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Startup Mirror - Episode 1 : Le Black Friday des freelances : -50% sur les tarifs de vos freelances préférés
Cela faisait des années que les plateformes de contractualisation de freelance sortaient des infographies, des études statistiques et des études comparatives avec les Etats-Unis pour démontrer que le travail indépendant est une évolution logique et structurelle de la société. Leur pari est réussi, aujourd’hui, 50% des travailleurs sont freelances et cela représente 99% des emplois créés depuis 4 ans (1) ! Retour sur l’histoire d’un succès commercial.
La « perte de sens », le « besoin de liberté dans sa manière d’organiser le travail », ou « mieux gagner sa vie », voilà quelques unes des raisons pour lesquelles les 25-35 ans se sont engouffrés sur ces plateformes. Une autre raison évidente : les « têtes de gondole » comme on les appelle dans le milieu. C’est un petit nombre d’influenceurs, chouchous des plateformes, qui avec leurs billets de blog et leurs phrases d’accroche tapageuses du genre : « vivre libre, vivre freelance » ou encore « everyone can be a freelance », représente une publicité presque parfaite dans un monde où l’on consulte des avis pour tout ce que l’on consomme. Et personne ne leur a demandé d’écrire quoi que ce soit, ils ne sont pas payés pour le faire, ils le font de leur propre chef, prêchant pour leur paroisse. Amen.
Ces plateformes fonctionnent un peu comme Amazon : chaque freelance est noté, classé, recommandé, sa disponibilité en stock est indiquée et un descriptif produit y est accolé. Et comme sur Amazon on ajoute son « freelance préféré » à son panier. Ultime raison du succès, elles représentent le plus gros pourvoyeur d’emplois chez les jeunes diplômés, assurant une paix sociale largement saluée et encouragée par la classe politique. Sauf que depuis quelques années, tout s’est emballé.
1. Les photos « business friendly »
Après des levées de fonds records, les plateformes se sont données comme objectif de rendre le plus attractif possible ses freelances. Ainsi la mission « let’s make our freelance sexy again » était lancée. Les CEO, CFO et autres dénominations en trois lettres partaient du principe qu’il fallait en premier lieu donner envie à leurs clients, après tout, des humains comme les autres. Alors il y a deux ans, ils ont embauché deux cents photographes qui sont allés sillonner la France pour prendre en photo leurs freelances et les rendre un peu plus « happy business » compatibles. Tous les photographes étaient contractualisés via les plateformes elles-mêmes, par soucis d’économie.
2. Le Black Friday

Au départ, servant simplement à contractualiser un travail temporaire pour les cadres, les plateformes sont rapidement devenues l’unique interface entre les freelances et les entreprises, s’assurant ainsi le monopole du canal de diffusion et de distribution des offres de missions. De plus, l’augmentation massive du nombre de freelances a eu pour conséquence la baisse généralisée des tarifs et la généralisation des statuts à faibles cotisations sociales.
« ça faisait des années que l’on nous disait que l’on aurait pas le droit à la retraite alors à quoi bon cotiser ? » Maxime B., 24 ans, graphiste, pas vraiment convaincu qu’il sera un jour à la retraite.
On trouve des tarifs à partir de 12 euros de l’heure. Il y a aussi ce que l’on appelle les « tarif de supermarché » :139 euros la journée, 199 euros, 299 euros. Et depuis peu, on voit surgir l’expression FAAS, Freelance As A Service, décrit par les experts comme le futur du travail. Expression qui fait référence au logiciel en mode SAAS, Software As A Service.
C’est pour ces raisons que chaque année toutes les plateformes de contractualisation de freelance, Balte et consorts, ont pu organiser de concert « le Black Friday des freelances », le BFF. 50% sur tous les tarifs sauf pour quelques privilégiés : « les têtes de gondole », évidemment.
Pour l’occasion, quelques mois avant le Black Friday, chacun reçoit les Conditions Générales d’Utilisation de la plateforme, et comme toutes CGU qui se respectent, elles sont tellement longues que personne ne les lit, ou presque. Pourtant, le contenu vaut le détour. Voilà les quelques lignes des CGU qu’il ne faut pas louper :

Les conséquences de ce Black Friday ont été sévères pour beaucoup. Un à deux mois avant, plus aucune entreprise ne propose de mission, attendant impatiemment les soldes d’hiver.
3. Le Black Friday vu de l’intérieur.

L’an passé, je travaillais dans une grande banque le mois précédant le Black Friday. Alors j’imagine que chaque année c’est la même chose : ça fourmille de partout, les managers sont tout excités, ils demandent à leurs équipes de remplir le dossier BF-OB200 (Black Friday OBjectif 200) pour faire l’état des lieux des besoins en ressources (humaines).
Et le téléphone n’arrête pas de sonner. Au bout du fil, les commerciaux des plateformes qui appellent pour demander à quel « Pack Premium » veulent souscrire les managers. Il y a 3 offres. Plus t’en prends, moins tu paies.
1. Le Pack « particulier » : 1 freelances à -50% pour des missions allant de 1 à 3 jours, gratuit.
2. Le Pack « startup » : Jusqu’à 10 freelances à -50% pour des missions allant de 1 à 2 semaines, prix non communiqué.
3. Le Pack « Sérénité » : Jusqu’à 200 freelances à -50% pour des missions allant de 1 à 4 mois, prix non communiqué.
Selon les derniers chiffres établis par l’Office Nationale du Travail Indépendant, 23% du chiffre d’affaires des plateformes a été réalisé l’an passé ce vendredi noir. (2)
4. Trois étoiles sinon rien.
Les freelances n’ont pas intérêt à louper leurs missions même si elles sont « discounts ». Parce qu’en retour ils seront notés par les entreprises qui peuvent être très dures. Et si tel est le cas la sanction est quasi immédiate. En cas de note inférieure à 3 étoiles, l’algorithme de recommandation vous supprime purement et simplement de sa base de données pour deux semaines et vous recevez chaque jour un mail pour vous expliquer comment devenir une meilleure version de vous-même, avec l’obligation de faire chaque jour les exercices de « soft skills improvement » sous peine de ne plus jamais avoir de mission.
Alors parfois la pression monte pour terminer un projet en quatre mois quand il en faudrait six. Un chantage dit des « 3 étoiles » se met en place.
« Si tu veux une note d’au moins 3 étoiles, il va falloir le terminer ce projet, même si tu dois y passer 90 heures par semaine ! ». Et c’est ce qu’il se passe.
C’est sans doute pour cette raison que la seconde édition du BF a aussi annoncé la naissance de l’association « stop burning out humans » parce qu’entre 20 à 50% (3) des graphistes, codeurs, community managers et autres finissaient en burn-out. Incapables de bouger pendant des semaines, comme animés de la nécessité d’une respiration après ces 4 mois de travail si intense. Les statistiques restent cependant très imprécises car personne n’étudie tellement le sujet depuis que la plupart des journalistes transitent également par ces plateformes. Mais pas de panique, avec 70% des jeunes diplômés s’inscrivant sur ces plateformes après leur école, la main-d’oeuvre flexible prête à s’épuiser ne risque pas de manquer !
5. « Je vous ai compris ! »

Pendant trois ans, j’ai été une de ces « têtes de gondole », écrivant avec joie tous les bénéfices de cette nouvelle répartition du travail dès ces débuts. Maintenant repenti, je suis parti vivre dans le calme des tropiques, où de loin, je regarde ces jeunes en quête d’émancipation et constatant l’illusion de leur libération. Libre de travailler 48 heures par semaine, libre de prendre deux semaines de congé par an, libre d’espérer peut-être un jour, prendre leur part de bonheur.
>>>>> Le prochain BBF, Black Friday des Freelances, aura lieu le 23 février 2021. Réservez vite vos Packs Premium pour accéder à la vente privée et poser des options sur vos freelances préférés ! <<<<<
Production IronFlix - Startup Mirror - prochain épisode : La Startup Academie
(1) Etude de l'Office Nationale du Travail Indépendant, publiée le 7 janvier 2021.
(2) Etude datant de novembre 2020
(3) Etude faite à la louche par un étudiant en première année de sociologie