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Billet de blog 13 décembre 2025

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Poursuivre Netanyahu ne suffira jamais : il faut condamner le colonialisme sioniste

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Le faux confort d’une justice centrée sur un seul homme

Poursuivre Benjamin Netanyahu est une étape indispensable, un premier choc contre l’impunité. Mais c’est aussi une tentation dangereuse : celle de réduire 77 ans de dépossession et de violence structurelle à la figure d’un dirigeant. S’en tenir à ce geste, même s’il est historique, revient à dépolitiser et déshistoriciser un système qui dépasse de très loin les décisions d’un seul Premier ministre.

La justice internationale adore les visages : elle personnalise les crimes, elle simplifie les récits, elle rassure les consciences. Pourtant, le problème n’est pas seulement un ordre militaire, une opération ou une politique particulière. Le problème est un projet étatique qui, depuis 1948, organise la fragmentation du peuple palestinien, l’effacement de sa présence, la spoliation systémique de son territoire et, depuis 2023, l’exercice d’une violence déchaînée qui s’inscrit parfaitement dans la continuité historique de la Nakba, en d’autres termes un génocide. Rendre Netanyahu responsable, oui. Le laisser être l’arbre qui cache la forêt coloniale, non.

La responsabilité individuelle comme leurre moral

Lorsque les juridictions pénales internationales se concentrent exclusivement sur quelques responsables politiques, elles produisent un effet paradoxal : l’illusion de justice. La condamnation d’un dirigeant donne l’impression d’un système qui se corrige, alors même qu’il continue de se déployer. C’est un mécanisme thérapeutique pour la communauté internationale, pas une réparation pour les Palestiniens.

L’architecture même du droit pénal international contribue à ce piège : les cours jugent des individus, jamais des États. L’État colonial, l’appareil administratif, les lois de dépossession, les discriminations structurelles, les politiques d’apartheid racistes et les pratiques de déplacement forcé échappent à la logique du tribunal pénal. Punir Netanyahu ne changerait rien aux structures profondes qui ont produit, consolidé et légitimé la domination israélienne génocidaire.

Autrement dit, la justice, si elle se limite à un homme, se rend complice d’une mise en scène. Elle s’enferme dans un champ étroit, soigne son image et laisse intact ce qui doit être transformé.

Le colonialisme sioniste : un système criminel et meurtrier, pas un accident

Le colonialisme sioniste n’est pas une catégorie rhétorique mais une réalité historique, juridique et matérielle. La Nakba n’a jamais pris fin, pire elle s’est institutionnalisée. Elle s’est transformée en lois de confiscation foncière, en régimes de mobilité restreinte, en statuts juridiques différentiés, en enclaves, en checkpoints, en bantoustans, bientôt en peine de mort quasi automatique pour les prisonniers palestiniens. Elle s’est inscrite dans le droit israélien, dans les pratiques militaires, dans les discours d’État.

C’est ce système-là qui produit la barbarie qui se déchaîne depuis 2023, à Gaza et au-delà. C’est ce système-là qui rend possible l’usage de la famine et le viol comme arme, la destruction massive d’infrastructures civiles, les attaques contre des hôpitaux, les déplacements forcés de populations entières. C’est ce système-là qui façonne les mentalités politiques et militaires israéliennes, qui justifie l’injustifiable et qui transforme la violence d’État en routine bureaucratique.

Le réduire à Netanyahu, c’est accepter la falsification de l’histoire. C’est accepter que la colonisation ne soit pas jugée pour ce qu’elle est : un crime ignoble continu, une structure de domination, un projet de remplacement démographique.

Le droit international doit viser l’État et la structure coloniale

La responsabilité de l’État n’est pas un supplément optionnel : elle est l’horizon indispensable d’une justice réelle. Les procédures engagées devant la Cour internationale de Justice par pléthore d’ONG, de groupement citoyens et juristes, ont ouvert une brèche majeure : elles ont rappelé que les violations graves du droit international, génocide, apartheid, déplacement forcé, ne sont pas réductibles à des décisions individuelles. Elles engagent la conduite globale d’un État, ses institutions, ses lois, son appareil militaire et administratif.

Ce cadre permet quelque chose que les procès contre des dirigeants ne peuvent jamais accomplir : la reconnaissance du caractère systémique des crimes. Un État peut être condamné à réparer, à restituer, à démanteler des structures discriminatoires, à cesser des pratiques illégales, à garantir des droits. Là où la justice pénale arrête une personne, la justice étatique transforme un système.

Refuser d’engager la responsabilité de l’État israélien revient à masquer le caractère colonial de la violence inouïe exercée contre les Palestiniens. Cela revient à présenter 2023 comme une anomalie, alors qu’il s’agit de la conséquence directe de décennies de dépossession institutionnalisée.

L’éthique et la philosophie l’imposent : punir ne suffit pas, il faut réparer

Les approches contemporaines de la justice, justice transitionnelle, justice réparatrice, éthique décoloniale, insistent sur un point central : la punition n’est qu’un fragment de la justice. Une justice réelle exige la restitution des terres, la reconnaissance du droit au retour, la réparation matérielle et symbolique, la transformation des structures discriminatoires, la reconnaissance pleine de l’histoire et la fin des pratiques coloniales.

Sans cela, condamner Netanyahu reviendrait à laisser intactes les conditions mêmes qui ont produit la Nakba et toutes ses répliques contemporaines. Une telle justice serait un rituel vide, une punition sans transformation, une satisfaction morale sans changement politique. Elle serait la continuation du colonialisme par d’autres moyens.

Pour une justice totale : attaquer la structure, pas seulement ses exécutants

La justice à laquelle aspire le peuple palestinien ne sera jamais obtenue si l’on ne met pas le colonialisme sioniste lui-même devant la loi. Juger un homme est nécessaire. Juger l’État, le système et les pratiques coloniales est vital.

La seule voie vers une paix juste passe par la reconnaissance du caractère colonial du projet israélien, par la condamnation internationale des politiques d’apartheid, par les exigences de démantèlement législatif, par la restitution des droits fondamentaux et par un engagement international ferme pour mettre fin aux mécanismes de domination.

La justice n’est pas un geste symbolique. Elle n’est pas un procès isolé. Elle n’est pas un moment médiatique. La justice, la véritable justice, est un processus de démantèlement : démantèlement de l’impunité, démantèlement de la colonisation, démantèlement de toutes les structures qui permettent la continuité de la Nakba. Poursuivre Netanyahu est un début, faire répondre le colonialisme sioniste, lui, est l’objectif.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.