Sélectionné à la Semaine de la Critique, La Sirga (en salles depuis le 24 avril) nous emmène dans La Cocha, lagune au sud-ouest de la Colombie que la mort semble enserrer jour après jour avec plus de détermination. Son réalisateur nous parle de la guerre, hors-champ, tapie dans les herbes hautes, et d'un au-delà de l'image que les symboles sont là pour nous rappeler.
Alicia, rescapée d'un massacre dont on ne saura pas grand'chose (elle y a perdu les siens, la maison a été incendiée) tente de se reconstruire. En même temps qu'elle, c'est l'auberge de son oncle dans laquelle elle a trouvé refuge (la Sirga du titre) qu'elle remet en état. Clous, verni et géraniums.
Pendant que la vie s'écoule, qu'un vent tenace ride l'eau et que deux jeunes hommes tournent autour de la jeune fille, une guerre fait rage ailleurs, derrière la montagne, qui ne tardera sans doute pas à déferler sur l'auberge. Le premier long-métrage de William Vega semble une corde tendue (corde se dit sirga, en espagnol) sur laquelle marche Alicia : pour l'instant tout va bien, plus dure sera la chute.
La peinture habite William Vega, ses plans semblent signés Georges de La Tour, Rembrandt, Heda, Chardin... Natures mortes et clairs-obscurs jalonnent La Sirga comme pour annoncer les drames à venir ou ceux qui se jouent là, hors-champ. Une manière de convoquer l'invisible, auquel se doit le cinéma, nous rappele le réalisateur, contre l'hypervisiblité, qui est la signature de la publicité et de la télévision.
Pierre Crézé