VALERIEL
Abonné·e de Mediapart

31 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 janv. 2018

VALERIEL
Abonné·e de Mediapart

Les mots dits / L'ombre du doute

"Fake news", c'est ça, en vrai, l'expression du moment. On l'emploi en anglais dans le nouveau monde mais la propagation de fausses nouvelles ne date pas d'hier. Elle a toujours fait le délice de ceux qui savent la facilité de manipuler une foule ignorante et peureuse.

VALERIEL
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Doute, v. 1050 de « grant dute » : crainte.

Illustration 1
Ceci n'est pas une monnaie. © Alain Pitton

Tout a été fait pour donner la place qu'il méritait au sondage mené par l'Ifop sur les Français et le complotisme (rendu public le 8 janvier) d'autant plus qu'il tombait à pic pour appuyer la décision d'Emmanuel Macron de légiférer sur la propagation de fausses nouvelles en période électorale. Un sondage sujet lui-même à caution tant il fait tout pour mettre un maximum de Français (80 %) dans le même sac de conspirationnistes (voir le décryptage de Marianne ).

Les fausses-nouvelles (je l'écris en français pour ma maman et tant d'autres pour lesquels l'anglais comme le swahili sont langages abscons) est le phénomène qui consiste à diffuser le plus largement possible des informations fausses, non vérifiées, approximatives, portant à confusion et, si possible, anxiogènes. Car c'est une des caractéristiques des fausses nouvelles : elles font peur et nourrissent une paranoïa qui ne demande qu'à s'en prendre à une personne/un groupe/un pays. Oui, oui, c'est ça, les traces blanches des avions dans le ciel résultats d'expériences de savants fous, par exemple. Ah, oui, c'est aussi le charnier de Timisoara « découvert » par les journalistes dans la Roumanie mourante des Ceausescu en 1989. Sauf que l'on s'est aperçu, après la diffusion de cette nouvelle par les journaux et télés les plus respectables du monde, qu'elle était fausse. Le charnier ayant été « arrangé » par des Roumains probablement dans le but d'accélérer la chute du régime. Faux... et diffusé par les médias. Oui, c'est aussi l'affaire des couveuses au Koweït en 1991, quand une agence de communication américaine avait fait produire un faux témoin devant le Sénat américain pour raconter comment les Irakiens avaient sortis des bébés de couveuses dans un hôpital koweïtien et les avaient laissé mourir à même le sol. Faux... et largement relié par les médias.

Vous y êtes, il arrive aux pourfendeurs des fake news de s'en faire le relais, souvent par manque de professionnalisme (non vérification des sources de l'information, lecture non critique des sources, méconnaissance du sujet...) parfois parce qu'ils se font manipuler à leur insu. Il existe des raisons pour que le doute ne rôde jamais loin du lecteur/auditeur/téléspectateur : on lui a déjà fait le coup de la vérité absolue qui était un gros mensonge. Le doute, tout le monde vous dira que c'est bien, ça fait avancer. Et en même temps (le voilà), il n'est pas permis de poser des questions sur certaines choses ou aspect des choses. On se souvient par exemple qu'en 2015, après les attentats contre « Charlie Hebdo », des enfants avaient refusé ou s'étaient pliés de mauvaise grâce à la minute de silence imposée par la ministre de l'éducation (Najat Vallaud-Belkacem à l'époque). Pourquoi ? Par ignorance, par bêtise. On ne sait pas parce qu'on ne nous l'a pas dit. A-t-on au moins écouté ce que ces enfants avaient à dire, d'où venait leur doute, leur peur donc ? Non, c'était juste mal. Ils ont été plus ou moins sévèrement punis (parfois par l'exclusion) et sur la chaîne parlementaire LCP, la ministre lâchait "Il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves, et nous avons tous entendu les « oui je soutiens Charlie, mais… », Les deux poids deux mesures. Pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ? Ces questions nous sont insupportables." Doit-on en conclure qu'il ne faut pas, à l'école et ailleurs, poser de questions, écouter les questions ? Faut-il refuser d'y répondre ? Se contenter de sanctionner ? Il ne faut pas alors s'étonner que les enfants, les ados surtout avec leurs interrogations sur tout et leur esprit critique aillent chercher des réponses ailleurs, aillent s'abreuver aux sources qui les noient sous des infos débiles, inutiles, vides de sens. Même chose pour les adultes, l'incompréhension et le manque de réponses (sans compter les questions tabou dont on sait qu'il ne faut pas les poser) nourrissent le doute.

Alors tout va s'arranger, la France va légiférer. Fini les fausses infos sur le Watergate, les Pentagon Papers, l'arrivée du Shah au pouvoir en 1953 en Iran, les emplois fictifs d'un Fillon ou autre Bayrou, etc. En période électorale (et de façon assez ironique, en précisant cela, le président encourage les théories du complot : "mais que veut-il cacher" !), il n'y aura plus de fausses nouvelles concernant les candidats. Qui va décider de ce qu'est une fake news en période d'élection ? Des supers journalistes auxquels on ne la fait pas. Tiens, les Décodeurs du « Monde.fr » par exemple, surtout depuis qu'ils travaillent en partenariat avec Facebook (Canard Enchaîné du 3/1/2018 n°5071) ou alors Reporters sans frontières (RSF), à la plus grande satisfaction de son ancien président Robert Ménard. Des gens bien en tout cas. Aucun doute n'est permis.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte