Noble dessein que de vouloir briser l'esclavagisme sexuel dans lequel croupissent des milliers de femmes, jeunes et moins jeunes, venues d'Afrique ou d'Europe de l'est. L'arme absolue, déclenchée par la gauche de gouvernement et Najat Vallaud-Belkacem, pour éradiquer cette ignoble situation et toutes les sphères criminelles qui s'en nourrissent, est de... criminaliser la demande. Il peut paraître en effet assez logique, pour éteindre un" marché", faute d'avoir les moyens ou le courage de s'attaquer à l'offre (c'est à dire le démantèlement des réseaux mafieux) , que de chercher à en supprimer la demande. C'est sous ce masque logique, porté par des envolées lyriques aux accents historiques, que le enième projet de loi sur la prostitution en France, sera défendu.
Aussi noble qu'elle puisse paraître donc, cette proposition a surtout l'avantage de cumuler une facilité de mise en oeuvre (un petit article en plus dans le Code Pénal) et un affichage clinquant...mais elle ne s'attaque pas aux racines du problème et tend surtout à le simplifier, et à mélanger les problématiques. De plus, pas trop de risques de voir défiler dans les rues les futurs amendés, harnachés d'une cal(p)ote rouge en signe de protestation. Réduire la prostitution à la seule traite des femmes est d'une malhonnêteté inouïe, et laisser croire qu'une simple menace d'amender le client rendra leur liberté et leur dignité aux esclaves sexuelles, ne l'est pas moins et tend même vers une certaine cruauté que leurs tortionnaires ne renieraient pas et dont, du moins, ils doivent bien rire.
On parle souvent du "plus vieux métier du monde". On a tort. On devrait parler du "plus vieux besoin du monde". Car depuis que l'homme s'est mué en espèce sexuée, la sexualité fait partie intégrante de sa condition et de ses besoins. Au même titre que l'alimentation, c'est une contingence avec laquelle il doit vivre, un besoin vital. Toute volonté d'étouffer ces instincts engendre inévitablement des dérives. La récurrence des affaires de pédophilie dans l'église catholique en constitue sans doute l'une des expressions les plus dramatiques.
Et parce que c'est un besoin vital, on ne peut lui nier non plus le statut de droit. Un droit à part entière. Un droit à la sexualité qui implique, non pas un droit à la prostitution, mais une exigence à ne pas légiférer n'importe comment sur cette dernière, en tous cas de manière précipitée. Pour différentes raisons, il se trouve des personnes qui ne peuvent ou ne veulent passer par la séduction d'autrui pour satisfaire leurs besoins sexuels, et il se trouve d'autres personnes pour leur proposer ce service. On peut remettre en cause les conditions de cet échange, le cadre plus ou moins inhumain dans lequel il se déroule, et jusqu'au caractère même de sa vénalité. Mais en aucun cas on ne saurait nier sa nécessité, caractérisée par sa permanence (dans l'adage cité plus haut). Or vouloir criminaliser l'expression de ce besoin, via la demande, c'est justement nier son existence. C'est faire la politique de l'autruche en ne s'attaquant pas au problème dans son ensembe. C'est faire passer les intérêts moraux voire pudibonds, avant ceux pragmatiques de la santé publique. C'est encourager et renforcer la clandestinité et accroître davantage les champs du possible en matière de dérives.
A cet égard, Elisabeth Badinter a raison de dire que ce que propose la gauche est une prohibition. Et que les prohibitions n'ont jamais fait qu'une seule chose, c'est de renforcer les mafias. Demain pourront prospérer en France de nouveaux Al Capone du traffic sexuel. Elle a tort lorsqu'elle prétend que l'Etat ne doit pas se mêler de la sexualité des individus. L'Etat a l'obligation de poser un cadre légal à l'expression de cette sexualité, et c'est donc bien sur les limites de ce cadre qu'il faut trancher présentement. En tous cas, difficile de ne pas la rejoindre lorsqu'elle affirme que certaines relations pseudo conjugales, ne sont ni plus ni moins que des relations crypto tarifées pérennes (et non ponctuelles). Rien de surprenant de voir un vieux riche épouser un" canon "qui pourrait être sa petite fille voire son arrière petite-fille...plus rare de voir un "canon" épouser un vieux pauvre.
Pourtant la gauche de gouvernement sait faire preuve de pragmatisme en matière de santé publique, au delà des préjugés moraux, quand elle décide d'ouvrir des salles de shoot pour les toxicomanes. Alors quoi il existerait un besoin, un droit à l'addiction, une contingence aux substances illicites, supérieurs aux besoins sexuels, plus légitimes en tous cas, pour que l'on s'autorise à ouvrir des salles de shoot (et encadrer a minima les risques sanitaires et humains du phénomène), mais pas des maisons closes? Cela est incompréhensible.
Et dans la légion des demandeurs que l'on dit "libres" d'acheter ou pas le corps de l'autre, alors que les prostituées n'auraient pas la liberté de refuser, s'est-on réellement penché sur les degrés de cette liberté, sur les différents profils des demandeurs? J'aimerais que les protagonistes de cette loi visionnent les quelques documentaires brillants qui ont été réalisés sur la sexualité des handicapés. C'est tout simplement bouleversant. J'aurais aimé qu'en même temps que cette loi, soit déposé un projet de loi sur les "accompagnants sexuels", adopté par d'autres pays moins lapidaires et plus humains, ouverts, modernes, sur la question que la France. Oui c'est terrible d'entendre une prostituée dire qu'elle va travailler la peur au ventre, et je dis que c'est terrible d'entendre un handicapé, les larmes aux yeux, dire qu'il a du solliciter une masturbation de l'un de ses proches, faute de pouvoir le faire physiquement lui même. En matière de terrorisme testimonial et sensationnel, on ne saurait manquer de munitions...mais ce n'est pas comme cela que l'on fait de la politique. C'est avec des principes, des convictions, du courage et de la réflexion...qui demande du temps. Et je concède que ce gouvernement doit en manquer cruellement et préfère un feu de paille pour réchauffer ce climat de froideur qui l'entoure, et qui s'accentue de jour en jour à son encontre.