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Billet de blog 27 juin 2023

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Comment protéger dès maintenant les enfants ukrainiens des crimes de la Russie?

« Le monde peut aider l’Ukraine à sauver ses enfants », déclare un défenseur des droits humains, qui étudie les violations des droits de l’enfant pendant la guerre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 1er juin est célébré la Journée internationale de l’enfance. Ce jour-là, une fillette de neuf ans a été tuée à Kiev par les fragments d’un missile russe. Ce cas est choquant et ce n’est pas le premier depuis le 24 février 2022. Depuis l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie, au moins 462 enfants ont été tués. La Russie viole les droits des enfants et commet des crimes de guerre à leur encontre. En plus des assassinats et des mutilations, il s’agit d’agressions sexuelles, d’enlèvements et même detorture. Malheureusement, nous ne pouvons pas empêcher ces crimes complètement. Maisnous pouvons faire quelque chose pour que moins d’enfants meurent et que les coupables soient finalement tenus responsables et punis.

Le 24 février 2022, Vyacheslav Volodin, le président de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, a déclaré que « l’opération militaire spéciale ne menace aucunement le paisible peuple ukrainien. »Pourtant, quinze mois se sont écoulés depuis et l’ONU a déjà enregistré plus de 21 000 victimes parmi les civils ukrainiens. Il s’agit là de données officielles,mais nous ne connaissons toujours pas avec certitude le nombre de victimes civiles dans les territoires aujourd’hui occupés, en particulier à Marioupol et dans la région de Zaporijia.

Le nombre d’enfants ukrainiens ayant trouvé la mort dans la guerre s’élèverait à près de 500. Depuis plus d’un an, « Voices of Children » surveille les crimes de guerre commis par la Russie contre les enfants en Ukraine. Le rapport, que nous avons préparé en collaboration avec l’Institut de recherche sociale de Kharkiv, décrit en particulier les violations graves suivantes, commises à l’encontre des enfants ukrainiens :

Meurtres et mutilations. Outre les 500 enfants tués, environ un millier d’enfants ont été blessés. Certains ont perdu leurs jambes ou leurs bras, et sont devenus invalides. Le 16 avril, dans le district de Novovorontsov, dans la région de Kherson, les occupants russes ont tiré sur un groupe d’adolescents. Un garçon est mort.

Viols. Plus de 100 cas d’agressions sexuelles commis par des Russes dans le cadre de la guerre, dont 12 concernant des enfants, ont été signalés au bureau du Procureurgénéral.

Enfants associés aux forces et groupes armés. La Russie viole régulièrement le droit international humanitaire, qui interdit la participation des enfants dans les conflits armés. Elle fait participer les enfants, vivant dans les territoires occupés de l’Ukraine, aux hostilités, les soumettant activement à la propagande, et les forçant à suivre un entraînement militaire. Plusieurs organisations et mouvements ont été créés à cette fin, dont les plus importants sont « JeuneArmée », le « Mouvement des écoliers russes », « Grands changements », ainsi que la « Jeune Garde », les « Volontaires de la Victoire », « Patriot », l’« Union des Pionniers » et « Bastion ».

Torture. Le bureau du Procureurgénéral de l’Ukraine a découvert 54 chambres de torture, dont certaines étaient utilisées pour détenir des enfants. Les enfants n’étaient pas nourris, on leur donnait de l’eau tous les deux jours, en leur disant que leurs parents les avaient abandonnés. Un garçon a été enfermé dans une de ces chambres et torturé pour avoir pris des photos d’équipements militaires russes avec son téléphone.

Déni de l’accès humanitaire. Une crise humanitaire est cours dans les territoires occupés. L’aide humanitaire est rarement fournie ou souvent utilisée comme levier de manipulation, de chantage et de pression, en échange d’information, de passeports ou de la citoyenneté russe, ou comme prétexte de conscription pour les hommes. Les occupants russes n’autorisent pas les livraisons d’aide humanitaire en provenance du territoire libre, détruisent ou volent les stocks et le matériel humanitaire, mettent le feu à des champs de blé, endommagent les bâtiments et infrastructures agricoles, et interdisent la commercialisation des céréales, légumes et fruits originaires des territoires occupés pour exporter eux-mêmes ces marchandises.

Attaques contre les infrastructures destinées aux enfants (crèches, écoles, hôpitaux) et entrave à l’accès à l’éducation. Depuis le 24 février 2022, les Russes ont endommagé plus de 3 000 établissements d’enseignement, dont 337 qui ont été complètement détruits. 171 structures médicales ont étéégalement détruites et plus d’un millier ont été endommagées. Dans les territoires occupés, les programmes scolaires russes mis en place enseignent une version déformée et falsifiée de l’histoire, et rejettent l’étude de la langue et de la littérature ukrainienne. Depuis le 1er septembre 2022,dans les écoles, chaque semaine commence par le lever du drapeau russe et le chant de l’hymne national russe, car les envahisseurs considèrent les territoires ukrainiens occupés comme le territoire de la Russie.

Enlèvements. Selon les sources officielles, environ 300 enfants ukrainiens sont actuellement portés disparus et 16 000 autres ont été déportés illégalement vers la Russie. Le 27 novembre 2022, les autorités de la ville de Kherson ont annoncé qu’elles recherchaient les enfants « enlevés » par les occupants dans les écoles et les crèches de Kherson pendant les vacances d’automne sous couvert de « réhabilitation ». Tous les enfants vivant en orphelinats ont également été enlevés. Il est impossible d’établir le nombre exact d’enfants enlevés, mais on estime que 1 000 enfants ont été enlevés pour la seule ville de Kherson.

Actuellement, le bureau du Procureur général de l’Ukraine a ouvert une enquête sur 2 607 graves violations commises à l’encontre des enfants. Tous les crimes n’ont pas encore été enregistrés. Nous pensons qu’après la victoire de l’Ukraine et la fin de la guerre à grande échelle, tous les crimes des envahisseurs seront punis. Tant que la guerre est en cours, il est difficile de traduire en justice les auteurs de crimes et de mettre complètement fin à la violence contre les enfants. Mais nous pouvons agir dès maintenant.

Le monde peut protéger les enfants ukrainiens, qui sont contraints de vivre dans la guerre. Les responsables politiques, les organisations internationales et les réseaux d’ONGsdoivent travailler ensemble pour documenter les crimes commis par la Russie à l’encontre des enfants ukrainiens, surveiller la situation des enfants touchés par ce conflit armé, ramener chez eux les enfants ukrainiens qui ont été enlevés et demander des comptes à la Russie.

Nous devons rester en contact avec les Ukrainiens des territoires occupés par tous les moyens possibles. Il y a là-bas des enfants ukrainiens qui, pour diverses raisons, n’ont pas pu être évacués et dont les droits sont violés par les occupants.

Nous devons faciliter l’organisation de couloirs humanitaires et l’acheminement rapide de l’aide humanitaire, grâce à des fonds internationaux, vers les territoires occupés de l’Ukraine et vers les territoires où des hostilités sont en cours. Il est important de stocker de la nourriture, de l’eau et des médicaments dans les zones où le risque d’occupation russe est important.

En collaboration avec des experts internationaux, nous devons recenser de manière exhaustive tous les crimes commis par l’armée russe, à savoir les meurtres, les mutilations et traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris les crimes à caractère sexuel, en particulier contre les enfants. Jusqu’à présent, la plupart de ces crimes n’a toujours pas été révélée au grand jour.

Nous devons utiliser le réseau international pour surveiller la situation des enfants emmenés en Russie, documenter les crimes commis à leur encontre et faire le maximum pour les renvoyer chez eux. Les organisations internationales et les ONGs doivent être le plus impliquées possible dans ce processus. Enfin, nous devons également reconnaître la « Yunarmiya », « Dvizhenie » et « BolshayaPeremena » comme des mouvements et organisations de jeunesse s’apparentant à l’idéologie totalitaire nazie.

Au cours de cette année de guerre totale russo-ukrainienne, la Russie a violé toutes les dispositions internationales principales qui régissent la protection des victimes de guerre et limitent les méthodes et les moyens de guerre, telles que les conventions et déclarations de La Haye de 1899 et 1907, les conventions de Genève de 1949 relatives à la protection des victimes de la guerre et la Convention relative aux droits de l’enfant. Les violations flagrantes des droits de l’enfant rapportés au cours de la guerre contre l’Ukraine confirment une fois de plus les plans machiavéliques de la Russie moderne. Les enfants sont déportés en Russie ou dans des régions éloignées des territoires occupés de l’Ukraine, où ils sont tenus en otages en vue d’un futur marchandage politique. De ce fait, l’Ukraine et ses partenaires internationaux doivent faire tout leur possible pour protéger la vie des enfants ukrainiens et garantir leur bien-être.

Andriy Chernousov, membre du conseil d’administration de la fondation « Voices of Children », défenseur des droits humains

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