Après La Mort de Dante Lazarescu, le réalisateur roumain offre avec Aurora (à voir en salles depuis mercredi) une expérience de cinéma au moins aussi forte, proprement exceptionnelle. Se déroulant pourtant au fil d'un quotidien (presque) "sans histoire", le film révèle peu à peu l'ordinaire humiliation d'un homme tout aussi ordinaire. Jusqu'à l'instant où le monde bascule parce que...
...l'homme prend sa revanche sur une vie qui ne cesse de le blesser et qu'il passe à l'acte, franchissant le tabou absolu : prendre à son tour la vie d'un autre, en tuant.
Mais à quel moment, exactement, un homme devient-il un criminel ? Le film se clôt sur une séquence magnifique où le spectateur, ayant partagé l'intimité du héros, ressent l'étiquetage de son acte par ceux qui veulent comprendre, classer et justifier, comme un acte presque aussi criminel et inhumain. Cristi Puiu, qui interprète également le rôle principal, nous raconte comment il a placé son film sur cet axe unique — sombre mystère : le coeur de l'homme. Et Aurora ressemble alors à une odyssée intérieure.
Dans une deuxième interview, Cristi Puiu évoque des films qu'il aime particulièrement à voir sur Universciné : Nuages de mai, de Nuri Bilge Ceylan ("parce qu'on y sent le vent qui traverse l'écran..."), A bout de souffle de Godard ou les films de Buñuel ou de Jean-Pierre et Luc Dardenne ("parce qu'on se demande jusqu'où le cinéma peut aller dans la liberté") ou encore les Portraits d'Alain Cavalier ("parce qu'il ne s'agit de regarder des rencontres filmées... mais de participer à ces rencontres..")