1) Henri Guaino, conseiller spécial et "plume sociale"de Nicolas Sarkozy, a annoncé dimanche le "gel de l'ouverture du capital" de la Poste. Quelle est votre réaction ?
Il faut être méfiant par rapport à ce genre d'annonce. Tout d'abord, Henri Guaino est revenu sur ses déclarations l'après-midi même en affirmant qu'il n'avait pas parlé de gel. Il a enfoncé le clou en disant que l'ouverture du capital de La Poste était retardé mais pas le calendrier concernant le changement de statut de La Poste, c'est-à-dire sa transformation en société anonyme.
Ce type de montage est, paradoxalement, le plus dangereux car il peut permettre de rassurer certains usagers mais également certaines organisations, syndicales ou politiques. En effet, pour le tour de passe-passe consisterait à présenter l'ouverture du capital de La Poste comme une simple augmentation de capital avec une participation de la caisse des dépôts et consignations ou du nouveau fond souverain. Aujourd'hui, cela serait « plus vendable » pour le gouvernement et lui permettrait d'attendre que les marchés financiers aient repris des couleurs pour introduire la poste en bourse, la participation de l'Etat pouvant alors être cédée aux marchés financiers sans l'étape législative. Par ailleurs, économiquement, une période de latence est obligatoire pour le gouvernement. En effet, vu la situation des marchés financiers, il serait pour le moins dangereux de capitaliser la poste. Il est donc essentiel, aujourd'hui, d'expliquer que le changement de statut, même sans ouverture du capital immédiate, représente, pour le gouvernement, le verrou à faire sauter pour permettre la privatisation de La Poste.Toutefois, il ne s'agit pas de cultiver le pessimisme. Cette volte face de Guaino dans une même journée est une marque de fébrilité qui s'explique par la mobilisation grandissante et par l'accueil reçu par les militants lors des initiatives organisées devant les bureaux de poste, par exemple. C'est une évidence, le gouvernement est dans une position délicate. Raison de plus pour amplifier la mobilisation.
2) La mobilisation des salariés et des usagers est forte pour défendre une "poste publique". Cette annonce ne risque-t-elle pas d'entraîner une démobilisation ? Qu'en est-il du mouvement des personnels initialement prévue le 22 novembre ?
Il ne s'agit pas à proprement parler d'une grève. L'important, ce jour là, sera de se compter dans des initiatives de toutes sortes organisées dans les villages et les quartiers et dans les manifestations départementales ou régionales organisées l'après-midi. Que la journée de mobilisation soit organisée un samedi est un signe fort de la part des organisations syndicales. Contrairement aux actions menées contre la privatisation d'autres services publiques où la nécessité de faire converger la mobilisation des salariés et les usagers est souvent passée au second plan, les syndicats ont décidé de prioriser cette unité. Pour SUD, il est d'ailleurs inconcevable d'imaginer que la seule lutte des postiers et postières puisse être suffisante pour faire plier le gouvernement. Il existe toutefois un risque de démobilisation après les propos de Guaino. Déjà, dans le contexte actuel, beaucoup de collègues, d'usagers ou même de militants pensent que le gouvernement n'osera pas aller jusqu'au bout. Toute annonce pouvant abonder dans ce sens peut effectivement avoir comme conséquence un effet démobilisateur. C'est ce qui s'est un peu passé lorsque le 1er octobre, Fillon avait annoncé que la privatisation de La Poste n'était pas à l'ordre du jour. C'est de la responsabilité des organisations appelant à la mobilisation du 22 novembre de convaincre.
3) Une large unité, suffisamment ample pour être notée, réunissant syndicats, associations et toute la gauche politique s'était manifestée. Où en est-on, aujourd'hui ?
Il est vrai que l'unité qui s'est créée autour de la lutte contre la privatisation de La Poste, regroupant plus de 50 organisations syndicales, politiques et associatives est totalement exceptionnelle. Nous en sommes à une phase d'enracinement avec la création de très nombreux comités locaux. Ces comités organisent des actions de proximité comme des diffusions de tracts et des séances de signatures de pétitions sur les marchés et dans les lieux publics et aussi organisent aussi beaucoup d'initiatives devant les bureaux de poste. Ce n'est pas forcément un travail très médiatique ou très voyant mais essentiel pour ce que nous voulons faire : réussir à impliquer directement les usagers. Pour que ce travail soit payant, le succès de la mobilisation du samedi 22 novembre est indispensable. Une grande réussite permettrait aussi de relancer médiatiquement la nécessité d'un grand débat public et d'un référendum sur l'avenir du service public postal. La Poste est la propriété des populations, c'est à eux de décider de leur avenir !