Suite à une pause d'environ trois mois, me voici de retour sur mon blog. Je préviens d'emblée mon lectorat : je n'ai pas pour intention de célébrer le sixième anniversaire de l'acquittement général des six derniers accusés du dossier Outreau par la Cour d'Appel de Paris (il ne manquerait plus que ça, tiens).
Ce qui est probable, c'est que deux des acquittés ne feront pas la fiesta aujourd'hui, compte tenu de leurs derniers soucis relatés par l'hebdomadaire La Semaine dans le Boulonnais sous la plume de Sylvia Flahaut : « Depuis lundi, Sandrine, Franck, Laurent et Jérôme Lavier, ainsi que Renaud Valence [le compagnon d'Aurore Beaumont, fille de Sandrine Lavier], mis en cause en mai dernier pour une affaire de corruption de mineurs, sont convoqués au commissariat central de Boulogne, afin d'y être entendus pour de nouveaux faits de même nature. [...] La découverte de nouveaux fichiers numériques est à l'origine de cette vague d'auditions. Dans le cadre de la dernière enquête de police pour corruption de mineurs, les ordinateurs et supports numériques des six mis en cause avaient en effet été saisis. Le matériel informatique, analysé par la direction inter régionale de la police judiciaire, a livré de nombreuses photos et vidéos, faisant état d'autres faits s'apparentant à de la corruption de mineurs. » (1) En clair : des soirées bien arrosées et dénudées en présence d'enfants...
L'audience du 26 janvier 2012 devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer nous permettra sans doute d'en savoir davantage sur le contenu de ces fichiers. En attendant, qu'il me soit permis d'effectuer une petite piqûre de rappel. On a beaucoup dit, non sans quelque raison, que les éléments matériels faisaient défaut dans ce dossier. Lors de son réquisitoire d'acquittement général du 30 novembre 2005, Yves Jannier n'avait pas manqué d'observer qu'il avait été impossible de trouver des preuves, compte tenu du fait que, au moment de leur arrestation en février 2001, les Delay savaient déjà qu'ils étaient soupçonnés d'agressions sexuelles sur leurs fils. Dans le PV de perquisition au domicile de Thierry Delay du capitaine de police Didier Wallet (20 février 2001, 14h10, Cote D 89), il est fait état d'une cassette vidéo portant l'inscription « TXM » (comprendre : Thierry X Myriam ?) montrant des ébats du couple et placée sous scellé N° 9 - le PV ne précise pas qu'un des fils assistait à la scène - ainsi que de 139 cassettes pornographiques (scellés N° 11 à 18). Mais de vidéo à caractère pédophile, point.
Ce qu'on sait moins, c'est qu'il figure dans le dossier un film en super 8 appartenant à un des condamnés définitifs du procès de Saint-Omer, placé sous scellé N° 4 et analysé par Denis P., ingénieur en fonction au Laboratoire d'Analyse et de Traitement de Signal d'Ecully (Rhône), dans son rapport d'expertise daté du 4 mars 2002 et enregistré sous la cote D 1382. Voici ce qu'on peut lire aux pages 15-16 dudit rapport : « La durée de ce film est de 10 minutes. La première scène (quelques secondes) montre un garçon d'une dizaine d'années en train de se toucher le sexe au-dessus de la cuvette des WC. La scène suivante montre deux garçons entièrement nus et d'une dizaine d'années en train de se caresser, de se lécher ou de se masturber sur un lit. La dernière scène montre un garçon se masturbant et se trémoussant nu sur un lit. » Précision de l'expert (p. 16) : « d'après les éléments environnants des scènes (tapisseries, objets, mobiliers) et la coupe de cheveux des personnages, ces enregistrements semblent dater d'au moins vingt ans. »
Certes, il ressort de cette expertise qu'aucun des enfants victimes de cette affaire n'apparaissait dans cette bande, manifestement très ancienne. Malgré tout, cela fait froid dans le dos, et nous montre une fois encore que le dossier criminel « Delay et autres » n'était pas aussi vide que cela. Et j'en viens à regretter, tel M. Jannier, que les arrestations ne soient pas intervenues plus tôt. Les enquêteurs auraient peut-être pu trouver davantage d'éléments. Et le dossier n'aurait pas cette image partielle et faussée qu'on lui donne bien trop souvent... même si les déboires judiciaires des Lavier devraient quand même amener certains à revoir quelque peu leur jugement ! A suivre...
(1) Consultable ici :