Il m’a semblé intéressant de reprendre tel quel un large extrait de l’article signé Sylvia Zappi dans Le Monde sur la prochaine auto-dissolution de la LCR et la fondation du NPA (nom provisoire) et de le commenter en pointant les sottises et divagations que je peux éclairer en qualité d’ex de « la Ligue » et membre du processus NPA. Ayant travaillé 5 ans (1998 – 2003) auprès des dirigeants de la LCR en assumant les responsabilités nationales « communication et relations presse », je garantis que cet article du Monde est très éloigné des vertus généralement prêtées au journalisme.
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Et, j'entends le prouver :.
En italique le texte du Monde daté du 1er février 2009..
(…) Après sa consécration à la présidentielle 2007, le jeune porte-parole de la LCR veut pousser son avantage et donner un coup de balai à son organisation..
Commentaire : Ainsi, Olivier Besancenot, seul, aurait pris la décision de « pousser dehors » des dirigeants et aurait, seul, décidé d’une nouvelle orientation. C’est évidemment un gag. C’est en 2001 que le Bureau Politique de la LCR vote et fait ratifier par une convention nationale la candidature de Besancenot (74 %des votes). C’est sur l’insistance d’Alain Krivine, entre autres dirigeants, que le saut générationnel s’opère. Ajoutons qu’en 2001, Alain Krivine n’a que 59 ans et aurait été l'un des plus jeunes candidats à la présidentielle de 2002 s’il avait voulu persister !Ce « saut générationnel » est le résultat d’une décision collective et persuader Besancenot d’être candidat n’a pas été facile….
Le Monde: En finir avec sa ligne de "front unique" qui lui faisait chercher sans cesse des alliances contre la droite et nouer des accords électoraux avec tantôt Lutte ouvrière (LO), les Alternatifs ou d'autres structures trop "floues" à ses yeux. Olivier Besancenot n'y a jamais cru, et ne veut plus avoir affaire à cette "vieille gauche". Lui qui avait fait ses débuts dans une tendance minoritaire reprochant à la direction de la LCR de n'être pas assez révolutionnaire est persuadé qu'après des années de vaches maigres et de scores ">.Commentaire : Summum de l’invention journalistique. A partir de 2002, il n’y a que deux tendances au sein de la LCR. La « majo » qui regroupe aussi bien Krivine que Besancenot (une forte amitié s’est développée entre eux au cours de l’année 2000 que Besancenot a passé comme attaché parlementaire d’Alain Krivine, élu eurodéputé en 1999). L’autre tendance qui persiste aujourd’hui encore est celle animée par Christian Picquet rétif à toute alliance avec LO et fascinée par le courant rénovateur du PCF.Pour cette campagne concernant le scrutin de 1999, Olivier Besancenot sera l’un des plus chauds partisans de l’alliance électorale avec Lutte Ouvrière (LO) mais en 2001, il sera de ceux qui pousseront à élargir les listes municipales de la LCR avec la gauche alternative tout comme en…2006 d’ailleurs. Les alliances ponctuelles avec LO n’ont jamais ravi la LCR (mis à part un petit courant peu représentatif). Tous les dirigeants (et militants éprouvés) traitent LO d’organisation sectaire voire de secte !En fait, comme pour toute formation politique, les alliances électorales sont de l'ordre de la tactique qui ne prélude en rien une stratégie politique permanente.
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Le Monde: Il va agir vite. En août 2007, le jour de l'ouverture de l'université de la LCR, les militants sont sidérés en découvrant le titre de "une" du Parisien : "Besancenot veut supprimer la LCR." Il calme le jeu en disant que ce n'est pas ce qu'il a déclaré, mais le message est passé. Le lendemain, en meeting, il précise sa pensée : "Se représenter seuls, c'est la clé." Il faut donc créer un nouveau parti, car "on ne peut faire du neuf avec du vieux".
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Commentaire : De nouveau, la journaliste met malhonnêtement en scène un homme seul, décidant dans son coin d’une option stratégique majeure. La LCR n’est pas l’UMP. L’intervention d’Olivier Besancenot à l’ouverture de l’université d’été de la LCR de 2007 a été précédée de plusieurs réunions de la Direction Nationale (DN), véritable instance dirigeante comprenant 80 élu(e)s lors des congrès tous les deux ans. S’il est vrai que Le Parisien a titré « Besancenot veut supprimer la LCR », il est évident que tel n’avait pas été son propos. Il annonçait ce qui avait été collectivement décidé au lendemain de la présidentielle de mai 2007 : tenter de construire un parti large, le NPA. Deux ans auparavant, Besancenot n'était que la marionnette dans les mains expertes de Krivine et le voilà promu en chef incontesté sur lequel tout le monde doit s'aligner !
Alain Krivine n'exerce plus de rôle dirigeant depuis 2007 à la suite d'un congrès qui renouvela profondément le Bureau Politique. Cela ne l'empêche nullement, de jouir de l'"autorité morale" que lui confère la légitimité "historique" liée à la co-fondation du mouvement et de conserver, jusqu'à maintenant, un rôle de porte-parole
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Le Monde: Pour lui, la LCR doit rompre avec ses choix tactiques toujours liés à ce que dit le PS ou à ce que fait le PCF. Il ne cesse de répéter son credo à ses camarades : "Il est temps de tourner la page du vieux mouvement ouvrier pour écrire une nouvelle page vierge", et de regrouper "tous ces héros de la vie quotidienne qui n'ont plus envie de se laisser faire" Selon lui, il y a urgence : on est à la veille d'"un nouveau Mai 68", où la colère accumulée et les grèves qui se multiplient peuvent "mettre le feu à la plaine".
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Commentaire : Depuis vingt ans, l’idée d’un parti large « non délimité stratégiquement » est dans tous les textes des congrès de la Ligue. En 1992, un manifeste intitulé « A la gauche du possible » théorise cette nécessité liée au changement de période. Tous les dirigeants se retrouvent sur la notion de « court XXème siècle » (1914 – 1989) et la nécessité de s’extraire de l’extrême gauche pour s’ouvrir sur un « parti large » en phase avec les nouvelles coordonnées qui ne peut être celui d’un mouvement ouvrier « vieillissant ». Evidemment, même s’il en a émis le souhait, Olivier Besancenot n’a jamais dit que nous étions à la veille d’un « nouveau Mai 68 ». Isoler "mettre le feu à la plaine" d'un discours de quarante minutes, sans aucune note, est un étrange procédé, hélas fort répandu dans les médias.
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Le Monde:La nouvelle ligne, davantage gauchiste, fait tiquer les plus anciens, mais elle plaît en interne aux jeunes. La direction a compris que Besancenot veut accélérer. Après l'avoir formé, ses mentors regardent, un peu fascinés, leur poulain prendre de l'épaisseur et imprimer sa marque. Ils se rangent derrière lui, sachant qu'il ne sera jamais comme eux, tout dévoué à "l'orga". "Il est exclu que la Ligue fasse de moi ce que LO a fait avec Arlette", a-t-il prévenu de longue date.Il n'a jamais cessé de marquer sa différence avec son camarade Krivine. Pas question de "signer pour vingt ans" comme candidat. Il revendique ses amitiés, même si elles font tiquer, comme lorsqu'il s'affiche avec Joey Starr, au discours pas toujours féministe. Il veut aussi préserver ses matches de foot, ses soirées fêtardes et sa petite famille. On ne touche pas à sa "part d'intime".Besancenot ne change pas seulement le style ou les pratiques dirigeantes de la "Ligue". Il bouleverse aussi les références et l'imagerie politique. C'est désormais Che Guevara qu'il invoque régulièrement comme son héros, ou encore la tradition libertaire. Il en oublie Trotski, décidément trop old fashion. Et après L'Internationale, ce sont souvent ses "potes" rappeurs qu'on entend à la fin de ses meetings.Il a installé son image "prolo", jeune salarié à 1 100 euros par mois. Cette faculté à ressembler à ses électeurs est son atout : "Un capital précieux dans une société minée par la crise de légitimité du personnel politique", analyse Denis Pingaud dans son ouvrage L'Effet Besancenot (Seuil, 2008). Le jeune leader travaille donc son image de poulbot d'extrême gauche au langage direct, qui veut rendre la politique accessible. Les discours et les émissions de télévision sont précédés d'un "training" minutieux. Des fiches lui sont régulièrement rédigées afin qu'il puisse sortir les bons chiffres, qui disent mieux qu'un discours les difficultés rencontrées par les "gens de peu".
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Commentaire : J’ai déjà traité de sa soit-disant « différence avec son camarade Krivine ». La grande complicité qui s’est installé entre eux n’a jamais été démentie. Ce qui n’empêche évidemment pas quelques rares désaccords sur tel ou tel point. Heureusement !Quant à prêter à Besancenot l’introduction de Che Guevara dans l’imaginaire de la Ligue, il faut terriblement manquer de culture politique pour ne pas savoir qu’à la fondation de la JCR en 1966 puis de la Ligue en 1969, Guévaristes et communistes libertaires se mêlaient allègrement aux trotskystes et que cette juxtaposition des références continue jusqu’à aujourd’hui.Le plus gaguesque est le passage où la journaliste, pourtant avertie du caractère spontané des interventions de Besancenot, parle de « training minitieux ». Pour avoir eu la responsabilité des relations presse, le seul training auquel il a bien voulu consentir date de juin 2001 avant la conférence de presse qui le révélait candidat dans le sous-sol d’un Ibis parisien. Nous étions trois dans un bureau, François Coustal, Olivier Besancenot et moi-même. Pas de magnétoscope. Il n’y en avait jamais eu, d’ailleurs. Pas de magnétophone. Juste une série de questions que j’avais préparée et que je lui assénait comme un Apathie. Duval jaugeait les réponses et ajoutait éventuellement une ou deux remarques sur le contenu. Point à la ligne. Cela dura 1h30 et il n’y eut plus jamais de « training ».
Par contre, pour préparer une intervention en meeting ou une longue émission radio ou télé, Olivier Besancenot aime réunir autour de lui quatre ou cinq responsables pour déterminer les thèmes à faire ressortir dans son intervention. Cela ne dure, en général, pas plus de trente minutes. Quoi de plus normal ?
Quant à l'image que "travaillerait le leader de la LCR", tout(e) journaliste l'ayant approché sait qu'il n'en est rien. Besancenot, facteur à 1100 euros mensuels, simple militant syndical à SUD-PTT, peut avoir des "travers" comme tout un chacun mais surtout pas de cultiver quelconque image "de poulbot" !
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Le Monde: Son "plan média" est résolument orienté vers le grand public. Interviews régulières au Parisien, à 20 Minutes ou à RMC Infos, apparitions dans l'émission satirique "Groland", sur Canal+, et même à un "Vivement dimanche", de Michel Drucker, sur France 2, diffusé le jour où Arlette Laguiller prononce son dernier discours à la fête de Lutte ouvrière. Les travailleurs, clame-t-il, ont besoin d'"un parti qui les défende jusqu'au bout". Et lui "ne lâche rien", étant "le seul à être totalement indépendant", viscéralement opposé à Nicolas Sarkozy, mais aussi au PS.
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Commentaire : « Son plan média » ! Comme si Olivier Besancenot et en l’occurrence ceux qui se sont occupés, comme moi, des relations presse définissaient eux mêmes les supports, les émissions où il serait bon d’aller porter la bonne parole. Ce sont évidemment les médias qui décident des invitations. Quand bon leur chante. En 2001, j’ai passé des heures, chaque jour, au téléphone pour décrocher des « passages » dans les médias. En vain la plupart du temps. Depuis, l’épaisseur politique et donc médiatique de l’intéressé ayant progressé, les invitations sont plus nombreuses. Cela n’a pas empêcher Le Monde de refuser une tribune collective signée Besancenot, Noël Mamère et Patrick Braouezec traitant des dérives autoritaires du sarkozysme. C’était il y a quinze jours !D’ailleurs, qui peut croire sérieusement que c’est Olivier Besancenot qui décide de son passage chez Drucker ? Cette indélicatesse journalistique est révélatrice de l’ensemble des deux pages consacrées à la LCR et au futur NPA..
Ces commentaires critiques pourraient s’appliquer à l’immense majorité des médias sur des sujets bien différents mais cette ombre sur un journal qui est devenu de révérence se devait d'être exposée. En toute clarté. Le plus honnêtement possible.