C'est en tous les cas le pari difficile que je prends ici devant vous. Je pense que le débat autour de sa personne mérite d'être examiné d'une manière dépassionnée, car c'est bien ce qui, à mon avis, tous médias confondus, manque cruellement autour de cette question. Il ne s'agira donc PAS de pointer tel ou tel propos isolé que chacun pourra trouver scandaleux ou inadmissible, bien des observateurs se sont offusqués, je dirais presque proffesionnellement, à notre place, à tord ou à raison.
Disons-le d'emblée, Dieudonné a tenu des propos antisémite, ça ne fait pas de doutes, il a été condamné sept fois pour cela. Il est clair que ses propos peuvent et doivent fortement choquer des personnes qui ont vécu cette période, et même leur descendants. Par contre, j'affirme ceci: il utilise des éléments de langages antisémite pour créer un choc puis des débats sur les sujets qui lui tiennent à coeur, ET NON PAS choquer pour créer de l'antisémitisme. Est-ce que cela l'excuse? Peut-être pas.
Comment j'en arrive à cette certitude de ma part? plusieurs éléments:
- La base de l'humour de Dieudonné, depuis toujours, c'est de provoquer le rire sur la différence, car il estime que le rire ne doit jamais être gratuit, il doit faire réfléchir, car il sonne creux sinon. Il dit vouloir explorer les limites du rire (sic). Il est incontestablement anti-communautariste et anti-lobby, il l'a assez répété. Il considère également que le concept de race n'existe pas (voir vidéos sur youtube Tout le monde en parle chez Ardisson et également version québecoise) J'en profite pour signaler qu'il dit "que ce qui s'est passé à Auschwitz est un drame absolu, mais qu'il y a une différence de traitement entre la shoah et la traite négrière de l'Etat français", dans la version québecoise...Il estime que la souffrance ne doit pas être hierarchisée et qu'elle l'est en France.
- Avant son sketch chez Fogiel qui le mettra au banc des médias traditionnels, il avait déjà soulevé une forte contestation, et il a déjà du se justifier une première fois chez Ardisson. Avec bonheur cette fois-là. Il en profite pour déclarer qu'il voulait faire un film sur le fameux Code Noir et que cela lui a été refusé, on lui a signifié que c'était un sujet trop sensible. Il fait la comparaison avec le nombre de films que l'on a fait sur la Shoah. Personnellement, les seuls films que j'ai vu qui traitent avec sérieux la traite négrière sont "Amistad" et "Racines". Il dit également que la commémoration de la traite négrière en mai passe très inaperçu, et fait le parallèle avec la shoah, une fois de plus.
Arrive ce fameux sketch. Tollé général. Il s'étonne publiquement que l'on ne puisse pas rire de la politique d'Israël. Et là c'est l'escalade dans la provocation: Il écrit un spectacle qui s'intitule "Mes excuses" ou il en remet une couche, il fait croire que JMLP est le parrain de sa fille Plume (quand on lui demande si c'est vrai, il répond "un magicien ne dévoile jamais ces tours"). Il crée un parti anti-sioniste avec des juifs. Il cherche l'ultime provocation, et il la trouve, en remettant sur scène le prix de l' infréquentabilité à Faurisson.
A ce propos, j'ai lu l'article d'Edwy Plenel à ce sujet. Je suis d'accord avec lui pour dire que ce passage de son spectacle est bourré de symbole anti-sémite (et donc condamnable), mais je suis totalement en désaccord quand il pense que toute une salle antisémite se lève pour acclamer ce moment. Les gens ont bien compris l'impertinence du message et c'est CELA qu'ils acclament, plutôt que le contenu. L'écrasante majorité des gens SAVENT pertinemment l'horreur des camps de concentration, il n'y a pas de pédagogie à faire là-dessus. C'est le culot que l'on acclame à ce moment-là d'aller toujours plus loin. Personnellement je ne suis pas d'accord du tout sur la manière, c'est de très mauvais goût.
Je pense donc qu'il s'est enfermé dans une logique de rébellion permanente qui l'a amené à dépasser largement les limites de l'acceptable pour le commun des mortels.
Je pense également qu'il ne méritait pas le traitement médiatique qu'on lui a administré à l'époque, pas plus que celui infligé aujourd'hui. Cela devient une affaire récupéré par l'Etat et ce n'est vraiment pas beau à voir.