C’est là un triste tableau, qui peut (et doit) engendrer certaines inquiétudes pour l’avenir de ces enfants et de la société française en générale. Comment ces enfants qui peinent à développer leurs capacités, à acquérir une autonomie et à se construire en tant qu’individus responsables pourront-ils être des citoyens actifs et engagés dans la société de demain ?
Le problème, semble-t-il, commence dès l’école primaire. Le boom actuel des écoles dites « alternatives » prouve, s’il en était besoin, que l’école traditionnelle est en crise. Entre autoritarisme et excès de « bienveillance », les enseignants, dont un nombre croissant ne sont pas formés (non pas mal formés, mais bien pas formés), peinent à adopter une posture qui permette l’épanouissement des élèves (et de leurs professeurs). L’école primaire a également été le lieu de querelles sur les méthodes d’apprentissage de la lecture, entre méthode syllabique (le classique B-A = BA) et la méthode globale, qui selon bon nombre de psychologues, a eu pour conséquence le développement considérable de la dyslexie chez les enfants (par exemple Arielle Adda). Il revient par la suite aux professeurs du secondaire de gérer l’ensemble des élèves au « problèmes spécifiques » (dyslexiques, dyspraxiques, dysphasiques, troubles autistiques, troubles des apprentissages, décrocheurs...) grâce à une pédagogie différenciée dans le cadre de classes de trente élèves et d’établissement n’ayant en aucune façon les moyens de mettre en place cette même pédagogie. Les enseignants se retrouvent donc devant des classes au niveau de plus en plus hétérogènes sur les plans social, culturel et intellectuel, devant donc la nécessité, en effet, d’adapter leur pédagogie, tout en n’ayant pas les moyens de la mettre en application. Cette situation est tout bonnement intenable pour toute personne ayant la réelle volonté de s’investir dans son métier et d’aider, autant que possible, les jeunes qui lui sont confiés. Ces élèves, trop nombreux, ne peuvent pas profiter de la diversité qu’ils représentent : cette diversité nuit au travail, aux apprentissages et devient un poids alors qu’elle pourrait être un formidable levier de savoirs. Les élèves, contraints à rester assis pendant des heures à tenter de capter les informations transmises par un enseignant épuisé et débordé, ne trouvent plus d’intérêt à aller à l’école, ils ne trouvent plus de sens à ce lieu qui devrait être un espace de partage et de développement.
Les problèmes sont nombreux et ne pourront être réglés d’un coup. Une première proposition que l’on pourrait faire est celle d’une véritable réforme du rythme scolaire dans l’enseignement secondaire. En effet, les élèves qui, rappelons-le, sont des enfants, ne sont pas (ou plus) capables de suivre sept heures de cours en une journée, dans des matières différentes, enseignées par des professeurs différents, dans des classes différentes. Cette accumulation d’heures nuit aux apprentissages. Les collègues expérimentés conseillent d’adapter l’enseignement et de proposer des activités plus « ludiques », plus « faciles », l’après-midi lorsque les enfants sont manifestement épuisés. A quoi sert cette adaptation ? Elle empêche d’approfondir les objets du programme et n’a aucun réel apport pour l’élève en termes de connaissances ou de « compétences » (comme on dit maintenant). Concrètement, après le déjeuner, les élèves sont fatigués des cours du matin, ont encore plus de mal à se concentrer, à rester calme, à écouter le professeur ou à s’écouter entre eux.
Parallèlement, les cours sont constamment perturbés par des interventions extérieures diverses qui font désormais partie de la scolarité des élèves : ASSR, visites médicales obligatoires, interventions du Conseil Municipal Junior, intervention concernant le droit à l’image... Ces perturbations constantes ont pour conséquence le développement chez les élèves de l’idée selon laquelle ces cours ne sont pas si importants, puisqu’ils peuvent être annulés, tout ou partie, de manière récurrente. Les cours doivent retrouver un sens, une symbolique : une heure de cours est une heure pendant laquelle l’enseignant accueille les élèves dans sa classe pour un moment de partage de connaissances, d’apprentissage actif durant lequel le professeur a un rôle de guide, qui doit être respecté.
Dans ce contexte, la proposition est la suivante : proposer lors des heures de la matinée des cours dans les matières habituelles (français, mathématiques, histoire, sciences, etc.) qui doivent AVOIR LIEU sauf cas de force majeure (maladie, fermeture de l’établissement pour raisons de sécurité...), par exemple de 8h30 à 12h30. L’après-midi, des activités encadrées par le collège et obligatoires seront proposées aux élèves : atelier théâtre, atelier d’écriture, soutien aux élèves en difficultés, atelier de botanique (création d’un potager...), sport, activités créatives... Les représentations, spectacles et sorties scolaires se dérouleront également, dans la mesure du possible pendant ces heures, ainsi que toutes les interventions extérieures. Les horaires pourraient être par exemple fixés de 13h30 à 16h30.
Parallèlement, il pourrait être bon de s’interroger sur le bienfait des coupures longues et fréquentes provoquées par les vacances scolaires. Ne pourrait-on pas proposer, si ce rythme scolaire plus adapté au rythme biologique des enfants était appliqué, des vacances scolaires de la Toussaint réduites à une semaine, de même que celles de février ? Les enfants ont-ils besoin de deux mois complets de vacances d’été, alors que leurs parents n’ont bien souvent que deux ou trois semaines de libres ? La rentrée des classes pourrait, semble-t-il, être avancée à la mi-août. Ainsi, la continuité dans les apprentissages serait pus forte et permettrait un approfondissement des connaissances.
Les réformes ont toutes des conséquences positives et négatives sur nos vies en tant qu’individus. Essayons de penser au-delà de notre propre personne et du changement d’habitudes que ces transformations peuvent engendrées : il en est de l’avenir de ces jeunes, désoeuvrés et déjà lassés avant d’avoir rien connu.