L’Europe est aujourd’hui le premier continent au monde pour le développement des Energies Marines Renouvelables (EMR). C’est en particulier le cas pour l’hydrolien, qui capte l’énergie des courants marins, et la production d’électricité issue de l’éolien en mer avec plus de 3500 éoliennes en service au large des côtes européennes à ce jour. Ailleurs, la Chine, le Japon, les Etats-Unis engagent tour à tour des programmes ambitieux. La France, qui dispose d’un potentiel exceptionnel grâce au deuxième espace maritime mondial, peut jouer un rôle clé dans ce domaine. Pourtant, l’exploitation des EMR n’y émerge pas. Au milieu du 20ème siècle, notre pays était pionnier dans le domaine avec la construction de l’usine marémotrice de la Rance en 1966. Mais depuis, plus rien ou presque. Il convient donc aujourd’hui de se poser les bonnes questions.
Depuis les années 80, de nombreux investissements Européens (publics et privés) ont été engagés afin de tester un très grand nombre de technologies d’EMR et de développer les plus prometteuses. Beaucoup d’Etats cherchent désormais à faire évoluer leur production énergétique en développant les énergies renouvelables et en légiférant sur le sujet. Des objectifs nationaux et européens ont ainsi été fixés. Pour atteindre ces objectifs il est indispensable de développer un mix diversifié combinant les énergies terrestres (photovoltaïque, éolien, géothermie...) et maritimes (éolien en mer, hydrolien...) pour des raisons économiques, des questions d’indépendance et à des fins d’acceptation des populations locales.
Que constate-t-on là où ce développement a été le plus poussé ? Non seulement une maturité technologique et énergétique mais également une baisse des coûts rapides. Le prix de l’éolien en mer, dont la mise en œuvre est aujourd’hui entièrement maitrisée, est ainsi passé récemment sous la barre symbolique des 100€/MWh en Europe du Nord. Le projet Butendiek (en Allemagne) dont les 80 éoliennes ont été construites et mises en service en 15 mois, dans le calendrier et le budget initialement défini, est là pour le confirmer.
Et en France ? Paris vient d’accueillir la COP21, la Loi sur la transition énergétique a été promulguée et a fixé des objectifs ambitieux en matière de production d’énergies renouvelables pour les 30 prochaines années. Cependant, les nouveaux objectifs de développement des EMR sont bien en deçà de nos gisements nationaux (inférieurs à 10% du gisement !). On reste loin des objectifs du Grenelle et encore plus de l’étude de l’Ademe « 100% renouvelables en 2050 ». C’est d’autant plus surprenant que la France a une filière maritime d’excellence, présentant tous les atouts pour jouer un rôle majeur dans la réalisation de tels projets (ports, chantiers navals, tissu industriel performant…).
La France aurait raisonnablement la possibilité de produire 1/3 de son électricité par les seules forces marines. Mais à la condition d’une impulsion forte et d’une volonté marquée des pouvoirs publics. En tant qu’acteur économique engagé dans cette filière, je suggère plusieurs pistes pour rendre possible ce développement.
- Finaliser au plus vite la planification de l’usage maritime. Elle permettra, notamment, de lever les craintes de certains secteurs, notamment la pêche, de subir un impact causé par un développement trop important des Energies Marines Renouvelables.
- Donner la visibilité suffisante aux acteurs de ces filières pour investir et innover, en fixant des volumes ambitieux et des réalisations programmées plus importantes qu’aujourd’hui.
- Revoir les procédures administratives trop complexes en s’inspirant de nos voisins européens. Actuellement, il ne faut pas moins de dix années entre l’identification d’un potentiel et l’obtention de l’ensemble de ses autorisations. Et ce, sans compter le dépôt systématique de recours d’associations nationales qui se vantent de s’opposer systématiquement à toutes les énergies renouvelables, comme le montre par exemple celui déposé contre le projet éolien en mer de Fécamp malgré un co-développement depuis 2007 avec les acteurs du territoires et le soutien des élus, des usagers de la mer, des acteurs économiques et des associations locales de protection de l’environnement.
La France se doit aujourd’hui de confirmer sa volonté d’accompagner la transition vers un nouveau modèle énergétique dans lequel les Énergies Marines Renouvelables ont incontestablement un rôle à jouer. Le Ministère de l’environnement vient de reconnaitre que « le rythme de développement actuel des énergies renouvelables en France est insuffisant pour atteindre l’objectif officiel de 23% de la consommation en 2020 » et que « des efforts restent à réaliser ». C’est un fait. Les technologies sont matures, les acteurs sont prêts. Afin qu’ils réalisent leurs projets en France, l’Etat doit maintenant donner une impulsion forte et affirmer concrètement sa volonté par des actes.
Vincent Balès
Directeur Général de wpd offshore France
wpd, un des leaders européens de l'éolien terrestre et maritime.