Veronika DAAE (avatar)

Veronika DAAE

journaliste bénévole au Travailleur Catalan

Abonné·e de Mediapart

18 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 décembre 2017

Veronika DAAE (avatar)

Veronika DAAE

journaliste bénévole au Travailleur Catalan

Abonné·e de Mediapart

ISOLA de Fabianny Deschamps

Dai vit seule sur une île où les migrants arrivent nombreux par bateau Article paru dans le Travailleur Catalan 3719.

Veronika DAAE (avatar)

Veronika DAAE

journaliste bénévole au Travailleur Catalan

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Isola © Veronika Daae
Illustration 2

Après sa sortie nationale le 06/12/2017, Isola, sélectionné par ACID, Cannes 2016, était présenté par la réalisatrice au Castillet (Perpignan) le 28 novembre. Le film est né du constat qu'a fait F. Deschamps de ce que les images de migrants nous étaient délivrées par les médias sans ressenti. Le scénario du film est né comme une pulsion et le tournage à Lampedusa et ailleurs, n'a pas couté plus qu'un court-métrage. Au montage, l'histoire a été mise de côté, donnant au film une lecture multiple comme l'a exprimé le public après la séance: œuvre d'art incontestable, Isola est comparé à une peinture non figurative. D'autres se laissent porter par la lecture directe de l'intrigue. La dimension symbolique prend la forme d'un conte.

Dai, improbable migrante chinoise, porte un enfant et attend de voir Zhen, son mari putatif, sortir d'un des bateaux emplis d'africains, de maghrébins... Rescapée d'un tremblement de terre par désobéissance aux traditions, Dai a recréé son monde à l'intérieur d'un abri similaire à la grotte de son désert. Isola est aussi un film sur le rêve de monde meilleur des migrants et sur les moyens de faire perdurer le mythe. Plus que le syncrétisme religieux dont elle s'entoure, c'est la croyance en soi sur le monde qui permet à Dai de sublimer sa condition de prostituée. Elle entretient une relation privilégiée avec un travailleur temporaire italien qui résume à lui seul la dualité de l'humanité, entre compassion et brutalité.

La cage de chien au centre de la caverne où habite Dai est un élément essentiel du film qui va nous accompagner vers l'émotion recherchée. Sa signification pour Dai glisse tout au long de l'œuvre du lieu de refuge de sa pureté et sa juvénilité, jusqu'à la brutale réalité de sa condition de migrante. Impuissante à ranimer un homme échoué sur la plage, elle l'embaume, processus au court duquel il reprend vie. Après l'avoir enfermé dans la cage, Dai attend qu'il se métamorphose en Zhen. Geste ambigu, elle lui donne son argent. Elle reconnait en lui peu à peu ce qu'il est, Hicham, un étranger. Sa prise de conscience s'exprime par une violence qu'on ne lui connaissait pas: «-Je vais les tuer tous»

F. Deschamps nous confie que la scène de photos à la sortie du bateau, «barbarie silencieuse d'un protocole autoritaire», s'est imposée d'elle-même comme scène finale; on peut ainsi revenir à l'image du début. A l'intérieur du cinéma expérimental, Isola a cela de particulier qu'il introduit le documentaire. La forme hybride réussit à susciter cette réaction qui donne du sens aux images tragiques présentées par les médias.

V.D.

Article du Travailleur Catalan

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.