Le temps passant, je me rends compte que je vis ce confinement un peu comme mes périodes de chômage, il y a une dizaine d’années. En mieux. J’ai honte de le dire. Je suis une privilégiée et mon confinement est luxueux.
Avec au moins une raison de stresser en moins, non négligeable. Je sais que j’ai un travail a priori assez sûr (entretemps, j’ai réussi un concours de la fonction publique).
J’ai la chance d’avoir apprivoisé depuis longtemps (toujours ?) la solitude. Le confinement c’est aussi du temps pour moi. Lire, rêver, penser, faire ce que je veux (enfin, dans les limites de mes quatre murs).
La Une de Mediapart [1] fait écho à mes pensées du jour. Ma situation se rapproche de celle que décrit ici David Le Breton : « (…) Pour une minorité de personnes, le confinement peut être une forme de disparition de soi heureuse, l’opportunité d’être dégagé de responsabilités, sociales, professionnelles, amicales, familiales, une manière de reprendre son souffle. ». Je suis surtout dégagée des transports en commun. Ces transports que les dominants ne prennent jamais et qui sont, à Paris, des bétaillères. Et le télétravail, par l’absence du corps subordonné, ouvre une échappatoire au mental. Les directions l’ont très bien compris. Elles qui mettent des stratégies en place pour maintenir le lien. Sous couvert de se préoccuper que nous allions bien, bien sûr. La distanciation sociale imposée par la lutte contre la pandémie, affecte, détend les liens hiérarchiques et il ne faudrait pas que nous y prenions goût.
J’ai toujours été dans la minorité. Déjà en votant comme 2% des gens, comme dirait Béranger (il faudra que je change de disque).
Avec le confinement, disposer d’une « chambre à soi » et ne pas avoir à partager ses mètres carrés devient enviable. Pour une fois que ma situation de « femme seule » (horreur de cette expression car je ne suis pas plus seule que tout un chacun) présente un avantage reconnu, ah ! ah ! moi qui fais pitié à certains quand je passe Noël esseulée.
Le capitalisme, quel que soit le nom qu’on lui donne aujourd’hui, a tout marchandisé depuis longtemps (l’essor du numérique l’a bien aidé). Notamment le temps. Et la moindre de nos minutes doit rapporter. Le temps que l’on appelait libre autrefois n’est plus que du temps de cerveau disponible. Et là hop ! Certains cerveaux confinés pourraient sinon s’évader, du moins être hors d’atteinte. En tous cas, ils sont hors de (leur) vue. Hors de contrôle ? ne dit-on pas « loin des yeux, loin du cœur » ?
Nul doute qu’ils nous le feront payer très cher quand viendra le temps d’Après.
J’ai nettoyé les fenêtres… à moi les bains de soleil sur les pieds dès que… cet après-midi ?
Dehors, il y a un magnifique ciel bleu …