« Dix-huit personnes, dont un huissier et un prêtre-ouvrier, sont accusées d’avoir, depuis 1995, violé, voire torturé, quatre enfants, dans un quartier populaire d’Outreau (Pas-de-Calais). Menée au pas de charge par le jeune juge Burgaud, l’instruction déclare les accusés coupables. »
Voici que ce nous pouvons lire dans un hors série du Figaro paru en décembre dernier – et fort intéressant du reste – consacré aux grands procès de l’Histoire de France, de l’affaire Dreyfus à nos jours, et essentiellement basé sur les archives du quotidien. (1)
Peu importe, visiblement, les enfants parties civiles dans ce dossier extérieurs à la fratrie Delay/ Badaoui, complètement occultés dans la présentation de l’affaire. Peu importe également que ce n’est pas l’instruction de M. Fabrice Burgaud – fruit d’un travail de moine d’un an et demi (février 2001/août 2002) – qui a « déclaré les accusés coupables », tout simplement parce que ce n’est pas le rôle d’un magistrat instructeur, le sien étant d’évaluer si les charges contre X ou Y sont suffisantes pour qu’il y ait jugement. Maladresse du Figaro ou volonté de vilipender une instruction souvent présentée comme ayant été exclusivement à charge ?
Manifestement, concernant le travail de réinformation sur le dossier Outreau, il y a encore du boulot – passez-moi l’expression. Et ce n’est pas tout. Même si le torpillage médiatique en faveur du film Présumé coupable a baissé d’un cran depuis l’an dernier, sachez, chers lecteurs et lectrices, que la FNAC de la rue de Rennes (Paris VIe) organise une rencontre avec Philippe Torreton et Vincent Garenq le 1er février prochain, à l’occasion de la sortie en DVD et Blue-Ray de cet immortel chef-d’œuvre, épinglé par mes soins ici même. (2) Mieux (ou pire) encore : d’après une source officieuse, des classes de Terminale de Saint-Omer et de Béthune ont été emmenées dans les salles obscures pour voir le film susnommé. (3)
Ceci dit, il y a parfois de bonnes nouvelles. Il est réconfortant d’apprendre que l’ONG Innocence en Danger organise une projection en avant-première du documentaire Outreau, l’autre vérité, le 18 janvier prochain à 20h00 (Salle du Sénéchal, 17 rue Rémusat 31 000 Toulouse / Métro Ligne A sortie Capitole). Suite à ladite projection, un débat aura lieu en présence du journaliste et réalisateur Serge Garde, de la psychologue clinicienne Marie-Christine Gryson – qui, rappelons-le, a publié en octobre 2009 Outreau la vérité abusée 12 enfants reconnus victimes aux éditions Hugo & Cie – et du producteur du film, Bernard de la Villardière.
Sur le douloureux problème de la pédocriminalité, Serge Garde est ce qu’il est convenu d’appeler un vétéran : déjà en 1986, il pistait les « voleurs d’innocence » sur le réseau télématique. (4) C’est dire que j’attends avec impatience de visionner son travail hétérodoxe sur le dossier Outreau, qui permettra sans doute un rééquilibrage face à l’indécente campagne en faveur de l’œuvre de Vincent Garenq, et à la présentation habituelle, tant partiale que partielle, de cette affaire sordide.
PS : Pour plus d’informations sur la projection du 18 janvier :
http://www.ied-toulouse.org/pages/50/index.php?actualite=1085
PS (bis) : Bonne Année 2012 et meilleurs vœux aux lecteurs et lectrices de mon blog !
(1) « Outreau Le triomphe de la vérité, mais à quel prix… » Le Figaro Documents Au cœur des grands procès de l’Histoire, N° 22 H, décembre 2011, p. 99.
(2) Critique du film consultable ici :
(3) Cette méthode consistant à présenter à la jeunesse une vision faussée d’un dossier criminel n’est pas chose nouvelle. En 1982, dans le Manuel de grammaire et pratique de la langue française pour les 3èmes de collège signé Jean-Luc Billon et Hubert Gaborieau, figurait un texte extrait du Pull-over rouge de Gilles Perrault (Paris, Ramsay, 1978) le fameux ouvrage distillant le doute sur la culpabilité de Christian Ranucci, le meurtrier de la petite Marie Dolorès Rambla guillotiné le 28 juillet 1976.
Pour en savoir plus, lisez ce billet de Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde :
http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/2008/10/17/r-comme-rambla-r-comme-ranucci/
(4) On consultera avec intérêt son livre L’industrie du sexe (Paris, Messidor, 1987, p. 161-164).