A Brignoles, la municipalité de gauche a été élue en 2008 aux élections municipales, avec à sa tête Claude Gilardo, communiste engagé depuis toujours, conseiller général depuis 1998, et attaché au développement de sa ville natale.
La petite ville conservatrice, sous préfecture viticole, un temps prospère grâce à l'exploitation des mines de bauxite, a manqué dans les années 1980, sa reconversion quand les mines ont cessé d'être exploitées, laissant à la ville des souvenirs et des illusions. Depuis, municipalités de droite et de gauche ont successivement été mandatées puis rejetées, en un mouvement de balancier signant sans doute là un refus de croitre, de changer de peau, un refus de modernité.
Et voila qu'idéalement positionnée au cœur d'un territoire d'avenir, la Provence Verte, la ville connait depuis dix ans une croissance démographique et économique sans précédent. Longtemps boudée par les fées, elle pouvait commencer à croire en son destin.
Sauf que la belle endormie s'était trop vite réveillée : spéculation foncière à «la varoise», manque de visée prospective de la part de la précédente municipalité de droite libérale, acculturation de populations nouvelles et contrastées - retraités attirés par le soleil, migrants du Sud en quête de survie économique - beaucoup, qui sont venus « manger le soleil » se retrouvent en mal de racines ...
La crise est passée par là, paupérisant une partie de la population, et renfermant les habitants des quartiers résidentiels, vieux brignolais et nouveaux venus, dans la défiance vis-à-vis de leurs élus, dans le sentiment d'insécurité, fruit de l'évolution de la ville vers une rurbanité porteuse de trop de changements en si peu de temps.
Au soir du premier tour de ces élections cantonales, ne sont restés en lice que le Maire conseiller général sortant, et le candidat du Front National, personnage à la stature politique fort peu consistante et d'un charisme assez proche de notre Ugolin pagnolesque, les interviews qui ont suivi son élection en témoignent. Elu par cinq petites voix d'avance....
Le candidat de l'UMP, déjà défait aux municipales de 2008, n'avait quant à lui, pas pu se maintenir au deuxième tour, victime de la règle des 12,5% votée par la majorité nationale UMP pour éviter les triangulaires. Triste ironie du sort pour ce trentenaire intérieurement investi de la mission quasi mystique de bouter le communisme hors du Centre var.
Un examen attentif des résultats du scrutin permet de tirer des conclusions éclatantes : si Hubert Falco, le « patron » du Var, ancien ministre, a bien appelé à un vote républicain, le message n'est pas passé localement : les électeurs du candidat UMP malchanceux se sont soit abstenus ou voté blanc, paix à leur âme, soit ont massivement reporté leurs suffrages sur le candidat frontiste.
Aujourd'hui, dans les rues de Brignoles mouillées de pluie, personne n'a voté pour le Front. Dans cette petite ville, le vote frontiste se chuchote plus qu'il ne se proclame, encore empreint de relents de transgression. Mais la barrière est franchie, il n'y aura plus de retour en arrière. La droite locale est « décomplexée », prête à tout pour reprendre ce qui n'aurait jamais du lui échapper. Et ce, même au prix du déshonneur, acceptant, pour arriver à ses fins, d'entacher pour longtemps cette petite ville d'une image pas vraiment valorisante. Elle qui avait juste besoin d'attirer les investisseurs pour se développer harmonieusement...
Ma colère est plus forte que la honte que j'ai ressentie hier soir, au terme du décompte des voix. Colère contre ce coup de frein à l'espoir. Honte pour nous d'être exposés comme une infamie sur la carte de France.
Sans doute, les investissements de la nouvelle municipalité ne vont pas assez vite, trois ans pour réparer les plaies de l'acculturation et des carences éducatives, trois ans pour rattraper les retards en équipements de la Ville, trois ans pour construire un réseau de transports local, c'est trop peu pour les administrations, c'est énorme pour des habitants qui vivent la crise et la peur du déclassement tous les matins.
Alors quand la maison du voisin est cambriolée, quand des poubelles brûlent, quand des jeunes « pas d'ici » tiennent les murs du centre ville et apostrophent le passant, quand le tissu commercial du centre ville se corrompt, quand la médiacratie alimente les peurs en boucle, de chaine en chaine, la solution de facilité vous est suggérée par des politiques sans âme : votez comme vous crachez, vous verrez, ça soulage. Et c'est comme ça que depuis hier soir, à Brignoles on a « la honte sur nous » !