va2dotho
Abonné·e de Mediapart

2 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 juin 2022

va2dotho
Abonné·e de Mediapart

Climat : « réchauffement », « changements » ou « dérèglement » ?

Avec une constance remarquable, la presse, les associations et les milieux politiques emploient maintenant l’expression « dérèglement climatique » là où les scientifiques s’en tiennent à « réchauffement global » et « changements climatiques ». Tentative de clarification.

va2dotho
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

"Dérèglement climatique." L'expression connaît un succès incroyable. Malgré tout, cherchez bien, elle est absente des rapports du GIEC, qui font autorité en matière de changements climatiques, et des publications officielles, qui en dérivent directement. Les expressions employées par les scientifiques, de manière exclusive, sont "réchauffement global" et "changements climatiques". De fait, elles décrivent bien le phénomène auquel nous assistons. Et même si le changement du climat ne se résume pas à un réchauffement, toutes ses manifestations - canicules, mais aussi perturbations du cycle de l'eau, phénomènes extrêmes... - sont des conséquences de l'élévation de la température moyenne à la surface de la Terre.

On peut hasarder une explication à ce qu’il faut bien appeler une dérive sémantique. « Changement », « réchauffement », c’est factuel, ça ne parle pas, ça ne dit pas que c’est mal ! C’est mou, abstrait, et donc peu impliquant pour le citoyen. Cela ne dit rien des catastrophes qui nous tombent dessus à un rythme accéléré. Bref, c’est peu vendeur du point de vue des journalistes, et peu mobilisateur pour les ONG militantes. Avec « dérèglement », en revanche, pas de doute, on comprend que quelque chose ne va pas. Le problème, c’est que c’est faux !

Prenons l’exemple d’une autre machine thermique (le climat en est une) : la voiture. Si vous appuyez sur l’accélérateur, la voiture va aller plus vite car vous envoyez plus d’essence dans le moteur. Si vous levez le pied, la voiture ralentit. Elle n’est en aucun cas dérèglée. Avec le climat, plus on rejette de CO2 dans l’atmosphère et plus celle-ci se réchauffe du fait de l’augmentation de l’effet de serre. Si on arrivait à rejeter moins de gaz à effet de serre, le réchauffement ralentirait. Le climat n’est pas dérèglé, il répond parfaitement à nos coups d’accélérateur ! Dans ce cas, l’accélérateur prend la forme des différents « forçages » du climat sur lesquels nous exerçons une pression. Les rejets de CO2 constituent le plus important de ces forçages.

Bon, avouons-le, comme pour beaucoup d’autres combats sémantiques, celui-ci est désespéré. Mais rappelons une fois de plus ce qu’a écrit Albert Camus dans « Sur une philosophie de l'expression » (1944) : « L'idée profonde de Parain [penseur ami de Camus] est une idée d'honnêteté : la critique du langage ne peut éluder ce fait que nos paroles nous engagent et que nous devons leur être fidèles. Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde. »

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte