Syndicats, solidarité et luttes communes pour la vie
Le déchainement de la barbarie sioniste et son offensive génocidaire à Gaza, avec la complicité directe des puissances occidentales, leurs alliés arabes, ont exposé les piliers du système mondial en décomposition : un ordre libéral à l’agonie donc d’une terrible violence, la crise de l’hégémonie américaine, l’intégration forcée d’Israël dans le dispositif du Golfe, et la fragilité des libertés civiles partout dans le monde. Ce carnage, ce génocide, a aussi montré au monde entier le vrai visage du sionisme : un projet colonial intrinsèquement raciste et violent, soutenu par des élites prêtes à tout pour préserver leur pouvoir, que cela soit à une échelle internationale ou locale. Il a montré l’hypocrisie des pseudo-défenseurs du droit international et la servilité de nos politiques.
La violence comme garante de l’ordre mondial
La Palestine est au croisement de trois continents, à la porte du canal de Suez et d’une région riche en hydrocarbures. Ainsi, pour l’Occident capitaliste, son contrôle est vital, pire il est vu comme absolument légitime par les places financières inféodées à Washington. Israël est un pivot essentiel de cette logique : maintenir la stabilité des flux et la rentabilité du capital, quitte à anéantir un peuple entier. Deux ans de massacres retransmis en direct ont suffi à prouver que les gouvernements occidentaux n’ont pas la moindre intention de mettre fin au soutien politique, militaire et économique à Israël (à l’exception d’une minorité d’entre eux tel que l’Espagne, exemple de courage politique). Reconnaître symboliquement l’État de Palestine n’a rien coûté à ces dirigeants, tandis que les bombes, les armes et les profits continuaient à circuler à un rythme toujours plus frénétique, dans une folle descente dans l’apathie et la barbarie.
Le pouvoir des classes populaires et ouvrières
Face à cette impuissance institutionnelle, impuissance qui parfois relève tout bonnement de la lâcheté, les syndicats palestiniens nous ont clairement donné la solution : bloquer la machine de guerre israélienne à sa source. Refuser de produire, transporter ou charger les armes destinées au régime génocidaire d’Israël, interrompre les flux logistiques, boycotter les entreprises complices du siège meurtrier de Gaza qui dure depuis presque 20 ans, faire pression pour suspendre tout commerce militaire.
Quelques actions courageuses ont vu le jour, les dockers belges refusant de manipuler du fret israélien, ports fermés temporairement, blocages de convois d’armes. Mais ces gestes restent isolés. Après quarante ans de démantèlement néolibéral, le mouvement ouvrier est fragmenté, ses dirigeants souvent timorés, voire, pour certains, heureux de rester loin de tout tracas politiques.
Pourtant, là où il subsiste, il montre sa puissance. En Europe, enseignants, soignants et personnels publics se sont organisés en réseaux de solidarité. En Italie, les dockers de Gênes et les syndicats de base ont mené deux grèves générales victorieuses contre les expéditions d’armes vers Israël, entraînant même la grande centrale CGIL. Au Maroc, les dockers de Casablanca ont refusé de charger des pièces de F-35 malgré la répression du régime.
Qu’en est-il en France ?
Depuis le 7 octobre 2023, la relation entre le mouvement syndical français et la cause palestinienne a connu un sursaut, mais un sursaut encore beaucoup trop timide, à l’image d’un syndicalisme écartelé entre sa conscience politique et sa peur de rompre réellement avec l’ordre établi. Certes, plusieurs centrales (CGT, FSU, Solidaires, CFDT, UNSA) ont signé des appels communs à manifester contre le génocide à Gaza, et certains secteurs, notamment les dockers de Fos–Marseille, ont pris des initiatives courageuses en refusant de charger des cargaisons soupçonnées d’alimenter la machine génocidaire israélienne. Mais ces actions, aussi fortes symboliquement soient-elles, demeurent isolées, contenues, et rarement prolongées dans le temps. Là où les dockers italiens de Gênes ou les syndicats de base ont imposé des grèves générales paralysant durablement les flux d’armes, les organisations françaises se sont souvent arrêtées à la déclaration d’intention ou à la manifestation de week-end. Leur volonté d’agir existe, indéniablement, mais leur tiédeur face à la logique capitaliste qui soutient le colonialisme israélien trahit une peur panique d’aller jusqu’au bout de la solidarité : celle qui coûte, qui bloque, qui dérange. Tant que les directions syndicales françaises se satisferont de gestes symboliques sans chercher à enrayer concrètement les circuits du profit et du génocide, leur soutien à la Palestine, aussi sincère soit-il, restera un discours désarmé.
Transformer nos sociétés
Cependant, ces luttes, partout en Europe, indiquent la voie : la nécessité de transformer la solidarité en force matérielle. Les manifestations et pétitions, aussi massives soient-elles, ne suffisent pas. Il faut reprendre le contrôle sur la production, la logistique, les finances, les leviers réels du pouvoir. Construire des syndicats plus combatifs, démocratiser nos lieux de travail, exiger que notre travail serve la vie et non la machine génocidaire israélienne et plus largement capitaliste. Chasser les dirigeants complices, politiser nos luttes, coordonner les résistances.
Il nous faut même aller plus loin. Lorsque l’on pense aux valeurs portées par le syndicalisme en France depuis deux siècles, il devient absolument évident que nos mouvements syndicaux ne peuvent se contenter de perturber (ou vouloir perturber) le commerce des armes. En effet, devant l’ampleur du génocide en cours à Gaza, et plus largement en Palestine depuis 77 ans, il est impératif que le syndicalisme français soit à la hauteur de l’enjeu et du scandale historique que représente la Nakba. À l’instar des syndicats britanniques et irlandais au moment de la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud, nos syndicats se doivent de déployer la même force, la même ténacité, la même rigueur dans l’entrave de tout commerce avec le régime colonial et génocidaire israélien. L’économie du meurtre tout entière doit être empêchée, pas seulement la vente d’armes. C’est là l’ambition que doivent adopter les syndicats français qui voudraient être à la hauteur de l’héritage de ce mouvement et appliquer le « pas un euro pour le génocide, pas de commerce avec l’Apartheid » !
Solidarité ou libération commune
La libération palestinienne et la nôtre sont indissociables. Face à la montée de l’autoritarisme, de la haine raciste et xénophobe, au chaos climatique et à l’effondrement social, nous devons apprendre que la solidarité n’est pas un geste moral, mais une stratégie de survie partagée. Pour rendre cette solidarité réelle, il nous faut reconstruire nos outils collectifs de lutte, et frapper le système là où ça fait mal, dans ses profits.