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Billet de blog 11 août 2018

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Les mots dits / Urbanisme abusif

La végétation exercerait-elle « un usage immodéré » de l'espace urbain ? À Toulouse, oui. « Les berges [du canal du Midi], actuellement occupées par une végétation abusive qui cache la voie d’eau [faux], sont aussi récupérables. », explique Joan Busquets, architecte urbaniste chargé de relooker le centre ville de Toulouse depuis 2010.

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Abus : 1370 abus de « usage immodéré (de quelque chose) puis, 1451 « résultat d'un mauvais usage : erreur ».

Illustration 1
Les berges de la Garonne et l'escalier monumental le 1er août l'après-midi. Des Toulousains "réconciliés avec leur fleuve" ? © Alain Pitton

La végétation exercerait-elle « un usage immodéré » de l'espace urbain ? À Toulouse, oui. « Les berges [du canal du Midi], actuellement occupées par une végétation abusive qui cache la voie d’eau [faux], sont aussi récupérables. », explique Joan Busquets, architecte urbaniste chargé de relooker le centre ville de Toulouse depuis 2010. Alors coupons. Coupons les arbustes où nichent les merles et autres chanteurs, les buissons d'où, au printemps, sortent les canetons qui font la joie de nos rejetons, rotofilons les fleurs sauvages qui nourrissent les insectes qui régalent les mésanges. Rasons.

Et puis coupons les arbres aussi, ceux qui « gênent » la vue sur la basilique Saint-Sernin, coupons, en 2015, le micocoulier planté en 1735 devant la cathédrale Saint-Étienne parce que "des branches auraient pu tomber sur l'entrée du parking souterrain », ce qui n'explique pas l'abatage quelques semaines plus tôt d'un autre micocoulier du même âge dans le jardinet du Musée Saint-Raymond. Comme de ces centenaires on dispose avec légèreté ! Et puis arrêtons avec les maigres pelouses des bords de Garonne : le carrelage, c'est propre, facile à entretenir, net, ça permet aux voitures de circuler et ça n'encourage pas les riverains à venir y promener leurs chiens.

Coule béton

À l'heure où la majorité a compris qu'il était urgent de végétaliser les villes, à la fois pour les prévenir contre les inondations , pour limiter les effets du réchauffement (et pour notre santé mentale!) Toulouse bétonne. Et finance allègrement les travaux publics. C'est simple, si vous avez un projet qui implique l'intervention du BTP, déposez votre dossier à Toulouse ou auprès de la région Occitanie, vous aurez toutes les chances d'obtenir une subvention. Si vous avez en tête un joli projet de jardin partagé à l'ancienne, oubliez. La ville rose est en chantier, pour « l'embellir » en surface en coulant du béton par tonnes au dessous. C'est ainsi que l'écluse Saint-Michel qui fait partie du corridor vert qu'est censée être la Garonne, c'est à dire un bout de nature où on laisse la faune et la flore tranquilles, a été également bétonné pour poser, là où se reposaient un grand héron, une ou deux aigrettes et deux hérons bihoreau, un resto (que nous n'avions pas vu sur les plans d'origine). Bistrot bruyant entouré de plaques de pelouse (ah non, pas d'herbe abusive) posées sur une grande dalle de béton. « Pour une meilleure articulation entre ville et nature » disent-ils à la mairie, après avoir également ratiboisé un endroit sauvage pour y entreposer le matériel de chantier. Est-ce que, par hasard, nous ne serions pas en train de faire un « usage immodéré » du vivant ?

 Sèche, promeneur

Des chantiers, il y en a à la pelle. Le clou de ce triste spectacle, ce sont sans doute les rives de la Garonne, jusqu'à cette année bondée de Toulousains et touristes, du printemps à l'été indien. Las, Joan Busquets a frappé et, après avoir arraché une poignée d'arbres au bas de la place Saint-Pierre pour y construire un « escalier monumental » exposé plein cagnard, il a décidé de réduire à sa portion misère l'herbe restante et à bétonner le reste pour « réconcilier les Toulousains avec leur fleuve ». Rarement il a été dit et écrit quelque chose d'aussi stupide : les Toulousains se ruaient sur les bords de leur fleuve aux premiers rayons du soleil. En revanche, cette année, les travaux, la présence des machines, la boue séchée, l'absence d'ombre, d'herbe, la présence de voitures de service ont effectivement donné raison à la municipalité : les habitants comme les touristes boudent le fleuve.

Faut-il rappeler que la Garonne, encore proche des Pyrénées déborde régulièrement et qu'il n'y a rien de mieux que le végétal pour réguler le trop-plein d'eau ? Faut-il rappeler que cette ville du Sud-Ouest connaît des températures dépassant régulièrement les 35 °C à l'ombre l'été ? Que faut-il pour que les gens qui décident arrêtent de bafouer leurs engagements en matière de développement durable ? Comment leur faire comprendre que des Humains habitent les villes ? Enfin, ce qui est rassurant c'est que Joan Busquets a reçu en 2011 le prix spécial Europe du Grand prix national de l'architecture attribué par le ministère français de l'Écologie, du Développement durable et du Logement.

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