J’eusse resté quelques jours de plus,
J’aurais pu te dire
Tends moi une main, que j’y pose mon regard sidéré,
Tends moi un tabouret, que je respire ton air enivrant, dépaysant,
Tourne moi le dos, que je puisse moduler
Deux doux mots,
Un aveu clos.
Mais je pars, sans vraiment te connaître,
Avec le goût amer d’un échange à peine entamé,
Déjà si follement enjoué, pour moi qui ne sais pas aimer.
Et si aujourd’hui j’ai cherché ta porte sans la trouver,
Parcourant cette tortueuse rue de la Soie, sept fois,
C’est que mon cœur a perdu sa boussole,
Où qu’il m’interdit d’aller où mes frêles jambes voudraient me porter.
Tu m’as dit : Qu’est-ce que tu lis ?
J’ai beaucoup réfléchi. Et je t’ai répondu une idiotie.
Comme si les affaires du monde,
Comme si tout ce qu’elles ont d’immonde, d’insaisissable,
Méritait la moindre poésie.
Non, jolie Hollandaise, je ne veux pas que tu croies ça !
Moi, je dévore la Philosophie,
Je découvre patiemment la Musique,
Et Char, Ponge, Queneau, Villon et Prévert,
Shakespeare, Paz, Lucrèce et Pinsky,
Charment mon esprit, tu m’as montré ton lit.
La France est aujourd’hui gangrenée par le racisme.
Elle est un danger ou un enfer, un mouroir ou dortoir,
Pour celles et ceux qui ne partagent pas la vulgarité,
L’alcoolisme, et la haine de tout étranger.
Bien sûr, tu l’as vu, c’est toujours une détestation hypocritement cachée,
Seulement mise au jour dans des cercles et des réseaux sans raison,
Où les mecs jouent au langage,
Narcisses isolés derrière leurs écrans-boucliers.
Alors, avant de rejoindre la capitale moribonde,
Avant de me remettre aux bières, aux joints et aux potes,
Je veux te demander de ne pas flancher d’un iota,
De demeurer saine, belle et intelligente,
De dire à nos amis de Lussan, de Fons et d’Audabiac,
Que le soleil est aussi là pour nous,
Les femmes, les animaux et les hommes de bonne compagnie.