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Étudiant en maîtrise de sociologie, travail de mémoire sur le capitalisme comme structure sociale

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Billet de blog 18 octobre 2023

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Un macabre 50ème anniversaire d'Octobre 1973 - Approche sociologique et militante (2)

Cet article en deux parties traite de la guerre ouverte Israël-Palestine débutée le 7 octobre 2023. La première partie "L'hégémonie du bloc capitaliste de l'ouest" examine le traitement médiatique de la guerre, la seconde "Il faut que ça cesse" explore les futurs possibles et imaginaires.

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Partie 2 : Il faut que ça cesse

3. Tentative de prédiction du futur à partir de la situation actuelle

Les différentes parties prenantes poursuivent un chemin militaire, et les actions de l’armée israéliennes montrent au minimum un mépris dramatique pour les vies palestiniennes. Le 15 octobre, des avions israéliens ont fait pleuvoir des pamphlets sur la partie nord de la bande de Gaza. Les pamphlets ordonnaient aux civils palestien.nes d’« évacuer » la zone en passant par les deux routes principales reliant les villes de la partie nord (Beit Hanoun, Gaza city) au villes du sud (Khan Younis, Rafah). Du 15 au 17 octobre, les bombes israéliennes sont abondamment tombées sur les parties nord et sud de Gaza ainsi que sur les deux routes désignées par les pamphlets. Espérons, je croise les doigts, que le premier ministre israélien Netanyahu ne soit pas si sanguinaire et orgueilleux que j’en ai peur. Disons qu’il ne va pas « éradiquer » ces « animaux humains » dans le but de « changer l’histoire »1. Admettons qu’il ne tue pas l’intégralité de la population palestinienne dans la bande de Gaza avec le soutien inconditionnel des États-Unis et de l’Union Européenne. Je me pose une question. Que va-t-il se passer, alors ?

Les enfants et adolescent.es survivant.es à Gaza vont grandir. Une génération traumatisée par au moins dix jours de terreur et de massacre, dans un contexte historique d’agression continue2 où l’âge des enfants est exprimé en nombre de guerres qu’iels ont vécues, dans un contexte politique d’autoritarisme d’un parti religieux intégriste et guerrier, dans un contexte social et culturel de résistance à l’occupation. Est-ce-que quiconque pense que cette génération ne va pas devenir encore plus vengeresse ? Une journaliste palestinienne commente amèrement le shadow ban sur Twitter : « Vos images choquantes, c’est mon quotidien ». Pour l’instant, les missiles du Hamas ne sont pas très puissants et sont en majorité interceptés par le dôme de fer (le système de défense aérienne de Tsahal), faisant sonner les alarmes et forçant les gens à courir se protéger dans des abris anti-aériens. Qu’en sera-t-il dans vingt ans, dans un contexte de raréfaction des matériaux fossiles, de relance de l’économie par l’industrie de guerre, d’organisation des pays arabes autour d’un adversaire commun3, de développement de brigades armées autonomes en Cisjordanie occupée ? Est-ce-qu’Israël sera plus en sécurité ? Que fera-t-elle, alors, pour « se défendre » ?

Combien de morts, encore ? Si l’ONU et les ONG élèvent la voix, rien ne se passe concrètement. À l’aide de promesses vides de sens, de pirouettes de langue de bois, et d’un contrôle serré sur le débat public, la classe politique du capitaliste occidentale fait bloc. Le discours suivant est répété jusqu’à ce qu’il devienne une évidence : le Hamas, une organisation terroriste, a le contrôle absolu sur la bande de Gaza. Tous ses membres doivent être éradiqués à n’importe quel prix. Israël a le droit de se défendre.

La guerre s’emballe et s’étend. Au moins 1.400 israélien.nes ont été tué.es et 3.500 blessé.es depuis le 7 octobre. Au moins 3.500 palestinien.nes ont été tué.es et 12.060 ont été blessé.es depuis le 7 octobre4. Les U.S.A. amènent deux énormes porte-avions militaires au large de la Palestine. L’Iran et le Liban menacent et/ou se préparent à entrer en guerre. Personne n’appelle à un cessez-le-feu, même temporaire le temps du sauvetage de la population civile par l’apport de fuel, d’eau, de nourriture, de matériel et de personnel soignant, de fournitures personnelles. Des camions d’approvisionnement sont prêts à 50km de la frontière de la bande de Gaza, en Égypte. Israël bombarde régulièrement Rafah, le côté palestinien de la frontière. Pas de négociations possibles.

Je pers un peu plus confiance en la classe dirigeante de la « communauté internationale » chaque jour. Dans les films, quand une bagarre démarre à la sortie d’un bar, les amis de chaque participant les retiennent. Bonne nouvelle, la grève des syndicats d’auteur.rices aux U.S.A., victorieuse, est terminée !

4. Une fin alternative

Imaginons que les républiques occidentales soient bien des démocraties comme elles le prétendent. Mettons que les dirigeant.es politiques et économiques œuvrent pour l’intérêt général et le bien de leurs populations. Je vous propose une autre réalité, pour avoir de l’espoir et se consoler avant de dormir – privilège de celleux qui ne sont pas sous les bombes – mais aussi pour ne pas continuer dans une impasse mortifère.

Devant les actions de l’armée d’Israël et les décisions de son gouvernement, la cour pénale internationale (CPI) émet un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, comme elle l’a fait en mars 2023 contre Vladimir Poutine après les crimes de guerre russes en Ukraine.

À la suite de ce mandat et en accord avec la décision de la CPI, l’ensemble des pays occidentaux exécutent des sanctions contre Israël. Les contrats économiques sont rompus (en particulier les ventes d’armes), les ambassades quittent Tel-Aviv et Jérusalem, les israélien.nes étranger.es et binationales.aux qui le désirent sont rappatrié.es. Une grande partie des firmes transnationales arrêtent leurs activités sur le territoire israélien et on assiste à une fuite des capitaux occidentaux.

Sous la pression de la communauté internationale, des rencontres entre intermédiaires d’Israël et du Hamas ont lieu pour organiser un cessez-le-feu immédiat et une pause humanitaire en vue de l’ouverture d’une négociation. Une cascade d’entrevues : Israël rencontre les USA qui parlent à l’ONU qui envoie une délégation internationale parler au Liban qui contacte le Hezbollah qui transmet au Hamas. Par souci de rapidité, les entrevues se font en distanciel. Cela permet également l’enregistrement de chaque discussion qui sera visionnée publiquement lors des négociations : aucune des parties ne peut faire confiance aux autres.

Les négociations s’ouvrent, sous forme d’une discussion entre Israël et le Hamas arbitrée par la Ligue Arabe avec le conseil et les interventions de l’ONU, des ONG présentent sur place, des USA, de l’Union Européenne, du Hezbollah, de l’Iran, et des différentes factions dirigeantes palestiniennes. Sur une estrade au centre d’un amphithéâtre se trouvent de part et d’autre une table pour le Hamas et une table pour Israël avec au milieu et en avant un pupitre pour les prises de paroles. Depuis les gradins, la Ligue Arabe demande des précisions sur les exigences de chaque partie, pose des questions sur la situation sur place, interroge la faisabilité concrète des conditions posées au cours de la discussion. En hauteur, un balcon permet la présence du public et de journalistes pour assurer la transparence et l’honnêteté des débats.

Le premier ordre du jour concerne les otages. Un important travail de prise décision politique organise les conditions de libération des otages israélien.nes et étranger.es à Gaza et des prisonniers politiques coloniaux palestiniens des geôles de Tsahal. Les négociations sont rudes mais finalement efficaces grâce à la compétence des personnalités politiques participantes : puisque c’est leur travail, ces personnes ont évidemment une grande expérience du débat constructif et de la prise de décision par consensus en assemblée.

Suite aux libérations, les négociations reprennent pour organiser un cessez-le-feu à court et moyen terme le temps de la réorganisation politique de chaque État. Ces discussions sont permises par les âpres débats tempérés par les interventions des tiers-partis, la prise de décision commune entre Israël et Hamas d’une première résolution pacifique d’un conflit, ainsi que la pression maintenue par la communauté internationale. Le deuxième cessez-le-feu est négocié dans les mêmes conditions que la question des otages. Disons qu’il couvre une période d’un ou deux ans.

Des élections gouvernementales sont organisées en Israël pour reconstruire un gouvernement, sans les individus en état de fuite ou d’arrestation par la CPI. Les factions dirigeantes palestiniennes organisent un gouvernement palestinien qui corresponde aux aspirations de leur population, à partir de par exemple l’Autorité Palestinienne, les différents partis politiques, les brigades armées et les organisations non-violente de résistance de Cisjordanie. L’objectif, explicitement indiqué dans les conditions du cessez-le-feu temporaire, est de constituer de chaque côté une représentation nationale capable de négocier la fin de l’apartheid et de la colonisation.

Le processus de sortie de guerre est organisé par un groupe de travail international pendant cette même période à partir des enseignements tirés des relations israélo-arabes depuis la fin du 19ème siècle et des décolonisations successives du 20ème siècle. Le comité de planification est composé d’expert.es des phases de décolonisation des pays africains, asiatiques, et latino-américains, de la situation géopolitique et économique au Moyen-Orient, de la géologie et des matériaux présents sur le territoire, de l’apartheid en Afrique du Sud, des enjeux religieux spécifiques à l’imbrication géographique du judaïsme, de l’islam, et du christianisme. Un rapport est produit, préconisant les étapes pour une sortie de guerre pérenne.

En décembre 2025, les discussions organisant la décolonisation de la Palestine et construisant les conditions pour une société multiethnique florissante de la mer au Jourdain débutent.

Dépêchez-vous, personnages d'un futur imaginaire, il ne vous reste plus que cinq ans avant de toustes mourir de soif.

Notes

1 Citations de différentes prises de parole de Netanyahu depuis le 7 octobre 2023 au sujet des habitant.es de la bande de Gaza, des palestinien.nes, et/ou des membres du Hamas (ces trois catégories ne sont pas toujours distinctes dans son discours). Le président israélien Isaac Herzog a par ailleurs affirmé le 13 octobre en conférence de presse qu’ « il n’y a pas de civils innocents à Gaza » puisque « c’est une nation entière qui est responsable » de l’attaque du Hamas du 7 octobre.

2Agression structurelle : l’apartheid israélien en Cisjordanie et à Gaza est longuement démontré par la situation quotidienne et les études des organisations juridiques pertinentes. Depuis la loi « Israël, État-nation du peuple juif » de 2018, qui dispose que le droit à exercer l’auto-détermination nationale dans l’état d’Israël est propre au peuple juif, l’existence de deux systèmes juridiques parallèles et donc l’expansion du régime d’apartheid à l’ensemble de l’État d’Israël se discute.

Agression physique : en Cisjordanie, les palestinien.nes (dont environ 4500 sont prisonniers dans les prisons de l’armée israéliennes, objet d’une demande du Hamas envers Israël d’un échange de libérations le 8 octobre ; Israël n’a pas répondu) sont en contact quotidien avec des soldat.es israélien.nes qui peuvent légalement les détenir sans justification aux multiples checkpoints quotidiens jusqu’à trois heures de temps, mais aussi les tuer dans une impunité totale. La loi martiale israélienne considère tous les tirs effectués sur le terrain par ses soldat.es comme des actes de guerre, qui sont par définition justifiés par le contexte de guerre impliqué par « acte de guerre ». Dans la bande de Gaza, le blocus terrestre, maritime et aérien imposé par Israël depuis 2007 lui permet de contrôler tout ce qui sort de et tout ce qui entre à Gaza (personnes, être vivants, matériaux). Les dirigeant.es israélien.nes désignent leurs action comme « ne pas affamer Gaza, mais la mettre au régime ». Les conséquences des restrictions depuis 16 ans sont entre autres le développement d’une importante économie de contrebande via des tunnels sous la frontière égyptienne. Toujours à Gaza, la politique israélienne de « mowing the lawn », tondre la pelouse en français, consiste en des épisodes de bombardements réguliers (tous les deux ans environ) pour contenir la résistance palestinienne.

3 On pense au soutien que l’Iran apporte au Hezbollah et au Liban, au contrôle croissant du Hezbollah sur le Liban à la place de l’État Libanais, mais aussi plus récemment aux réunions de la Ligue Arabe depuis le 7 octobre et les rencontres du prince Saoudien avec les dirigeants égyptiens, libanais, américains, iraniens, du Hamas et du Hezbollah au cours de la première semaine de la guerre actuelle.

4 En date du 18 octobre.

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