Depuis quelques années, je milite pour la France Insoumise dans le 92.
En raison de ma vie de famille, je ne suis pas très assidu, ou en tout cas moins que ce que je voudrais.
C'est au moment des élections que j'essaie de me libérer du temps, pour tracter et faire du porte-à-porte.
Du haut de cette minuscule légitimité, je voudrais donner mon avis sur l'ambiance médiatique actuelle concernant ce mouvement.
Il y a quelques semaines, un livre est sorti : la Meute, de Charlotte Bellaich et Olivier Pérou, tous deux journalistes, respectivement pour Libération et Le Monde. L'ouvrage restitue l'enquête qu'il ont réalisée pendant 2 ans, à travers des centaines d'entretiens auprès de cadres du parti et de militants. A l'occasion de la publication du livre, les auteurs ont fait le tour des plateaux de radio et de télévision, pour expliquer que la France Insoumise dans sa globalité fonctionnait comme une secte dont Melenchon serait le gourou. Et, comme le titre du livre l'indique, que collectivement, nous, militants de ce mouvement, serions une meute. Comme des chiens, ou des loups. Des loups religieux, en somme.
Je me mets à la place d'une personne peu intéressée par l'actualité politique. Ah, les militants de la France Insoumise sont comme des loups ? Mais pourquoi voudrait-on militer avec un groupe de gens pareil ? Les loups, c'est plutôt méchant non ?
Je commence par répondre à cette question, qui semble légitime dans ce contexte : que diable suis-je venu faire dans cette galère ?
D'abord, je ressens une obligation morale à militer. J'ai de très fortes inquiétudes concernant la montée des inégalités, la restriction de nos libertés, la dégradation de notre environnement et de nos conditions de vie. Dans ce contexte, je considère qu'il est de mon devoir de m'impliquer au-delà du simple vote.
Ensuite, il se trouve que la France Insoumise, à travers son programme, porte des idées dont je suis proche, beaucoup plus proche que les idées des autres partis. Voilà, c'est aussi simple que ça : un besoin de militer, et des idées que je partage.
Et Mélenchon dans tout ça ? Est-il mon gourou ? Est-ce que je trouve que c'est une personne formidable, incroyable, que j'admire du plus profond de mon coeur ?
Non pas vraiment. Mélenchon est simplement une des principales incarnations de ce programme au niveau national.
Je lui reconnais le mérite d'avoir, avec d'autres personnes, conçu, diffusé ce programme, de s'en être fait le relais dans l'espace médiatique.
Les questions qui suivent ne m'ont pas été posées directement, mais je sens que certains de mes amis auraient envie de me les poser : ok, ce sont des idées que tu partages, mais le comportement de Mélenchon et de ses collègues ne te dégoûtent-ils pas ? N'as-tu pas peur d'être complice de leurs abus, de la manière détestable dont ils traitent les autres ? Cautionnes-tu l'organisation verticale du mouvement ?
Eh bien, à vrai dire, oui, je préfèrerais qu'il y ait davantage de démocratie au sein de LFI.
Je préfèrerais aussi que, quand il y a des différends entre les cadres, ils parviennent à les surmonter par la discussion, plutôt que par le départ (souhaité ou subi) des uns ou des autres.
Certainement, il existe des désaccords qui ne peuvent être résolus par la discussion, et qui mènent logiquement à la séparation. On peut aussi comprendre que certaines personnes ne peuvent plus s'encadrer, et se fâchent pour des histoires personnelles. Après tout, nous ne sommes que des humains, avec nos failles, notre mauvaise foi, nos émotions. Ni Mélenchon ni personne n'échappe à la règle.
Mais clairement, la direction de LFI se fâche avec un peu trop de monde, un peu trop souvent. Ruffin, Corbière, Garrido, Autain, Davi, Simonnet, ça fait trop de monde.
Pour autant, devrais-je renoncer à promouvoir ces idées, parce que je suis en désaccord sur la manière de faire de celles et ceux qui les portent ? Je dirais que ça dépend de la taille du désaccord. En l'occurrence, il s'agit de fâcheries et de textos pas sympas.
Quand j'entends Bellaich et Pérou parler de la violence de Mélenchon, ou quand un récent article de Mediapart évoque la Russie des années 20 pour parler du comportement de Mélénchon, je rigole un peu.
Pardon, mais la violence, ce n'est pas tout à fait ça. Peut-être faut-il ouvrir un livre sur la révolution russe et Lénine pour s'en rendre compte. Ou, plus proche de nous, simplement discuter avec les gilets jaunes mutilés et éborgnés par la police de Macron. Une idée parmi d'autres.
Bref, le jour où Mélenchon fera tirer au flash ball dans les yeux de ses adversaires politiques, ou bien ne condamnera pas ceux qui le font, j'arrêterai de militer pour LFI.
Mais me direz-vous, pourquoi ne pas promouvoir ces idées en dehors de LFI ?
Oui, c'est ce que je fais déjà. Pendant les protestations contre la réforme des retraites de 2023, je me suis trouvé dans un collectif de personnes de tous bords, pour mener des actions. LFI n'était pas présent, et c'était très bien.
Le rôle de LFI est globalement circonscrit aux campagnes électorales. C'est un vecteur efficace pour faire entendre nos idées dans ce contexte-là. Peut-être moins efficace que ce qu'on souhaiterait, mais plus efficace que si je militais pour un autre parti.
En conclusion, retenez ceci : les militants LFI ne sont ni des loups ni des chiens.
Nous sommes des militants politiques, et souhaitons promouvoir des idées.
On reproche souvent à LFI ses "outrances". Que dire alors des personnes qui parlent de nous comme des animaux ?
Que dire des personnes qui considèrent que ce livre est une bonne base de discussion pour parler de stratégie électorale du camp progressiste ?