Les assassinats de Merah, commis dans le cadre d'une attaque qui visait des êtres humains pour leur appartenance à des communautés, – française, juive, musulmane –, constituent des crimes contre l'humanité. C'est en effet l'humanité de l'Autre qui est déniée : l'autre n'est pas tué en tant qu'Autre, pour sa différence, mais en tant que non Même, en tant qu'il n'appartient plus à l'humanité. Les "cibles" de Merah sont définies par opposition au "bon musulman", au musulman pur. (De même, pour le nazi, ce n'était pas le juif en tant que juif qu'il fallait détruire mais le juif en tant que non-aryen, tout comme pour le communiste soviétique la nation ukrainienne devait-elle être liquidée au profit de l'homme nouveau.)
Ramadan, dans son texte, ne cesse de relativiser le crime lui-même, ses victimes, le criminel, les motifs de ces exécutions.
Première relativisation : la relativisation de ces tueries, réduites dès les premières lignes à une violence parmi d'autres.
Deuxième relativisation : la relativisation des victimes. Ramadan écrit : "Toutes les victimes". Ils ne s'agit plus de telle ou telle victime, une victime qui aurait un nom, un visage, mais de "toutes". Non plus des soldats français, des enfants juifs. Des victimes reléguées dans le brouillard des anonymes. Des victimes en général. Égales à celles qui meurent en Afrique et au Moyen-Orient, comme si elles rétablissaient un équilibre. Mensonge énorme, ignominieux : il aurait tué "juifs, chrétiens, musulmans sans distinction".
Troisième relativisation : la relativisation du bourreau par son portrait psychologique. Un garçon "gentil", "affectueux", un peu perdu et surtout "victime d’un ordre social qui l’avait déjà condamné, lui et des millions d’autres, à la marginalité, à la non reconnaissance de son statut de citoyen à égalité de droit et de chance".
Quatrième relativisation : la relativisation des motifs criminels. Non plus l'idéologie politique islamiste, totalitaire, génocidaire, non pas l'antisémitisme, non pas la haine des Français ou des "mauvais musulmans" mais le ressentiment généré par le fait d'avoir été victime du racisme, de l'islamophobie. Pire : "Pour les Français de France, il n’y a plus rien de français chez l’Arabo-musulman Mohamed". Entendez bien : le "Français de France", – lire par opposition au Français immigré nord-africain –, n'est pas seulement un être colonialiste, raciste, islamophobe, qui considère l'Arabo-musulman comme inférieur. Non, il ne le considère tout simplement pas comme son semblable. Le Français de France serait intrinsèquement l'ennemi du Français Arabo-musulman.
Quatrième relativisation : la relativisation de la responsabilité. Ce n'est pas Merah le véritable auteur des crimes, c'est la France elle-même (et derrière elle, Israël) : "L’histoire de Mohamed Merah renvoit la France à son miroir" (sic).
Cinquième relativisation : la relativisation de l'émoi dans l'opinion. Des "jeux et gesticulations".
Dernière relativisation : la relativisation de la condamnation. C'est la France qu'il faudrait condamner pour cet acte puisqu'à travers Merah "la France s’est effectivement retrouvée face à son miroir."
Un tel texte ne peut être écrit que par un grand pervers. Un pervers antisémite. Un pervers raciste, antifrançais. Un être qui hait profondément l'humanité. Qui pense en termes essentialistes, réduisant les hommes à une appartenance. Il n'y a plus rien d'humain dans ces paroles. Toutes, sous la condamnation convenue, relativisent et justifient l'horreur. C'est pourquoi cet individu ne vaut pas mieux que Merah : il ne tue pas avec des armes, il tue avec des mots. Il tue la parole vraie, la parole humaine. Il tue l'humanité. Il tue symboliquement chacune des victimes de Merah qu'il ne nomme pas : Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Jonathan Sandler, rabbin et professeur juif et les trois élèves de l'école juive Ozar Hatorah, Myriam, Arié et Gabriel qui avaient huit, cinq et trois ans.
Mediapart a commis une faute très grave en faisant front commun, au nom de la défense des "citoyens de seconde catégorie", avec un individu aussi abject. Un tel scélérat ne mérite ni qu'on lui adresse la parole ni qu'on la lui donne. Et si l'on mène une enquête à son sujet, on ne saurait mettre toutes les critiques sur le même plan en taisant l'essentiel.