Quand être français devient la seconde raison d'être à la haine de l'autre, un autre Français qui est d'abord musulman, ou d'abord juif, ou d'abord chrétien, la question se pose de savoir ce que hait ce second Français, ou Français en second par rapport à son "identité" culturelle, c'est à dire son identité religieuse.
Car la religion est culture.
C'est pour l'avoir oublié que le XXIème siècle se réveille dans les clameurs et les cris des futures guerres de religion.
D'aucuns ont voulu tuer la ou les religions, c'est à dire un lien, religere-relier, un lien social historique, un consensus politique, devenu hystérique, presqu'ésotérique, entre sorcellerie et tartufferie, interdit de cité et donc interdit d'être cité.
Les hommes ont renié le Dieu d'origine, de leur origine, un peu comme s'ils avaient voulu occulter les cieux qui couvraient les lieux où ils vivent, maintenant survivent et demain risquent de périr.
La religion de l'amour devait s'opposer à la nature de l'homme, cet animal peu ou prou civilisé, aux désirs de possession toujours davantage attisés par une société de consommation le consumant d'envies non satisfaites.
Faute de parcours culturel, l'éducation étatique, cette éducation erratique prétendant pouvoir formater l'homme naturel "plastique", virtuel objet de consommation phantasmatique, a chassé toute référence à la religion et à la nation, notions cultuelles suspectes d'adoration envers un Dieu qui n'était pas l'élu politique ou le financier hérétique. Car "hérétique" est le financier/banquier, puisque la pratique de l'usure, prêter de l'argent avec des taux d'intérêt, était interdite par l'Eglise catholique, ex-religion d'Etat.[ Bien vouloir noter que si cette saine et sainte interdiction de l'usure avait été maintenue, la France n'aurait pas à rembourser aux prêteurs économiques dogmatiques les intérêts d'une dette publique impudique devenue fatidique, sinon fatale, pour le peuple tombé en esclavage].
César, le gouvernant de nos temps, ne supporte pas qu'on adore d'autre dieu que lui-même. Il n'y a pas de hasard. Chaque jour, des sondages mesurent son taux de popularité, quelque soit le César qui a irrité, preuve de ce besoin si peu sage d'être adulé et adoré comme au temps des Romains.
Toute l'institution politique repose sur ce système d'adoration du César fait dieu, élu de choix par des élections nationales, ce qui explique pourquoi César est jaloux de Dieu. Car son destin unique d'homme fait dieu se joue sous les cieux de l'amour populaire.
Il est interdit d'adorer un autre dieu que l'élu des hommes fait dieu. La religion de l'homme a remplacé la religion du fils de l'Homme, avec les conséquences tragiques d'un destin de l'homme politique dont le chemin a quitté celui des pas du fils de l'Homme.
Sous les toges des Loges, Brutus, le fils de César, attend son heure qui sera la dernière heure du César couvert d'éloges, et la dernière heure de cette République des César.
Cette irrévérence envers une religion de l'amour, où l'histoire et la mémoire étaient les "liens" sacrés du terroir, est devenue le fondement sans atours de cette infidélité des hommes du pouvoir envers les "fidèles", car "fides" renvoie à la foi. Et la loi renvoie à un droit qui peut être exercé sans foi ni loi, le droit du plus fort.
La religion unique de la possession était née, être possédé(e) et vouloir posséder l'autre, cette religion inique de la passion, cette religion des propriétaires, c'est à dire une religion non maîtrisée où le limon de la haine s'est déposé, fleuve de boue débordant partout en France, sur le thème du "Je t'aime", sans différences, c'est à dire dans la plus totale indifférence de l'autre.
La religion de l'amour, au contraire, était la religion de la non-possession et du renoncement aux biens, pour le Bien collectif.
La religion de la possession est la religion de l'appropriation et de la domination pour le bien d'un seul homme, système d'émulation contre tous les autres hommes et d'élimination des autres hommes. Le pouvoir politique tous les jours nous en livre le spectacle abominable et lamentable.
C'est ainsi qu'au nom de l'indifférence, tous pareils !, les possédants ont fait entrer les dépossédés "possédés", ceux qui voulaient posséder la terre et les biens, sans être en rien concernés par le Bien collectif de la nation. Assouvir les passions matérielles permet d'asservir l'homme, les hommes, tous pareils. De Paris jusqu'à New-York, de Pékin jusqu'à Moscou, l'homme s'habille pareil, mange pareil et pense pareil, il paraît.
La religion de la possession devait nous assurer de "l'uniforme-isation" du monde [tous habillés pareil] , sa sécurisation, c'est à dire qu'elle devait nous apporter la "mondialisation", il paraît. Ils avaient juste oublié qu'aucun homme n'est pareil, ce que rappelle la religion de l'amour. Nous sommes tous différents.
La tolérance, ce n'est pas de nier les différences et de demander de les taire, c'est d'accepter les différences. Et pour accepter les différences, il faut accéder à la connaissance de l'autre. Comment connaître l'autre, s'il se cache et s'il cache sa différence ? Enfance de l'homme en France, son éducation est devenue culture de l'indifférence envers les autres hommes, mission de l'éducation nationale qui déclare les Français "tous pareils", ce qui est faux.
La merveille des merveilles pour chaque homme, c'est qu'il est unique. Mais de cette merveille unique, il faut trouver le lien qui va permettre à l'homme de vivre avec d'autres hommes pour survivre dans un système qui ne sera pas inique. En général, on parle de système politique et/ou économique.
Aujourd'hui il serait juste d'écrire que c'est le système économique qui gère le politique, un système économique contraire aux liens d'origine qui unissaient les hommes sur cette terre de France, contraire au Bien des hommes. Si nous supprimions l'usure, fidèles à notre foi de Chrétiens et/ou de Musulmans, il n'y aurait plus de dette(s) publique, ni privées, dettes impossibles à rembourser, puisque le taux d'usure est inversement proportionnel aux capacités de remboursement de l'emprunteur. C'est donc un système d'appauvrissement des pauvres, un système de spoliation des peuples, un système d'exploitation des hommes adorant l'homme César qui les exploite.
La religion de l'homme pour l'homme, un seul homme, lui-même, se voulant pareil aux autres hommes, avec le même niveau de possession des biens matériels, seuls éléments objectivement mesurables, est devenue la religion de l'indifférence envers tous les autres hommes, ceux qui ne sont pas pareils. Celui qui n'est pas capable d'avoir une voiture, un appartement ou une maison, n'est rien. C'est un incapable. Le mythe du propriétaire, du "tous pareils", rend délétère tous les liens sociaux. L'homme n'existe pas parce qu'il est cause du bien, mais parce qu'il a des biens, même s'il est cause du mal.
Il est intéressant de noter que le bien est devenu un bien purement matériel. La notion de "bien" et de "mal", notion purement morale, est presque blasphématoire dans un univers "légal" où le normal peut être le mal, un univers "réel" où faire le mal devient normal. Il n'est plus obligatoire de se comporter bien, du moment que la loi ne vous y contraint pas ou que vous pouvez ou pensez pouvoir échapper à la loi, grâce au pouvoir, votre pouvoir, votre seul pouvoir. A défaut de faire le bien, vous pourrez faire le mal, grâce aux biens matériels que vous possédez et qui vous possèdent.
La notion de "grâce" devient péché dans cette société où l'inversion des normes est devenue la règle "spéculative", l'envers du miroir :
[
speculum masculin
Scribere de clementia, Nero Caesar, institui, ut quodam modo speculi vice fungerer et te tibi ostenderem perventurum ad voluptatem maximam omnium.
— ( SENEQUE, De clementia)
« Empereur Néron, je vais traiter de la clémence ; je vais faire en quelque sorte les fonctions d’un miroir, et vous procurer la plus grande de toutes les jouissances, en vous montrant à vous-même. »
Les économistes nous ont montrés à nous-mêmes l'envers de cette spéculation, la strangulation de l'homme par l'homme, après sa sa fatale exploitation, pour sa plus totale extermination. Et puisque César était romain, sachez que la spéculation n'est pas née d'hier.
Une fièvre de spéculation s'empara des Romains. Les causes qui faisaient varier les cours étaient diverses comme les opérations auxquelles on se livrait. Mais c'était les accidents de la politique extérieure, une banqueroute royale, une guerre venant à tarir les revenus d'une ou plusieurs provinces, qui déterminaient les grandes crises.
— (Gustave BLOCH et Jérôme CARCOPINO ; La République romaine -1913)
Enfin, pour ceux qui n'auraient plus mémoire de l'histoire, cette crise grave s'acheva sur la chute de la République romaine en 27 avant J.-C.. [Petit aparté pour juste noter que le CHRIST n'étant pas encore né, les anti-Chrétiens voudront bien trouver d'autre exutoire à leur merdoir].
Toute spéculation mercantile que je fais aux dépens de la vie de mon semblable n'est point un trafic, c'est un brigandage et un fratricide.
— ( Maximilien ROBESPIERRE ; Sur les subsistances, séance de la Convention du 2 décembre 1792).
Si la République ne lutte pas contre la spéculation, les religions reprendront leurs droits, le droit de relier l'homme à l'homme sur d'autres biens que les seuls biens matériels.
Si la République ne lutte pas contre toutes les formes de spéculation et d'exploitation de l'homme par l'homme, la chute de la République sera voulue par les hommes en butte à ceux qui ont oublié que la République, c'est d'abord la gestion de la chose publique, du "Bien" public.
Aujourd'hui se pose la question de savoir en République française quel bien relie l'homme à l'homme, sans définition du Bien commun.