Presque une semaine après la victoire des Bleus au Stade de France j’attends toujours les commentaires des grands moralistes et des philosophes de la décadence, de l’anti-banlieue, des ratages de l’intégration etc. L’auto flagellation des français mécontents perpétuels ne semble pas de mise, si ce n’est pour regretter que l’autre équipe n’ai pas mieux joué.
C’est bien parce que les surinterprétations des conséquences de notre prestation en Afrique du Sud étaient autant de bêtises d’autoanalyse que le retour et leur contraire ne méritent pas plus de commentaires. La victoire se suffit à elle-même et c’est bien pour cela que l’on ne se perd pas dans des analyses nombrilistes ou décalés.
Il est peut-être le moment de revenir sur l’obsession de l’analyse sociétale d’une équipe de football. Pourquoi l’obsession moralisatrice et schématique d’une équipe quand aucun autre sport ni aucune autre équipe nationale ne subit une telle pression ?
Plusieurs analystes, si ce n’est la totalité, en sont encore à commenter Knysna et l’Afrique du Sud. Ils sont dans une sorte de machine à remonter dans le temps – un peu comme des nostalgiques du malheur, qui ne voit jamais la lumière qui point, parce qu’ils gardent les yeux fermés, se saoulant de leur propre aigreur.
Bouc émissaire préferé des médias
Les médias, moutonniers comme à leur habitude, se régalent de sondages ridicules – n’en font-ils pas assez à commenter le monde avec des sondages qui ne nous apprennent rien sur l’actualité ? – qui enfoncent encore et toujours notre équipe. A croire que le destin de cette équipe sera celle de l’exécutif. Quatre sur cinq mécontents ? Ce n’est qu’à la mesure du déversoir que sont devenus nos boucs émissaires préférés.
En tant que téléspectateur je peux témoigner des équipes qui sont passés à côté avant de décrocher l’or de la victoire, même d’autres qui trébuchent bien plus que l’équipe de foot. Jamais leur défaites ne deviennent symboles d’une anti-France ou des minorités mal-intégrés ou d’une éducation antirépublicains. Pourtant leurs victoires sont celles de la France. Nous savons que les victoires seront toujours celles de la France – les défaites sont un moyen de s’améliorer, une étape sur le chemin, une faiblesse passagère.
N’est-il pas étonnant que les footballeurs doivent toujours payer pour les autres. Le 15 de France a passé une année lamentable à tout point de vu. En avons-nous honte ? Cela fait des années que le 15 de France n’a plus le niveau et n’arrive pas à enchainer les victoires. Désespère-t-on ? Parle-t-on de manque d’envie, de faiblesse du sentiment nationale, de mauvais éléments qui n’apprécient guère ce que la nation leur a donné ?
La faute au salaire?
Doit-on tout réduire au salaire des sportifs ? Est-ce vraiment le sujet ? Combien de supporteurs savent qu’en équipe nationale il n’y a ni salaire ni bonus avant une phase finale ? Les commentaires qui fusent sont toujours du même acabit : trop payés pour mal jouer etc… Mais pas payés du tout ! L’équipe nationale c’est bien jouer pour la gloire. S’ils jouent mal : pas de gloire, pas de bonus.
A quand des commentaires sur les qualités sportives de l’équipe – sans ajouter cette ombre teinte de xénophobie, qui veut absolument psychologiser ou moraliser une narrative réduite à un ballon et vingt-deux joueurs. D’ailleurs où sont les Zémour et les Finkelkraut qui ne peuvent se retenir quand il s’agit d’insulter, de réduire à leur manque de maturité, de sens national, d’amour de la nation. On croirait que par manque de guerre à encenser et analyser, le footballeur remplace le soldat dans l’imagerie du moraliste de la décadence française.
Racaille en bonnet rouge ; graine de champion en bleu
La France gagne et des blancs bretons à bonnet rouge se montre casseurs, voyous, racaille. Pourtant plus personne pour parler du délitement de la moralité, du sens de la république, ni de l’éducation des masses - vu qu’ils représentent la « majorité blanche ». Quand les bretons manifestent, casse et causent peut-être un mort– c’est la faute à l’exécutif, aux impôts, à la police ? Et si cela avaient été des banlieusards?
La malhonnêteté de certaines analyses me laisse pantois. La mauvaise foi qui permet de dire que la victoire était médiocre ou heureuse. L’objectivité sportive n’est pas si compliqué ; il suffit d’imaginer les commentaires si le résultat aurait été l’inverse… Que les médias – surtout ceux qui pratiquent le masochisme psychologique dans leurs analyses footballistiques – reviennent au commentaire sportif, qu’ils traitent une équipe qui gagne avec au moins autant de respect qu’ils traitent le 15 de France, une équipe qui perd !
Cela dit rien n’est gagné, mais tout reste possible. Une équipe qui peut se remettre en cause, modifier un système de jeu en quatre jours et gagner de si belle manière n’a rien à perdre et tout à gagner. Si l’on veut regarder vers le passé n’oublions pas que la France a une habitude des montagnes russes entre compétitions. Deux fois en finale du mondial et deux fois dernier du mondial. Si l’histoire se répète nous pouvons espérer nous retrouver dans le dernier carré. Mais quel que soit notre rang à la fin du mondiale n’oublions pas que ce qui compte se passe sur le terrain et non dans la tête des commentateurs.