Commencez votre année cinéphile 2012 du bon pied : partez à La Chasse (Jakten, 1959). Le Ciné Cubi Klub Malavida (tous les premiers jeudis du mois à 20h, à l'Action Christine, Paris 6e) vous propose de découvrir cet inédit signé Erik Løchen, suivi, la semaine suivante, même heure-même lieu, d'un autre de ses films Objection (Motforestilling, 1972).
"Projections rares pour ciné club festif" annonce la Malavida Team... On est effectivement bluffé à la vision de cette énième variation sur une femme partagée entre deux hommes par la mise en scène audacieuse du cinéaste norvégien. D'une part, la beauté de certains plans en noir et blanc évoquent le Bergman des premiers classiques, avec ce rapprochement de paysages nus, à la fois beaux et tourmentés (ceux où se déroulent la partie de chasse) et l'intimité brusque de visages qui livrent une part de leurs désirs et de leurs secrets. D'autre part, le cinéaste joue avec une distanciation (très nouvelle vague ? le surnomme-t-on pour cela le "Godard nordique" ?) qui arrache le film au naturalisme ou à la psychologie trop plombée pour inclure le spectateur dans le déroulement de l'intrigue. Un narrateur invisible, un enquêteur, un confesseur, un ami... parfois, parle. Et les personnages lui parlent. Le cinéma surgit alors au coeur de l'histoire d'amour et de pulsions frustrées. Les héros fixent la caméra. Le narrateur invisible, l'enquêteur, le confesseur, l'ami... c'est nous. La caméra aussi. Et tous les personnages aussi. Chassez le cinéma, il revient au galop.
Philippe Piazzo