
Consommer : du latin consumĕre, « prendre complètement, absorber, détruire, perdre, affaiblir, user, miner, anéantir, épuiser (un sujet) ».
« On a des détracteurs qui ne nous connaissent pas et disent des contrevérités. On est leader mondial de l’éthique », clame la directrice générale de l'établissement toulousain, Christine Loizy. Il faut essayer de ne pas rire à cette déclaration, lorsque l'on sait l'obsession du bas coût de cette entreprise où le turn over est de 25 % (revue Challenge n° 502, décembre 2016) et qui était l'un des principal client de l'usine de fabrication située au Rana Plaza à Dacca, au Bangladesh. Cet immeuble, où les conditions de travail frisaient l'esclavage, comme dans de nombreuses autres usines de confection dédiées à l'exportation, s'est effondré en avril 2013, provoquant 1127 morts. Par ailleurs, on ne connaît pas là-bas l'expression « respect des normes environnementales », sans parler du trajet effectué par cette avalanche d'objets dont la destinée est de rester quelques semaines en vente, fast fashion oblige, avant d'être détruits... Si bien que consommer de tels produits à l'excès, comme le propose le modèle économique de Primark revient bien à « user, miner, anéantir, épuiser » la Terre et ses habitants.
Là où le numéro de triste cirque est savoureux, c'est avec l'entrée en piste du maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc. Samedi dernier, alors qu'a eu lieu avec un certain succès une marche pour le climat (au départ interdite par la préfecture), le maire annonçait dans un tweet « À la marche pour le #climat avec mon collègue élu @FrancoisChollet. Le combat contre le changement climatique est l’affaire de tous #Toulouse #MarchePourLeClimat #IlEstEncoreTemps.17:06 - 13 oct. 2018 ,· Toulouse, France ». Et-en-même-temps, il était parmi les premiers à venir ce matin, accompagné de l’adjoint au commerce Jean-Jacques Bolzan, probablement pour papoter éthique et respect de l'environnement avec Mme Loizy. Pour l'occasion, la rue de Rémusat dans l'hyper centre, adresse de Primark, a été privatisée. Oui, un espace public privatisé, avec moult vigiles et plots en béton (pas de raison qu'ils ne servent que pour lutter contre le terrorisme). 7 500 m2 d'espace de vente sur 4 étages, 99 cabines d’essayage et 87 caisses. L'ampleur des moyens mis au service de la consommation à outrance est un reflet pathétique de l'orientation d'une ville qui brilla par bien d'autres aspects. Le collectif Basta, ses quelques activistes, leur banderole « Primark assassine, Toulouse complice » ont eu quelques minutes pour s'exprimer. Le collectif Éthique sur l'étiquette venu en fin de journée n'a pas pas eu plus de succès.
Aux milliers de personnes, souvent au revenu modeste et potentiellement elles-mêmes exploitées, qui se sont pressées aux portes du magasin ce matin dès avant l'ouverture, on souhaiterait qu'elles trouvent un esprit critique à prix cassé dans les rayons de ce temple tout neuf. Quelque chose qui leur fasse prendre conscience que consommer ces produits-là, c'est effectivement détruire la planète, participer à l'exploitation de personnes encore plus pauvres qu'elles et piétiner leur propre dignité.