Aujourd’hui ce n’est pas triste que je suis ; c’est hors de moi. Comme je le disais il y a deux jours, voilà que la vérité se fait sur les masques, comme elle se fera sur le reste (cf. la Une de Mediapart du jour). Car enfin c’était trop gros qu’on soit dans un tel dénuement, sur une période aussi longue (déjà trois mois), concernant un matériel aussi basique dont la fabrication ne requiert aucune haute technologie inaccessible.
Donc : nous n’avons pas de masques, les soignants n’ont pas de masques, les Ehpad n’ont pas de masques, la population n’a pas de masques parce qu’ils n’ont rien fait (ou si peu) pour que nous en ayons. Pourquoi ? Pourquoi sacrifier sa population ? Pourquoi sacrifier son peuple ? Deux hypothèses (non exclusives) : incompétence ou conséquence de choix cyniques ?
- Incompétence(s) : je veux bien croire qu’Emmanuel Todd ait raison sur la bêtise de nos élites mais, dans le cas des masques, cela me semble trop gros ; la durée de la pénurie est trop longue ; à aucun moment il ne semble y avoir eu volonté de rattraper la situation ; ils ont préféré mentir dès janvier sur le niveau des stocks puis sur l’utilité des masques, enfin changer de doctrine sanitaire comme des girouettes ;
- Conséquence de choix cyniques : je le pense davantage ; cette pandémie a pu être vue comme une aubaine ; l’opportunité de redorer le blason du pouvoir (la com’ toujours comme seule boussole) ; l’opportunité de faire plier une société que les flash-ball n’avaient pas mise à genoux ; peut-être, pour certains, l’opportunité de faire du fric comme en temps de guerre (« Nous sommes en guerre ») sur d’autres marchés plus alléchants que les masques et comme on ne peut pas courir tous les lièvres à la fois …
Les deux hypothèses peuvent être cumulatives et se rejoindre pour finir par créer une situation qui dépasse l’entendement. Car ce sera évidemment contre-productif. Cela ne peut que se retourner contre le pouvoir tant l’incurie a été hors norme.
Le dossier de Mediapart est accablant. Après une lecture attentionnée, je dois dire que les deux options se tiennent et se confortent. L’une n’invalide pas l’autre tant il y a d’acteurs et d’intervenants dans ces dossiers où chacun a ses intérêts, ses priorités et sa carrière à gérer. L’intérêt général étant depuis longtemps oublié, du fait de la déliquescence des services publics en France.
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Revenons sur la prestation d’hier soir de Sibeth Ndiaye. Lors du compte-rendu du Conseil des ministres du 1er avril 2020, une journaliste lui demande « pourquoi les décès dans les Ehpad n’ont pas été intégrés plus tôt dans le décompte officiel des décès du covid-19 présenté tous les soirs par le Directeur Général de la Santé Jérome Salomon ». Sibeth Ndiaye fait d’abord état d’« un temps d’adaptation » pour faire « remonter » les informations locales mais maintenant c’est bon, ils sont au point, les morts des Ehpad vont intégrer le décompte national (c’est d’ailleurs le cas le jour même : 884 morts au minimum). Et de vanter la volonté de transparence du gouvernement. Nulle idée de cacher quoi que ce soit. Au contraire ils ont souhaité, « parce que c’est un outil de pilotage qui est important pour [eux] pour comprendre la manière dont l’épidémie se propage » intégrer les données des Ehpad (c’est-à-dire les morts des Ehpad ; vu qu’il n’y a pas de tests et la façon dont les choses se passent, les seuls chiffres qui vont sortir des Ehpad c’est le nombre de morts).
Se rendent-ils compte de ce qu’ils disent ? Sibeth Ndiaye se rend-elle compte de ce qu’elle dit ? Piloter la gestion de cette crise par le nombre de morts !!?!
Pour rester dans leur langage managérial, j’aurais pensé qu'il y a aurait meilleur indicateur sur lequel agir et à suivre que le nombre de morts, avant d’en arriver ... justement … à compter les morts.