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Billet de blog 27 août 2024

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Les mots dits / Oubli

Oubliés, comme n'importe quel blaireau qui meurt sur le bord de la route. Oubliés leurs noms et leur prénoms, leur adresse, leur modeste vie mal placée sur la carte géopolitique, sur l'échelle du temps. Et pourtant, ils commencent à être nombreux. D'après le site de l'UNICEF consulté le 27 août, il y aurait 40 265 morts identifiés (dont 14 100 enfants), 193 144 blessés (dont 12 000 enfants)...

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Illustration 1
Blaireau en bord de route, Lot. © VL

Oubli : du latin populaire oblitare, dérivé de oblitus part. passé du classique oblivisci «ne plus penser à; perdre de vue». CNRTL

Oubliés, comme n'importe quel blaireau qui meurt sur le bord de la route. Oubliés leurs nom et prénom, leur adresse, leur modeste vie mal placée sur la carte géopolitique, sur l'échelle du temps. Et pourtant, ils commencent à être nombreux. D'après le site de l'UNICEF consulté le 27 août, il y a au moins 40 265 morts identifiés (dont 14 100 enfants), 193 144 blessés (dont 12 000 enfants), 10 000 disparus dans la bande de Gaza. Ajoutons-y ceux qui meurent d'absence de soins liés ou non au conflit, de malnutrition, de maladies et tous ceux écrabouillés sous les décombres. De prison à ciel ouvert, Gaza est devenu un mouroir. Chaque jour que les frappes russes touchent l'Ukraine, le nombre de morts (le cas échéant) et de blessés nous est scrupuleusement rapporté, pas celui des Palestiniens de Gaza et Cisjordanie.
Pourquoi l'immense majorité des médias dominants occidentaux passent-ils sous silence ou déforment les massacres, les tortures, les camps de détention, les viols collectifs de prisonniers palestiniens, les crimes de guerre et ce que beaucoup dans le monde et jusqu'en Israël qualifient de génocide commis, comme le veut l'expression consacrée depuis les guerres dans l'ex-Yougoslavie, « à moins de deux heures de Paris » ? Pour nous faire oublier que « cela » se passe avec notre aide ? Pourquoi se charger de la communication de l'armée et du gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahu ? Pourquoi se rendre complice d'un Etat dont les membres les plus extrémistes appellent à l'éradication, non pas du seul Hamas, mais des Palestiniens en tant que tels, comme l'a fait le ministre délégué aux Finances et à la Défense d'Israël, Bezalel Smotrich : "le monde « ne nous laissera pas causer la mort de faim de deux millions de civils, même si cela serait justifié et moral, jusqu'à ce que nos otages nous soient rendus" [“won’t let us cause 2 million civilians to die of hunger, even though it might be justified and moral until our hostages are returned,”] (conférence Israel Hayom en août. (1) Par peur de l'antisémitisme qui pourrait jaillir chez nous de fait de cette litanie d'injustices, de scandales et d'horreurs ? Par peur d'être mis à l'index pour antisémitisme ? Le ridicule ne tue pas plus que la lâcheté après tout. Parce que « nous sommes les bons » et que la honte du génocide juif de la seconde guerre mondiale pèse encore sur nous ? Par peur que les opinions éveillées crient massivement au scandale dans les rues et exigent l'arrêt de l'aide militaire massive à Israël ? Oui, une grande majorité des médias parmi les plus influents, des gouvernants, des intellectuels, des politiques préféreraient faire oublier jusqu'à la réalité de cette petite bande de terre.
Nous y sommes : « perdre de vue », ne plus voir donc, oublier. Seulement, il y a un revers à la médaille de ce confortable oubli, c'est qu'il signifie aussi « négliger » dans une de ses premières acception, vers 1050. De là à devenir synonyme de « relâchement et manquement à ses devoirs », il n'y avait qu'une cinquantaine d'années, vers 1100. L'oubli, c'est donc vilain, jusqu'à « perdre de vue sa dignité » (1200). Et pour finir, Zola met franchement les pieds dans le... plat en donnant au pronominal s'oublier le sens de «faire ses besoins là où il ne faut pas» en 1882 ! Je digresse mais c'est parce que cet oubli n'a rien de noble et qu'à force de ne pas regarder la réalité en face, nous risquons de le payer cher.

1- Pour suivre sans fard ce conflit, le magazine +972 ne vous épargne rien et il est casher, https://www.972mag.com.

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