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Billet de blog 5 octobre 2025

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Le plan Trump pour Gaza : une nouvelle forme d’assujettissement colonial

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Donald Trump a présenté, le 29 septembre 2025, ce qu’il a désigné comme un « plan en 20 points » pour mettre fin à la guerre contre Gaza. À première vue, la rhétorique est rassurante : cessez-le-feu, retour des otages, aide humanitaire, reconstruction. À y regarder de près, sous le vernis humanitaire se dessine une logique de tutelle et de dépossession : démilitarisation forcée, administration technocratique imposée de l’extérieur, contrôle sécuritaire international et ouverture libérale aux investisseurs, la recette classique du néocolonialisme.

Le plan ne parle pas d’un État palestinien souverain. Il propose une Gaza « déradicalisée » et administrée provisoirement par une instance technocratique palestinienne, contrôlée, selon le texte et ses déclinaisons médiatiques, par un « Board » international que Donald Trump a lui-même appelé à présider et dans lequel des figures comme Tony Blair sont évoquées. Traduction : le personnel politique palestinien est remplacé par des experts soumis à des parrains internationaux. Cette mise sous tutelle politique, présentée comme une solution technique, est en réalité une stratégie de neutralisation politique.

Sur le plan sécuritaire, l’offre est explicite : désarmement du mouvement de résistance, démantèlement des capacités militaires de Gaza, puis déploiement d’une « force internationale de stabilisation » où figureraient, selon les mentions et réactions publiques, Washington, Tel-Aviv et régimes arabes complices. Gaza devient ainsi une zone sous occupation par procuration, vidée de sa souveraineté et dépendante d’un dispositif externe pour sa « sécurité ». Autrement dit : la sécurité d’Israël et des investisseurs primerait sur les droits et la dignité des Gazans.

Quant aux dispositions sur les prisonniers et les otages, elles sont présentées comme des concessions : libération conditionnelle, échanges calibrés, retour des restes selon des ratios. Mais ce qui est vendu comme humanitaire n’en reste pas moins une marchandisation des corps, un chantage sur les vies palestiniennes et sur le souvenir des défunts. Cette logique rappelle les pires usages coloniaux où l’humanité des colonisés devient une monnaie d’échange.

Sur le terrain politique, certains acteurs ont réagi avec prudence et scepticisme. Le Hamas a dit étudier la proposition et a exprimé une acceptation conditionnelle de certains points, notamment ceux portant sur la libération des otages, sous réserve de garanties concrètes sur le terrain. Mais accepter des étapes humanitaires ne signifie pas renoncer à l’exigence politique première : la fin de l’occupation, la levée du siège, la restitution des terres, et la reconnaissance du droit collectif palestinien à l’autodétermination.

Au plan juridique et moral, on ne peut séparer l’examen de ce plan du contexte de violences massives qui pèsent sur Gaza. Des institutions indépendantes de droits humains (Amnesty International, Human Rights Watch, et la Commission d’enquête indépendante de l’ONU) ont documenté des actes qui, pris ensemble, indiquent des violations graves du droit international et ont abouti à des conclusions publiques qualifiant la campagne israélienne de crimes graves, voire de génocide selon plusieurs rapports. Proposer une « reconstruction » sans justice, ni décollation des responsabilités, c’est inscrire la réparation dans l’impunité. Toute réhabilitation matérielle organisée dans ce cadre serait une reconstruction bâtie sur le déni et la soumission.

Analytiquement, pourquoi parler de néocolonialisme ? Trois mécanismes le prouvent ici :

  1. Désarmement comme condition politique : conditionner l’existence politique des Palestiniens à leur renoncement à la résistance revient à nier le droit de résister à l’occupation, droit reconnu dans des instruments du droit international et au cœur des récits nationaux. La criminalisation de la résistance légitime transforme la victime en accusée.
  2. Administration technocratique imposée : remplacer la souveraineté populaire par des comités d’experts internationaux (avec la participation d’anciens architectes d’interventions impérialistes) signifie confisquer le politique au profit du management. C’est la traduction moderne d’un « bienfaiteur colonial » qui sait mieux que le peuple comment se gouverner.
  3. Ouverture aux investissements comme outil de dépossession : la « reconstruction selon des standards internationaux » attire capitaux et sociétés transnationales ; elle transforme les besoins humanitaires en opportunités de marché et tend à accélérer l’accaparement des terres et des ressources. Reconstruction = privatisation.

Au-delà des mécanismes, il faut souligner l’écart entre le salvateur affiché et le projet réel : offrir la paix sans justice, la sécurité sans souveraineté, l’aide sans responsabilité correspond à une stratégie bien connue, casser toute capacité de contre-pouvoir, neutraliser les forces nationales et sociales, puis imposer une normalisation économique et politique favorable aux puissances et aux entreprises. Cette méthode a un nom, la pacification coloniale.

Que faudrait-il exiger, alors, pour qu’un plan de paix ne soit pas une nouvelle forme de dépossession ? D’abord, une cessation immédiate et incontestable du siège ; ensuite, l’accès sans entrave et sous contrôle international véritable des organisations humanitaires et judiciaires ; puis, la création d’un processus de justice pour les crimes documentés (enquêtes indépendantes, poursuites, réparations) ; enfin, l’affirmation claire du droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination, incluant la restitution des terres et la fin des politiques d’apartheid qui organisent la dépossession. Sans ces préalables, toute « reconstruction » restera un maquillage de l’injustice.

En conclusion : le plan Trump est présenté comme une solution humanitaire, mais son architecture institutionnelle et sécuritaire livre Gaza à une double tutelle, militaire et économique. Il délégitime, par des moyens techniques, la revendication politique palestinienne et la transforme en projet de gestion externalisée. Face à cela, la seule perspective durable est une paix fondée sur la justice, la fin du siège et de l’occupation, la responsabilité pour les crimes commis et la restitution de la capacité des Palestiniens à décider de leur avenir. Toute autre voie n’est qu’un ravalement d’impunité.

Tahia Falestine. Nous demeurons aux côtés du peuple palestinien : la liberté et la dignité ne se marchandent pas.

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