Cher-es signataires de la lettre ouverte,
Chères toutes, chers tous,
Nous vous remercions d’avoir été à nos côtés ces derniers jours.
La publication de notre lettre ouverte n’a pas encore ouvert d’échange entre les parties, mais des informations se transmettent, des faits sont énoncés, parfois déformés. Par ce message, nous souhaitons éclairer la situation et trouver un espace de contre-argumentation qu’on semble nous refuser.
Tout d’abord, nous tenons à rappeler l’objet de cette lettre ouverte. Contrairement à ce qui semble être dit, elle ne vise ni à soutenir notre communiqué de décembre, ni à soutenir notre motion quant à la Palestine ou notre pétition contre la conférence de l’UNI à l’Université Grenoble Alpes (UGA) ce 28 mars. Nous avons veillé, en l’écrivant, à ne pas associer les signataires à ces actions choisies par nos membres. En fait, cette lettre vise à interpeller sur le tournant inédit que marque la sanction dont nous faisons l’objet.
Cette sanction se fait ressentir de manière très claire ces jours-ci. Alors que nous organisons des événements dans le cadre de notre mois de l’égalité, l’UGA nous écrit pour nous indiquer l’annulation de la réservation de chacune des salles prévues pour nos activités, pourtant d’intérêt général. Si des tiers réservent des salles par solidarité, iels rencontrent le même traitement. N’aurions nous plus aucun droit d’expression dans cette université ?
Pour rappel, la lettre de suspension n’a été précédée d’aucune rencontre, d’aucun cadre permettant le contradictoire ou bien la défense. En effet, la suspension d’agrément signée par la seule main du président est une procédure inédite. Nous ne savons nullement si d’autres personnes ont participé à prendre cette décision. Pourtant, un grand nombre de règles et procédures existent et sont éprouvées : de la procédure disciplinaire interne à l’attaque en justice, le droit est clair et permet à chaque partie d’accéder à la justice. Par ailleurs, il serait dit que nos propos auraient outrepassé la liberté d’expression et le cadre républicain. Dans ce cas, grave, pourquoi ne pas recourir aux plus importantes procédures ? Il semble qu’il s’agit de la première fois où une association de l’UGA se voit retirer son agrément, il semble même qu’il s’agit d’une première en France. Cette pratique qui restreint très largement l’expression et crée la peur de l’arbitraire s’inscrit clairement, selon nous, dans la répression syndicale. Nous sommes le syndicat étudiant majoritaire de l’Université Grenoble Alpes. Nous savons que si nous laissions passer de telles méthodes, elles se généraliseraient, dans cette université, puis dans toutes les universités. A l’heure d’une très forte répression du mouvement contre les coupes budgétaires dans l’enseignement supérieur et la recherche et alors que les Etats-Unis prennent les devants dans la suppression des libertés de communication, il paraît crucial d’empêcher la régression des droits en France.
Enfin, ce qui ressemble à un escamotage des faits nous alerte. Nous ne souhaitons pas l’escalade à l’infamie. Ainsi, nous vous livrons, ci-dessous, et en longueur, notre version des faits. Nous pourrons la clarifier sur demande.
Notre version des faits :
Dès le CA du 24 octobre, nous déposons une motion sur la question Palestinienne (jointe), vous constaterez qu’elle ressemble à la motion finale, quoique plus longue et clivante. Cette motion fait l’objet d’une tentative d’obstruction de l’UNI par des amendements (joints) proposés avant le CA. En séance, le débat s’ouvre. Nous relevons des interventions d’administrateurs-rices particulièrement choquantes, qui n’apparaissent malheureusement pas dans les comptes-rendu de séance, mais que nous avions noté en direct et que des administrateurs-rices de bonne foi pourront confirmer. L’un-e déclare que les étudiant-es juifs-ves seraient blessé-es par notre motion, car les massacres à Gaza seraient comme ceux du 7 octobre et que, de toute façon, on ne devrait pas déclarer ses opinions politiques à l’université ! L’autre affirme qu’il n’y aurait pas de génocide car l’avis de la Cour Internationale de Justice resterait une hypothèse, dès lors il n’y aurait pas de motif à parler des violences en Palestine, Cisjordanie et Liban, mêmes celles qui frappent les écoles et universités.
Nous choisissons de parler de “génocide” sur des bases factuelles. Un comité spécial des Nations Unies a affirmé “qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant que des actes de génocide [ont été commis] contre les Palestiniens à Gaza a été atteint”. La Cour Pénale Internationale a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis dans la bande de Gaza occupée. Le 26 janvier 2024 la Cour Internationale de Justice a rendu une décision demandant à Israël d'empêcher d'éventuels actes de “génocide”. En parallèle, rappelons que l’Etat Français a mené une vaste opération d’interdiction de toute protestation contre ces massacres : “une atteinte grave et disproportionnée au droit de manifester” selon Amnesty France. La Ligue des Droits de l’Homme alertait déjà l’Etat Français sur ses positions à ce sujet avant les massacres.
Le CA d’octobre a alors seulement voté la mise au vote en ligne des 3 motions. Le vote en ligne aboutira sur une égalité entre celle que nous avons proposée et celle d’un membre de la liste présidentielle. Dès lors, le 3 décembre, pour le CA suivant, du 17 décembre, nous déposons une nouvelle version de notre motion. Nous avons envoyé la motion dans les délais réglementaires pour assurer qu’elle soit débattue en séance. En réalité le débat sera très écourté, mais un administrateur reprendra la parole pour dénoncer l’emploi du terme “génocide”, au motif que ce risque ne serait pas avéré, et qu’il y aurait présomption d’innocence (sic). Si nous parvenons de justesse à faire adopter notre motion, nous souhaitions communiquer car cette victoire nous semblait fragile eu égard des pressions subies durant un an de mobilisation.
Les termes de notre communiqué de décembre nous semblent avoir été décontextualisés, aussi, nous vous invitons simplement à le relire pleinement :
- Dans ce communiqué, nous parlons “d’une pression de l’UGA contre nos actions pour la Palestine, fidèle à la ligne pro-génocide d’Emmanuel Macron et de ses ministres”. Comme nous l’avions annoncé en avril 2024, nous attestons que durant l’année, nous ou nos collectifs partenaires ont subi des pressions institutionnelles et administratives sur l’obtention d’autorisation de réunion et de tenue de rassemblement (essuyant des refus, dont certains au motif de terrorisme !), de la censure des mots « Israel », « génocide », « boycott ».... de tracts, et de l’introduction par la présidence de la police sur le campus pour une simple manifestation pacifique d’une centaine de personnes.
- Dans ce communiqué, nous dénonçons “l’opposition sans gêne des pro-génocidaires” en séance, sans préciser leur nombre et leur qualité. Selon nous, des propos tenus en séance tentaient de couvrir un génocide en nous empêchant d’en parler.
- Dans ce communiqué, nous avons choisi de dénoncer la posture de la dernière liste étudiante durant ce conseil, énonçant qu’elle aurait très probablement voté contre la motion. Nous déplorons la stratégie de certain-es élu-es d’évitement du débat par leur silence. Nous avons veillé au conditionnel. Nous n’avons formulé aucune menace. Nous n’avons aucune preuve que l’élu-e en question aurait reçu des menaces ou intimidations et, si tel était le cas, nous les condamnerions.
Une fois encore, nous ne vous demandons pas de souscrire à nos termes, ou à notre stratégie, mais de nous permettre de nous exprimer dans le cadre démocratique et de répondre de la justice si nos propos outrepassaient la loi.
Concernant la conférence de l’eurodéputée que nous avons tenue, nous avons dû mener de très longues négociations pour obtenir une salle. Nous demandions cette conférence depuis avril 2024, nous avons d’abord essuyé un refus ferme, puis retenté dès septembre. Cette conférence a été strictement conditionnée à la caution scientifique. Deux jours avant, l’UGA refusait de nouveau sa tenue, au motif que les intervenant-es que nous proposions au côté de l'eurodéputée n’auraient pas la légitimité sur le sujet. Suite à cette pression, nous avons mené de longues négociations qui ont finalement débloqué la situation et visiblement redonné courage à l’université de nous accueillir. La conférence n’aura pas bénéficié du large dispositif policier dont a bénéficié l’UNI ce 28 mars, bien que première ait accueilli plus de 700 personnes.
Enfin, certain-es auront eu bruit d’une banderole calomnieuse posée sur un bâtiment du campus principal autour du 22 mars. Nous n’avons aucune preuve de l’existence de cette banderole, mais pouvons affirmer que, si elle a existé, nous n’avons aucun lien avec celle-ci.
Nous sommes conscient-es des engagements que la signature d’une telle lettre induit pour vous, nous vous en remercions encore.
Il est toujours possible de devenir signataire de cette lettre ouverte, sur ce lien.