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Billet de blog 27 février 2011

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Et si l’immigration était vraiment une chance pour la France?La question peut sembler incongrue, voire provocatrice en cette période de singulière régression de la pensée. Pourtant, à l’heure où les peuples arabes luttent pour leurs libertés, la présence sur le sol français de millions d’immigrés du Maghreb et de leurs descendants de nationalité française est une chance historique que nous ne devrions pas laisser passer.

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Et si l’immigration était vraiment une chance pour la France?

La question peut sembler incongrue, voire provocatrice en cette période de singulière régression de la pensée. Pourtant, à l’heure où les peuples arabes luttent pour leurs libertés, la présence sur le sol français de millions d’immigrés du Maghreb et de leurs descendants de nationalité française est une chance historique que nous ne devrions pas laisser passer. Dans le même temps, à droite comme à gauche, la classe politique française semble s’accorder sur le constat, plus ou moins atténué par un humanisme bon teint à gauche, des problèmes que poserait une forte présence musulmane sur notre sol.

La fin de la suprématie de l’occident

La plupart des analystes établissent actuellement un parallèle entre les révolutions en cours et la chute du mur de Berlin en 1989. Or, de même que ceux que l’on a longtemps appelé les pays de l’Est ont connu un réel décollage économique après la chute du mur -non sans quelques aléas- on peut s’attendre à ce que l’avènement de démocraties dans les pays du Maghreb et du Machrek contribue à y libérer les forces productives et favorise le développement économique. Les évènements actuels peuvent aussi s’analyser comme l’un des signes, avec l’accession de la Chine au rang de deuxième puissance mondiale, de la fin de la suprématie de l’occident, plus encore sans doute de celle d'une Europe prisonnière d’une vision du monde dans laquelle les peuples du Sud demeureraient à jamais vassaux.

L’époque du mépris est révolue, mais la classe politique française ne semble pas avoir pris pleinement conscience de tout ce que ce constat implique. Il est pourtant clair que si les touristes français retournent bronzer à Djerba, il faudra sans doute qu’ils arrêtent de s’y conduire comme s’il s’agissait d’une annexe de Marbella… Les entreprises françaises qui sont installées en Tunisie devront pour leur part s’accommoder de salariés qui exigeront d’être traités comme des pairs. Il n’est à cet égard pas tout à fait indifférent que Boris Boillon, après avoir affiché une morgue intolérable ait dû finalement battre sa coulpe en langue arabe. Sa déclaration, diffusée par les télés, a dû surprendre nombre de nos compatriotes habitués à voir nos ambassadeurs dans ces pays s’exprimer en français comme s’ils étaient encore en territoire colonial. Pourtant, que ne dirait-on de chefs d’entreprise, cadres, responsables, employés ou autres, débarquant à New York ou à Londres sans maîtriser un minimum d’anglais ?

En finir avec le vieux modèle assimilationniste

Il est encore une conséquence de ces événements dont notre classe politique ne semble pas avoir pris la mesure. Comment les jeunes Français d’origine maghrébine accepteront-ils d’être relégués éternellement aux seconds rangs, culpabilisés quant à leur religion, quand les pays dont ils sont originaires témoignent chaque jour devant le monde entier du courage dont ils sont capables ? Comment les filles et femmes voilées de France accepteront-elles d’être toujours stigmatisées quand, lors des manifestations à Tunis, au Caire ou à Benghazi on a vu leurs sœurs défiler par centaines pour exiger la démocratie ?

De ce point de vue, on ne peut que déplorer la lâcheté de l’ensemble de la classe politique qui s’accorde pour célébrer la chute des régimes autoritaires arabes (avec quelles précautions de langage !), tout en mettant systématiquement en cause l’Islam en France. Je ne parle pas seulement de l’UMP et de la Droite populaire. Le PS ne fait pas mieux, qui, pour condamner les arrière-pensées du débat sur l’Islam que veut lancer le Président de la République, prend soin de préciser dans le même temps que l’Islam français doit être compatible avec la République et la laïcité. Comme si ce n’était pas déjà le cas ! Comme si de on ne sait quelle mosquée souterraine devait émerger un prochain jihad. Comme si, derrière chaque femme voilée se dissimulait un intégriste, terme qu’on peine du reste à définir, ou que l’on doive mesurer la longueur des barbes.

Non, décidément, cette classe politique n’a rien compris, du NPA à l’UMP (je ne parle pas du FN qui, avec ou sans Marine Le Pen, a de tout temps fait commerce du rejet des Maghrébins et de leurs descendants). Elle n'a rien compris ni au monde du XXIe siècle, ouvert et global, ni à la France d’aujourd’hui. Elle continue à s’adresser aux Français comme si ceux-ci étaient uniformément blancs, de culture chrétienne ou juive. Où sont, dans leurs discours, les Français originaires du Maghreb ou d’Afrique noire ?

S’ils ne se posent pas la question c’est que dans le fond la réponse est pour eux évidente. La République universelle et laïque, à laquelle ils se réfèrent comme à un fétiche, ne saurait admettre les descendants de ses anciennes colonies qu’une fois passés par la moulinette de l’assimilation. Il est à cet égard assez comique de lire et d’entendre tous ces discours condamnant le multiculturalisme et, plus encore, le communautarisme. Comme si la France, coincée depuis toujours dans un modèle assimilationniste, avait jamais été multiculturelle ou communautariste ! Et la gauche n’est pas la mieux placée. Qu’on songe au comportement du PS lors du vote de la loi sur le foulard à l’école ou de celle sur la burqa, auxquelles elle n’a pas songé une seule fois à s’opposer. Qu’on songe aux discours d’un Valls, d’une Aurélie Filipetti. Comme si les femmes qui ont choisi de porter le voile étaient des adversaires de la laïcité et du droit des femmes. Qu’on songe encore à ces jeunes des cités traités de sauvageons par un ex-ministre socialiste, comme s’ils n’étaient que des barbares exempts de toute culture.

Les révolutions arabes, une opportunité historique

Alors l’immigration une chance pour la France ? Oui, si cette France vieillissante et rétrécie décide d’en finir avec la stigmatisation et les discriminations. Si elle réalise que les 600 000 Tunisiens et leurs enfants qui vivent sur son sol, tout en ayant pour beaucoup maintenu des liens forts avec leur patrie d’origine, peuvent lui donner l’opportunité de développer ses échanges avec un pays jeune, enthousiaste et francophone. Plus que par une Europe en déclin, l’avenir économique et culturel de la France passe par ses anciennes colonies d’Afrique. Encore faut-il qu’elle sache faire une place à leurs descendants établis sur son sol qui peuvent demain être un trait d’union essentiel avec leurs pays d’origine. Encore faut-il que cesse le soupçon systématique vis-à-vis des musulmans de France. Encore faut-il que cessent les discours xénophobes et islamophobes. Encore faut-il arrêter de caresser dans le sens du poil une France qui regarde en arrière. Ce n’est pas gagné…

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