Il y avait Flamenco. Il y a désormais Flamenco, flamenco (à voir en salles dès le 14 décembre 2011) où le metteur en scène de Noces de sang, Carmen et Tangos poursuit son oeuvre de cinéma en explorant un patrimoine musical avec des mises en espaces très particulières : les corps, les voix, les couleurs s'y déplacent à l'intérieur d'un décor qui navigue de l'abstrait à la représentation picturale traditionnelle des grandes "images" de l'Espagne. Une démarche fascinante pour l'auteur qui fut, dans les années 70, le plus célèbre cinéaste des années franquistes (La Cousine Angélique, Anne et les loups...) et de son lendemain immédiat (Cria cuervos, ou sa surprenante comédie à voir sur Universciné, Maman a cent ans).
Dans Flamenco, flamenco, une particularité : pas de scénario traditionnel. Mais une collaboration profonde, par exemple, avec le directeur de la photo, le célèbre Vittorio Storaro. !
"C’était un parti pris depuis le début, explique Carlos Saura. Introduire devant la caméra autre chose que la beauté de la musique et de la danse m’aurait paru une trahison à la pureté de cet art ! Mais nous avons utilisé avec Isidro Muñoz deux éléments narratifs originaux : un voyage au coeur de la vie du flamenco, et la lumière. On parcourt à travers la musique le cycle de la vie d’un homme : on commence avec la naissance (nana flamenca) dans la lumière puissante de l’après-midi ; l’enfance (les influences andalouses et pakistanaises des origines), dans les tons jaunes des soleils couchants ; l’adolescence dans la lumière du crépuscule et avec les palos (un genre de flamenco) les tons les plus vifs et solides.
Et progressivement, nous entrons dans l’âge adulte (le chant sérieux), dans les bleus intenses, les indigos, les violets. La zone de la “mort” (j’entends par là un espace de sérieux, d’inviolabilité et de recueillement), est pratiquement en noir et blanc, tirant vers le vert de l’espérance qui nous guide vers une nouvelle renaissance basée sur les propositions d’avenir que les jeunes interprètes nous proposent..."