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UN PEUPLE un film de Emmanuel Gras au cinéma le 23 février

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Billet de blog 23 février 2022

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« Un peuple », film documentaire sur les Gilets Jaunes, sort en salle

En octobre 2018, le gouvernement Macron décrète l’augmentation d’une taxe sur le prix du carburant. Cette mesure soulève une vague de protestations dans toute la France. Des citoyens se mobilisent dans tout le pays, c’est le début du mouvement des Gilets jaunes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce film documentaire, réalisé par Emmanuel Gras, et dont Mediapart est partenaire, sort aujourd'hui (mercredi 23 février) en salle. Voici les mots du réalisateur : 

Le 17 novembre 2018, j'ai entendu parler des blocages de ronds-points et vu les images des manifestations. Comme beaucoup d'autres, j'ai été interpellé par cette mobilisation et, le samedi suivant, je me suis rendu à la manifestation parisienne pour voir qui étaient ces déjà fameux « Gilets jaunes ».

J'ai alors vu des gens qui ne ressemblaient pas au peuple de gauche que j'avais l'habitude de voir battre le pavé. La plupart venait de province et arrivait dans la capitale par petits groupes, se retrouvant sur le chemin des Champs-Élysées.

 Là, je les ai vus dresser des barricades et y mettre le feu en chantant la Marseillaise.

Hors cadre syndical, sans services d'ordre régulant la colère, je découvrais des gens qui se désignaient comme « le peuple » et affirmaient leur légitimité, en tant que tel, de prendre possession de ce symbole de la puissance et de la richesse française qu’est cette grande avenue menant à l’Arc de Triomphe.

Je n’avais jamais vu une telle expression de révolte populaire.

Mais cette manifestation n'était pas un cadre propice à la rencontre et à la discussion. J'ai alors cherché un rond-point pas trop loin de Paris pour pouvoir m'y rendre en train régulièrement. Je me suis retrouvé à la périphérie de Chartres et je suis allé à la rencontre des Gilets jaunes présents sur un rond-point. Ils étaient une trentaine et m'ont accueilli chaleureusement. Plus que faire un film, je voulais d'abord comprendre.

Eux avaient beaucoup à dire. Ils se racontaient entre eux les difficultés de tous les jours, celles de toutes les fins de mois, l’humiliation ressentie, l’impression d’être oubliés.

Je n’allais pas simplement à la rencontre d’une réalité que je connaissais peu, mais à la découverte de ce qu’ils avaient à dire publiquement : pour la première fois, ils prenaient la parole pour lancer leur vécu à la face du monde.

J’ai d'abord rencontré beaucoup de retraités, dont certains avaient un passé syndicaliste et avaient essuyé beaucoup de déceptions. Ensuite, énormément de travailleurs précaires, des intérimaires, des CDD répétés, des auto-entrepreneurs, mais aussi des ouvriers et techniciens, des jeunes en formation qui se cherchaient un avenir, des chômeurs et des allocataires du RSA.

Aucun d'entre eux n'habitait Chartres, ville que tous désignaient comme bourgeoise. Ils faisaient parfois des dizaines de kilomètres depuis leur commune pour venir sur ce non-lieu au milieu de nulle part, dernier rond-point avant l'autoroute vers Paris. J'ai été impressionné par leur détermination alors que les mots d'ordres et les revendications en étaient encore à leurs balbutiements.

Dans le refus absolu de se rapprocher d'un parti, la méfiance vis-à-vis des syndicats, le mélange de revendications très sociales et d'opinions réactionnaires, je sentais qu'ils se réunissaient pour une raison qui dépassait largement les orientations politiques : ils se reconnaissaient Gilets jaunes parce qu'ils vivaient les mêmes situations, les mêmes difficultés, la même réalité. 

Ce qui ressortait avant tout, c'était le sentiment d'injustice sociale, du mépris venu d'un pouvoir très éloigné d'eux. Vision d'un monde divisé en deux parties, classes populaires et élite, où la classe moyenne était curieusement absente et n'avait, pour ainsi dire, pas de rôle.

En fait, je réalisais que j'avais devant moi le résultat de dizaines d'années de destruction du corps social prolétaire. Là où il y avait des traditions de pensées, des liens de solidarité, des habitudes sociales, il n'y avait maintenant que des individus isolés dans leurs problèmes. Jusqu’au jour où ils s’étaient rassemblés sur ce rond-point.

J’ai été enthousiasmé par la rapidité avec laquelle ils se sont auto-organisés, et comme ils ont réussi à monter des actions parfois risquées, à maîtriser les réseaux sociaux pour communiquer entre eux, à résister aux intimidations policières, à organiser des manifestations de centaines de personnes à Chartres, comme ils se sont déplacés collectivement sur Paris et ont mis en place des réseaux régionaux... Alors qu’on leur a souvent reproché leur manque de structuration, on s’est rarement posé la question de la difficulté concrète d’organiser un mouvement né spontanément à l’échelle nationale. Eux s’y sont attelés.

Ces femmes et ces hommes aux parcours difficiles, voire chaotiques, souvent abîmés physiquement, retrouvaient une dignité et une force nouvelle en se rassemblant avec d'autres.

Je ne pouvais alors qu'être impressionné par leur volonté, leur force et leur solidarité, qui les faisaient sortir de chez eux pour braver le froid et, chaque samedi, la police.

Sans juger ce qui est juste, nécessaire, utile, contre-productif, condamnable ou pas, ce que je cherchais alors à faire exister, au-delà des paroles et des discours, était la confrontation entre une vitalité explosive et une puissance imposante.

La question de la violence apparaît nécessairement dans le film. Elle fut présente dès le début du mouvement.

Violence d'abord ressentie par les manifestants montés à Paris, pour qui l'Acte II fut un véritable trauma. Coincés sur le rond-point de l'Étoile, ces primo manifestants ont eu le sentiment d'être pris au piège et attaqués sans raison.

Violence exercée ensuite, celle des cassages et des affrontements avec la police. Elle est le sujet de débats enflammés et de tensions très grandes entre ceux qui se veulent parfaitement pacifistes et ceux qui pensent ne rien pouvoir obtenir sans ces effusions qui effraient et obligent l'État à réagir. J’ai vu des pacifistes convaincus s'orienter vers des actions illégales et des Gilets jaunes s'éloigner du mouvement par refus de la casse, ou ne plus aller en manifestation par peur d'être blessés.

Toutes ces personnes n'étaient pas préparées à de tels affrontements.

Les Gilets jaunes se sont révoltés contre ce qu'ils voyaient comme une confiscation de leur pouvoir, du pouvoir du peuple, par leurs représentants officiels.

En s'attachant à un groupe et en suivant son évolution dans le temps, c'est la question de la démocratie qui se pose, de la possibilité de son émergence, et de sa pratique.

Mais qu'en est-il à l'intérieur même du mouvement, réussissent-ils à se montrer plus démocrates que ceux qu'ils critiquent ? Est-il possible de créer ex nihilo un fonctionnement entre des gens qui se sont regroupés sans idéologie commune ? Faut-il voter pour tout ? Pour qui voter d’ailleurs ? Un chef ? Un porte-parole ? Un délégué ? Avec le risque que celui-ci leur confisque à son tour leur parole… Toutes ces questions se sont posées plus ou moins directement.

Force est de constater qu'à Chartres, comme à de nombreux autres endroits, des leaders « naturels » ont émergé et ont joué un rôle plus important que les autres au niveau local.

Leurs qualités et leurs défauts, leur ego malmené ou au contraire renforcé, leur capacité de rassembler et leurs difficultés à communiquer ont largement influencé l'évolution du groupe. Le groupe que j’ai filmé a vécu à une échelle microscopique ce qui se jouait partout ailleurs. 

Mon choix en tant que documentariste fut d’accompagner ces femmes et ces hommes dans leur engagement. Cela ne signifie pas une absence de distance critique, mais une réelle empathie avec eux et la volonté de rendre compte de leur vision.

Faire un film sur les Gilets jaunes, cela voulait dire pour moi montrer l’énergie vitale qui les anime et ne pas cacher non plus les errances dans lesquelles ils se retrouvent lorsqu’ils cherchent les causes à leurs maux, et les réponses à leurs problèmes.

Au fur et à mesure du tournage, j’ai compris qu’il s’agissait pour moi de faire exister la vibration intérieure d’un mouvement populaire, avec ce qu’elle peut avoir d’harmonieux et de chaotique.

Les Gilets jaunes sont ceux qui, sortis des zones résidentielles, cités dortoirs, pavillons périphériques, sont allés vers les plus improbables des lieux pour se rassembler : des ronds-points qu'ils ont investi comme un reste d'humanité, rappelant au monde qu’ils étaient encore vivants, vibrants, réagissants... et que cette vitalité retrouvée s'exprimait d'abord par la colère.

Les Gilets jaunes eux-mêmes se considéraient comme des gens qui s'étaient réveillés. Ils espéraient que d'autres, leurs voisins, leurs collègues, leurs compagnons de queue à l’hypermarché du coin se réveillent à leur tour.

Ce film retrace la vie de femmes et d'hommes qui retrouvent une raison d'agir, pour certains de vivre, et qui ont le sentiment, pour la première fois de leur existence, d’avoir un rôle à jouer dans ce monde.

UN PEUPLE | BANDE-ANNONCE | KMBO © KMBO Films

Synopsis :

En octobre 2018, le gouvernement Macron décrète l’augmentation d’une taxe sur le prix du carburant. Cette mesure soulève une vague de protestations dans toute la France. Des citoyens se mobilisent dans tout le pays : c’est le début du mouvement des Gilets jaunes. À Chartres, un groupe d’hommes et de femmes se rassemble quotidiennement. Parmi eux, Agnès, Benoît, Nathalie et Allan s’engagent à corps perdu dans la lutte collective. Comme tout un peuple, ils découvrent qu’ils ont une voix à faire entendre.

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