Représenter, du latin repraesentare « rendre présent ».

Second tour de la présidentielle 2017, Toulouse. (c) Alain Pitton
Les députés assurent la démocratie parce qu'à 67 millions c'est difficile de mettre tout le monde d'accord. En théorie, nous leur faisons donc confiance pour nous « rendre présents » au sein de l'Assemblée nationale censée être une société française en miniature.(Passons sur le peu d’employés et d’ouvriers élus malgré qu’ils forment plus de 25 % de la population active française.) Comme nous le ferions, ils lisent, essaient de comprendre, discutent les projets et propositions de lois qui dessinent la société. C'est beau dans le texte et, de plus en plus, c'est faux dans la pratique : nos représentants nous représentent peu, mal ou pas.
En ne faisant plus attention au sens des mots qui nous semblent les plus banals, on laisse leur sens dériver, nous échapper. Un représentant ne remplace pas. De même, un député (du latin deputatus « délégué ») est un envoyé, il est chargé d'une mission que nous _ et personne d'autre _ lui avons confiée. Or, d'une part, le député trahit la plupart du temps les souhaits de ceux qui ont voté pour lui et d'autre part, il sèche comme le plus cancre des écoliers. Il est absent, il a autre chose à faire. Comment, dans ce cas, nous « rendre présents » dans la démocratie, comment l'exercer ? Ainsi, hier pour le vote de la loi éminemment importante qui est celle du financement de la sécurité sociale (le PLFSS), ils étaient 56 à avoir fait l'effort sur-humain d'être présents, 56 sur 577. Moi non plus, je n'aime pas les lundis.
Cette loi décide tout de même dans une large mesure de la façon dont nous serons soignés, des conditions matérielles de notre retraite, des aides dont les plus pauvres et les familles pourront bénéficier. Nous sommes 67 millions à être concernés par un texte approuvé (après deux refus du Sénat) par 43 personnes. Qui représentent-elles ? Faut-il enfoncer le clou et rappeler que maîtriser un budget c'est détenir le pouvoir ? Celui de décider de sa vie présente et de son avenir. Ainsi sont nées les démocraties en Europe parce que le peuple, à travers ses représentants, exigeait un droit de regard sur l'utilisation de l'impôt. Logique, mais totalement oublié. Réduire le vote de la Loi de finance à un enregistrement du bout des lèvres par un échantillon de députés, révèle une démocratie qui n'y croit plus.