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Ni déclaration du Quai d’Orsay. Ni mission parlementaire. Ni visite consulaire formellement assumée. En creux, l'impression d'une consigne : laisser pourrir. Une gestion feutrée, bureaucratique, pour ne surtout pas faire de vagues. Pourtant, à force de silence, c’est la République elle-même qui se noie.
Un Français comme les autres… ou presque
Steeve Rouyar n’est ni un criminel, ni un récidiviste, ni un fugitif. Il est expert-comptable, résident au Togo, et ancien colistier d’un mouvement politique citoyen aux élections régionales en Guadeloupe.
Aujourd’hui, il est enfermé, sans procès, sans transparence. Et la République regarde ailleurs.
Le Togo n’est plus ce qu’il était
Pendant longtemps, le Togo était l’un des bastions historiques de la Françafrique. Coopération militaire, diplomatie de couloir, amitiés officielles. Mais depuis quelques années, les lignes ont bougé.

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Le Togo envisage de rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES) – regroupant le Mali, le Niger, le Burkina Faso – trois pays en rupture ouverte avec la France. Une alliance militaire et politique qui refuse toute tutelle extérieure, et où l’influence française est désormais perçue comme suspecte.
Le président togolais, Faure Gnassingbé, cultive des équilibres. Il ménage Paris, mais tend l’oreille à d’autres puissances. Et surtout, il ne tolère pas qu’un Français, même critique, prenne part à des mobilisations politiques locales – ce qui, selon des sources diplomatiques, serait l’un des éléments non-dits de l’affaire Rouyar.
La France impuissante, ou complice ?
Ce qui interroge, ce n’est pas la position du Togo – souverain dans ses décisions. Ce qui alarme, c’est l’inaction de la France.

Pas un mot de Jean-Noël Barrot ministre des Affaires étrangères.
Pas d’appui actif à une mission parlementaire.
Pas même une condamnation de la détention préventive prolongée.
Et pourtant, la France sait agir vite quand il s’agit de journalistes détenus en Russie, d’humanitaires capturés au Sahel, ou de touristes arrêtés à l’aéroport de Bangkok pour détention de substances prohibées.
Pourquoi pas ici ? Parce que Rouyar est guadeloupéen ? Parce qu’il n’est pas dans les bons réseaux ? Parce qu’il n'a pas la bonne couleur ? Parce qu’il n’a pas les codes de la République de salon ?
Une diplomatie à deux vitesses
Les parlementaires guadeloupéens timides sur l'exigence d'une mission de soutien parlent de : budget, complexité, prudence.

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Et pourtant, la diplomatie française dispose de tous les leviers pour accompagner une telle démarche. L’ancien ambassadeur au Togo, Marc Vizy, fut conseiller Outre-mer à l’Élysée. Il connaît les réseaux. Il connaît le pays. Il connaît les codes... Et l'ancien président de région Victorin Lurel...
Mais les leviers ne sont pas actionnés. Les relais ne sont pas sollicités. Et l’inaction devient complicité.
Rouyar n’est pas un provocateur. Il est un symbole.
Certains diront : "Il n’avait qu’à pas se mêler de politique togolaise."
D’abord, rien ne prouve qu’il l’a fait. Son arrestation se serait produite un jour de manifestations mais hors des manifestations. Aucun chef d’inculpation détaillé n’a été rendu public.
Ensuite, des Français engagés à l’étranger, il y en a tous les jours : médecins sans frontières, enseignants, journalistes, chercheurs, coopérants… Pourquoi Rouyar serait-il moins protégé ?
Parce qu’il est guadeloupéen ? Parce qu’il a une pensée critique ? Parce qu’il a dérangé en 2021 ?
Le scandale silencieux qui couve
Et si sa santé se dégrade ? Et si demain, Steeve Rouyar meurt en détention ?
Ce qui est aujourd’hui un non-sujet deviendra un scandale international. Et que dire de la réaction d'une Guadeloupe, déjà poudrière sociale, voyant l'un de ses enfants abandonné par ses politiques et l'état...
Les médias s’en empareront. Les chancelleries se renverront la faute. Le Quai d’Orsay criera à la manipulation. Mais il sera trop tard.
Et le nom de Steeve Rouyar s’ajoutera à la longue liste des citoyens français oubliés parce qu’ils ne rentraient pas dans les bonnes cases.
En Guadeloupe, certains alertent déjà. En silence et avec prudence, à la demande de la famille. Mais la colère gronde. Car on sait très bien faire la différence entre un oubli et une volonté d’oublier.

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Le président de Sentinelles Guadeloupe, chef de file de l’organisation dont Steeve Rouyar fut l’un des colistiers lors des élections régionales de 2021, et qui était jusqu’ici resté plutôt silencieux et prudent à la demande des proches de Steeve Rouyar, sort de plus en plus de sa réserve. Et chacun sait, en Guadeloupe, que la visibilité d’Éric Coriolan sur les réseaux sociaux et ses méthodes de dénonciation peuvent être déterminantes.
Lors d’une émission télévisée ce lundi 29 septembre 2025, dans le ZCLNEWS sur la chaîne Canal 10, le président de Sentinelles Guadeloupe a ni plus ni moins annoncé qu’il disposait de la liste des Guadeloupéens ayant des intérêts au Togo, les invitant à s’impliquer davantage pour la libération de Steeve Rouyar.
Damien Maillard
Veille & Démocratie – Paris, 30 septembre 2025