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Billet de blog 19 février 2019

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Le trou de la Sécu

Hôpital, jour, Quelque part en France, en février 2019. Cabinet de consultation orthopédique. murs blancs, table de consultation, mobilier datant des années 70-80. Personnages : un chirurgien, homme âgé d'une soixantaine d'années. Un patient, étudiant âgé de 18 ans.

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Hôpital d’A., consultation orthopédique. Le chirurgien, un homme corpulent, aux cheveux grisonnants, examine le jeune homme allongé sur le divan d’examen. 15 jours plus tôt, il l‘avait opéré en urgence : rupture du tendon du quadriceps. Du bon travail. La cicatrice est belle. Le genou est encore enflé, c’est normal. La douleur ? Ça va.  Le patient, 18 ans, étudiant en sciences du sport, pourra poser le pied par terre dans quatre semaines. Il doit dès maintenant commencer la rééducation post-opératoire : « le risque, c’est la formation d’adhérences qui limiteraient la flexion ». Le praticien dicte les courriers à l’attention des confrères. Cet accident a un antécédent, au même genou, survenu 3 mois plus tôt : fracture du plateau tibial avec hyper-extension des ligaments croisés postérieur. Question : le tendon avait-il été fragilisé par ce premier traumatisme ? Peut-être. L’étudiant en sport pourra-t-il récupérer totalement ses capacités ? Ça dépend. On se revoit dans un mois. C'est tout, avant que l’infirmière enlève les agrafes ? Une dernière question : un kiné a suggéré un passage par un centre de rééducation, qu’en pense le chirurgien ? L’homme en blouse blanche lève les yeux au ciel derrière ses lunettes, avant de les fixer sur le jeune homme. Un centre de rééducation ? Alors, si on parle de cela, il faut aller jusqu’au bout. Quel centre, d’abord ? Celui d’à côté ne prendra pas en charge.  Il y a Capbreton, mais réservé aux sportifs au niveau national…  Le regard fixe toujours l’étudiant de 18 ans. Si vous trouvez le centre, je veux bien faire le courrier. Mais vous savez, avec le trou de la Sécu !
Il hausse les épaules, salue, s'en va.

Parce que cette scène du quotidien, dans un hôpital quelque part en France, m'a interloquée, je l'ai racontée autour de moi. J'ai récolté alors d'autres scènes du quotidien, d'hier ou d'aujourd'hui. J'éprouve beaucoup d'estime et de respect pour les personnes qui travaillent à l'hôpital public. Ce chirurgien a fait les gestes nécessaires. Mais cette parole, ce qu'elle transpirait de culpabilisation, de condescendance !

Alors, comme ça mon garçon, tu voudrais creuser encore le trou de la Sécu, avec une rééducation en centre ? Tout ça, parce que tu fais des études de sport ?

Alors, on parle comme ça, au nom du trou de la Sécu ? 

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