Le dogme de l'infaillibilité du marché a servi à mettre en place des mécanismes structurels et permanents qui contredisent tous les axiomes sur lesquels il repose.
Plusieurs étapes:
1) L'effondrement des principes de Bretton Woods dans les années 1970, avec pour effet la prise de contrôle du système bancaire et le crédit. ceux-ci deviennent ainsi les nouveaux régulateurs de l'économie.
2) Puisque l'économie est abandonnée aux banques, ceux-ci doivent inventer des outils de gestion et d'anticipation qui pouvaient leur permettre d'assumer leur nouveau rôle auprès des agents économiques: On passe de la finance bancaire à la finance de marché.
3) La dépendance absolue qu'entraîne ce système. Exemple: pour exporter un produit, il faut que le fabricant et l'exportateur trouve sur les marchés financiers les instruments de crédit, de couverture et de règlement sans lesquels l'opération ne serait pas réalisable. Ce service n'est évidemment pas désintéressé: c'est le marché et lui seul qui décidera où est son plus grand intérêt ainsi que le moyen de l'assouvir et d’accroître ces profits.
4) Arriva ce qui devait arriver: la finance s'est mise au service d'elle-même, faute de gens pour la contrôler. Elle a assujetti l'économie réelle de manière à ce que le bénéfice du capital va à elle plutôt qu'aux acteurs qui contribuent à sa valorisation.
5) Comme le principe de toute opération financière est de trouver une contrepartie qui accepte de prendre un risque en pariant sur le futur, toute augmentation de la part de la finance dans l’économie suppose la présence de nouveaux porteurs de risques, qu'on appelle spéculateurs. La rémunération du risque pris par le spéculateur devient donc l'enjeu nouveau de l'économie sous-jacente.
6) Cela a donné la possibilité au système financier de faire de l'argent à partir de son propre argent sans passer par l'échange économique.
7) Ce laisser-faire économique a entraîné des fraudes sans précédents (voir actualités de ces trente dernières années et mon blog).
Avant la crise, l'économiste libéral confinait la part d'immoralité du capitalisme à l'espace privé du producteur de biens et services.
["Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leur intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme; et ce n'est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage". Adam Smith].
Pour eux, l'immoralité individuelle se muait miraculeusement en moralité collective puisque le marché est censé , malgré les faiblesses de la morale personnelle ou même à cause d'elles, fournir les biens et services dont elle a besoin.
Cela induit donc que toute vertu vient du marché et que celui-ci doit être libéré de toute entrave légale.
Les marchés n'ont d'autres lois à respecter que la leur, celle du gain à tout prix, rendant inutile de les contrôler.
Ce qui a donné la crise des subprimes.
Ce qui donne la spéculation sur les matières premières, mettant en danger de famine des pans entiers de la population mondiale.
Quand l'ambition et la rapacité de quelques hommes peuvent mettre potentiellement en danger autant de monde, quand "la vertu" des marchés est dépassée par l'intérêt égoïste néfaste des individus, Smith se fait doubler par Marx.
Pour que Smith reprenne la main, il faut que les états se décident de mettre les pieds dans ce far-west des hors-la-loi.