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Billet de blog 10 janvier 2018

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Revenantes de Marion Stalens et le "paradoxe de la tolérance"

Durée : 80 mn Production : Estelle Mauriac, Fabienne Servan Schreiber (Cinétévé) Diffusion : France 2, mardi 16 janvier 2018 à 23h15.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avant-première : le 26 novembre 2017, Cinéma L’Écran de Saint-Denis.

Projection-débat organisée par La Maison des Femmes de Saint-Denis et de la Mission Droits des Femmes, en partenariat avec le Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient dans le cadre de la Journée contre les violences faites aux femmes.

Le film

Revenantes montre le trajet de plusieurs femmes françaises et belges, certaines très jeunes, d'autres moins, qui sont passées de la ferveur religieuse à l'islamisme politique. Quelques-unes sont nées dans des familles musulmanes, telle Henda Ayari. D'autres se sont converties comme Laura Passoni, partie de Belgique. Toutes racontent comment le projet salafiste ou celui de Daech les a séduites, puis comment elles ont progressivement perdu le contrôle de leur vie. Elles décrivent leur expérience au cœur des citadelles de la terreur jusqu'au premiers doutes et leur chemin si difficile pour revenir au monde. La voix de Marion Stalens les accompagne dans ce retour à elles-mêmes et aux autres. En contrepoint, les familles déchirées et des rencontres : avec une jeune syrienne réfugiée à Paris, – elle livre ses petits films clandestins tournés à Raqa –, ou des islamologues qui mènent un patient travail critique de prévention. Demeurant au plus près de l'humain et de la parole, Marion Stalens filme ces fragments de vies comme une élégie où l'espoir, malgré tout, l'emporte.

Le débat

Débat animé par la réalisatrice et sa productrice, Fabienne Servan Schreiber, Laurence Rossignol, ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, Ghada Hatem, gynécologue à l'hôpital Delafontaine et à la Maison des femmes de Saint-Denis, Muriel Domenach, Secrétaire Générale du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation et Philippe Gaudin, philosophe spécialiste des religions. Dans la salle étaient notamment présents des mères de jeunes victimes du recrutement ayant participé au film, Henda Ayari, l'islamologue Rachid Benzine, Anna de Montfort, éditrice de La Boîte à Pandore (qui a publié le témoignage de Laura Passoni, présente dans le film), Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France.

Plusieurs questions ont tourné autour de la compréhension de ces conversions qui touchent des jeunes en quête d'idéal. Tous se sont accordés à dire qu'une seule cause ne pouvait l'expliquer. Marion Stalens a voulu rappeler que de tels phénomènes ne sont pas nouveau dans notre histoire.

Lors du débat, une mère qui a perdu son fils en Syrie a fait remarquer que le recrutement ne touche pas seulement des enfants discriminés ou fragiles mais tous les milieux sociaux. Très inquiète de la présence dans notre pays de plus de 22 000 personnes « radicalisées », elle a vigoureusement conclu : « Quand il y a un poison, il faut avoir le courage de l'interdire. » Dans le même sens, une autre femme, engagée dans une association de prévention à Trappes, mère d'une jeune fille convertie qui a failli partir, a insisté sur la responsabilité des politiques. Elle a déploré l'absence des institutions pour mener ce combat, soutenir les enfants et les familles. Un monsieur d'une soixantaine d'années, ayant connu la terreur du GIA en Algérie, bouleversé par le film, a affirmé que les partisans de Daech sont bien installés en France. Il s'est indigné de l'inaction de l’État face à leurs activités dans sa ville de Clichy, en particulier celles de plusieurs librairies qui diffusent des textes politiques appelant ouvertement au djihad. Madame Pécresse comme Madame Rossignol ont pris la parole pour en appeler à la société civile. À L’École pour l'une. À la mobilisation des femmes pour l'autre. Mais n'est-ce pas une façon de couvrir l'inaction des pouvoirs publics depuis plus de dix ans ? Car, malgré la nécessité d'un travail de prévention, comment éradiquer l'islamisme sans surmonter ce que Karl Popper, réfléchissant à l'impuissance des démocraties pour empêcher la montée des totalitarismes au XXème siècle, nommait le « paradoxe de la tolérance » : « la tolérance illimitée doit mener à la disparition de la tolérance. Si nous étendons la tolérance illimitée même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas disposés à défendre une société tolérante contre l'impact de l'intolérant, alors le tolérant sera détruit et la tolérance avec lui » ?

Espérons que le beau film de Marion Stalens contribuera à une nécessaire prise de conscience de notre responsabilité face à la montée de l'islamisme !

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