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Billet de blog 27 oct. 2017

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Les mots dits / Dura Lex, mais ça dépend

La façon dont le mot « loi » sort de la bouche des dirigeants, de leurs porte-parole, de leurs relais divers et (souvent) de la nôtre évoque mentalement l’intangibilité des Dix commandements, directement inspirés par Dieu. Logiquement, illégal égale mal. Pourtant, au constat de son application à géométrie variable, la Loi mérite bien deux minutes de remise en question.

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"Loi : règle impérative, imposée à l'homme de l'extérieur."

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Le bureau de vote du collège Pau Claris à Barcelone. Référendum du 1er octobre 2017. © Alain Pitton

 Les lois, c'est bien, puisqu'il faut des règles pour vivre ensemble. Toutes choses qu'on nous apprend dès la petite enfance et qui ne sont pas fausses mais n'exonèrent pas de l'exercice de son esprit critique. Pourtant, essayez de dire à quelqu'un « c'est la loi qui créé le délit » et vous verrez l'incompréhension teinter les yeux de votre interlocuteur jusqu'à ce que vous lui rappeliez, entre autres exemples, qu'il fut un temps où avorter était interdit. Non seulement, elle crée le délit et borne nos libertés (quelle responsabilité !) mais elle est le fait d'hommes et de femmes vivants dans une époque donnée, soumis à des circonstances particulières. La loi n'est pas d'airain, elle est, comme l'erreur, humaine. D'où l'importance de contrôles et de gardes-fous indépendant les uns des autres, d'où l'absolue nécessité de séparer les pouvoirs. Aucun dictateur n'a jamais enfreint la loi : c'est lui qui la dicte.

Pourquoi enfoncer ces portes ouvertes ? Parce que le 1er octobre je me trouvais, en tant que journaliste, dans le bureau de vote du collège Pau de Claris à Barcelone pour le référendum d'autodétermination de la Catalogne. Que vers 9h30, alors que les habitants du quartier commençaient à voter, plusieurs dizaines de policiers d’État, en grande tenue anti-émeute se sont rués à l'intérieur de l'école, qu'ils ont balancé les citoyens dans les escaliers comme s'ils étaient de vulgaires chiffons, qu'ils sont repartis comme des voleurs avec les urnes. (Non, effectivement, tous les Catalans ne se sont pas exprimés, 14 % des bureaux de vote ont subi le même traitement.) Et parce que, de façon presque unanime en Europe, la réaction fut : « Ben, il était illégal non, ce référendum ? Donc antidémocratique. ». Parce que de plus en plus, le raccourci est pratiqué : ce qui est illégal n'est pas démocratique. Peut-on sérieusement dire cela de Gandhi qui, en refusant de payer l’impôt, était dans l'illégalité mais a entraîné à sa suite une bonne partie du peuple indien ? Où était la démocratie alors, du côté de celui qui payait son impôt sous la contrainte à la couronne britannique ou bien du côté du peuple indien librement en marche ? ».

Le vote, fondement même de la démocratie, peut être bafoué dans un État voisin du notre sans autre réaction ? Sans prendre partie pour ou contre une Catalogne indépendante, il aurait peut-être fallu prendre partie sur oui ou non sommes-nous prêts à accepter un tel irrespect des fondamentaux de la démocratie au nom d'une loi suspendue (puis jugée illégale) ad hoc ? D'autant plus que nombre de ceux qui se veulent vaillant défenseurs de telle loi, sont les premiers à en enfreindre une autre.

Une loi peut-elle être injuste ? Oui. Peut-elle être corrigée ? Oui. Peut-elle être manipulée ? Oui. Elle sert un but, voire une idéologie. On peut commettre le pire au nom de la loi.

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