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Billet de blog 4 septembre 2025

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Marseille–Haïfa : rompre une compromission

Il est des héritages qui honorent une ville, et d’autres qui l’entravent. Le jumelage entre Marseille et Haïfa appartient à la seconde catégorie. 

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Il est des héritages qui honorent une ville, et d’autres qui l’entravent. Le jumelage entre Marseille et Haïfa appartient à la seconde catégorie.

Ouvert à la fin des années 1950, date exacte disputée par les registres, mais incontestable dans son existence, ce lien municipal s’est figé au fil des décennies, jusqu’à devenir aujourd’hui une compromission politique et morale qui constitue une véritable souillure pour l’honneur de la cité phocéenne. En 2025, alors que l’horreur à Gaza et en Cisjordanie déchire nos consciences, maintenir ce jumelage n’est plus un geste « symbolique » : c’est un alignement, une caution, une dénégation de la réalité, une insulte à la mémoire des plus de 60 000 morts palestiniens. Ce qui pose la question du racisme comme logiciel de la « diplomatie » de M Benoit Payan, maire de Marseille. Les vies et les droits des Palestiniens n’ont-ils pas de valeur à ses yeux ? Cette question résonne d’autant plus fort que l’édile refuse d’employer le mot de « génocide ».

On nous oppose la liturgie des « ponts » : la diplomatie des villes, l’amitié des peuples, le dialogue par-dessus les murs. Mais de quels ponts parle-t-on quand l’une des rives administre un régime déclaré d’apartheid par les principales organisations de défense des droits humains ? Lorsque les voix d’Amnesty International et de Human Rights Watch documentent, preuves à l’appui, un système de domination, de ségrégation et de dépossession visant les Palestiniens, alors la neutralité n’existe plus. Le maintien du jumelage, lui, n’est pas neutre : il pèse d’un seul côté de l’histoire.

Le 10 juin 2025, Benoît Payan a choisi de maintenir le jumelage avec Haïfa, tout en promettant un futur jumelage avec une ville palestinienne. Ce « en même temps » municipal est une politique du solde de tout compte moral : on garde l’existant, et l’on ajoute un contrepoids symbolique pour calmer l’opinion. Ce n’est pas du courage politique, c’est de la gestion d’image, de la politique politicienne. On ne compense pas une faute par une promesse. On y met fin, à plus forte raison lorsque la faute en question est un crime contre l’humanité, un génocide.

Nous n’avons pas la mémoire courte. Marseille s’est toujours voulue ville-monde, port d’accueil, foyer d’exils et de solidarités. Mais la fierté cosmopolite ne doit pas servir de paravent lorsque l’éthique commande un geste clair. Les appels répétés de collectifs marseillais, de syndicats, d’élus, de milliers d’habitants, demandant la suspension—puis la rupture—du jumelage n’ont pas été entendus. À la place, l’on nous vend une symétrie factice : « Haïfa et, bientôt, une ville de Palestine ». Non. La symétrie n’existe pas entre l’occupant et l’occupé, entre la puissance et le peuple privé de droits, entre les génocidaires et les génocidés.

Monsieur le Maire, Marseille n’a pas élu le Printemps Marseillais pour maquiller les problèmes en solutions de communication. Elle l’a élu pour nommer les choses, pour prendre des décisions qui engagent, pour assumer une responsabilité historique. En maintenant le jumelage avec Haïfa, vous avez choisi l’ambiguïté confortable contre la clarté nécessaire. Vous avez préféré l’apparat des relations internationales à la dignité des principes. Vous avez tourné le dos aux Marseillaises et Marseillais qui, depuis des mois, défendent l’évidence : on ne s’acoquine pas ni l’apartheid, ni avec un État génocidaire.

Rompre ce jumelage n’« isole » pas Marseille : cela l’honore. Cela signifie qu’au niveau qui est le nôtre, celui d’une grande ville européenne, nous comprenons que les rituels institutionnels ne sont pas intouchables, surtout lorsqu’ils servent d’alibi à l’inaction. Cela signifie que nous refusons de blanchir par l’amitié urbaine ce que le droit international qualifie, documents à l’appui, de crime contre l’humanité lorsqu’il s’agit d’un système d’apartheid. Et cela signifie, enfin, que nous préférons l’exigence à la complaisance.

On nous dira que le jumelage « ne fait pas de politique ». C’est faux. Un jumelage engage l’image d’une ville, ses ressources, ses échanges, ses délégations, ses coopérations. Il est une vitrine, un label, un réseau. À ce titre, il a une portée politique, et donc une responsabilité. La nôtre est simple : tant que perdure l’oppression systémique du peuple palestinien, tant que les bombardements, les sièges, les expulsions et la dépossession se poursuivent, Marseille n’a rien à faire dans un partenariat « d’égal à égal » avec une ville israélienne. Ce n’est ni du boycott aveugle, ni de la vengeance, c’est la ligne minimale de la cohérence.

Nous appelons donc, clairement, immédiatement, à la délibération municipale qui actera la rupture du jumelage Marseille–Haïfa. Nous appelons les groupes de la majorité qui s’y disent favorables en privé à le dire en public et à voter en conséquence. Nous appelons les Marseillaises et Marseillais à soutenir cette exigence par la pétition, par l’interpellation des élus, par la présence dans l’espace public jusqu’à ce que l’hôtel de ville entende ce qu’il refuse d’admettre : aucune ville digne d’elle-même ne pactise avec l’apartheid et le génocide. Et aucune promesse « en miroir » ne fera oublier l’essentiel.

Rompre, et ensuite reconstruire : des liens de ville à ville avec des communes palestiniennes, oui, mais des liens qui ne soient pas des cautions, plutôt des leviers : soutien aux hôpitaux et aux écoles, coopération technique sur l’eau et les déchets, bourses pour les étudiants, résidences pour les artistes. Voilà la politique municipale internationale qui honorerait Marseille. Tout le reste n’est que com’, faux-semblants, manœuvres électoralistes et politique politicienne.

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