs dizaines de contributions pro ou anti libangistes. Nombreux s'élèvent pour dénoncer cette dérive commerciale qui dénature une musique jusque lors respectée à travers tout le continent : celle des Wendo, Franco et autres Papa Wemba.
La musique est une affaire politique à tel point que l'homologue de notre Christine Albanel, Lambert Mende, ministre de la communication et des médias de la République Démocratique du Congo, a décidé d'interdire les mabanga dédiés aux "autorités et personnes disposant de mandats publics". La presse locale, comme le journal "la Conscience" en fait des gorges chaudes et n'hésite pas à tourner en ridicule le ministre en question.
Alors le mabanga, une alternative pour la France? Ce n'est pas sérieux me direz-vous.
Vous en êtes sûr? Et si on écoutait par exemple... Alain Souchon
"On nous Claudia Schiffer, on nous Paul-Loup Sulitzer..." et pourquoi pas "On Nous Bernard Kouchner"... tant que Christine, devenue par la force des choses ministre es gratuité , ne sera pas prise d'une crise anti libangiste.